Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 juillet 2010 2 13 /07 /juillet /2010 00:13

Dominique Domiquin a retrouvé, dan ses archives, ce morceau d'anthologie.

Bonne lecture

 

Ouragan sur la Chiraquie
L’express.fr
Par Eric Conan, publié le 28/06/2004 - mis à jour le 18/10/2006 14:38
 
 
Michaux-Chevry, Lafleur, Flosse: en quelques semaines, les principaux
relais du président dans les DOM-TOM ont perdu leur pouvoir. Avec eux,
c'est un système très personnel - tant sur place qu'en métropole - qui a
sombré
 
Certains, y compris dans la majorité, y voient le signe d'un épuisement du
savoir-faire chiraquien: à quelques semaines d'intervalle viennent de s'effondrer
les trois principaux potentats ultramarins indéfectiblement fidèles, depuis
plusieurs générations, au président de la République, Lucette Michaux-Chevry
(75 ans) à la Guadeloupe, Jacques Lafleur (71 ans) en Nouvelle-Calédonie et
Gaston Flosse (73 ans) en Polynésie. La fin d'une histoire longue, d'un style de
gestion de ces populations lointaines. Comme si, tout d'un coup, de vieilles
recettes exotiques, dont on souriait plus souvent qu'on ne s'en scandalisait,
avaient perdu leurs capacités d'illusion.
 
Le chiraquisme de l'outre-mer mêlait habilement légende et réalités.
Contrairement à la première, qui le présentait à la fois comme bon connaisseur
et homme politique préféré des DOM-TOM, Jacques Chirac n'avait pas les
faveurs de son 1,3 million d'électeurs (4% du corps électoral): il fut distancé par
François Mitterrand en 1988 et devança de justesse (50,73%) Lionel Jospin en
1995. Il lui aura fallu attendre l'élection présidentielle de 2002 pour obtenir ses
meilleurs résultats. Et, question tropisme personnel, il aura passé plus de temps
en vacances à Maurice que dans les îles françaises...
 
Une relation exclusive avec l'Elysée
Cette légende devait cependant sa force à quelques solides réalités. D'abord, la
parfaite adéquation du charisme chiraquien aux chaudes exubérances locales.
Véritables fêtes souvent incontrôlables, les voyages présidentiels outre-mer
furent toujours de bruyantes réussites, y compris, comme l'été dernier, en
Nouvelle-Calédonie, le territoire à la fois le plus «froid» et le plus difficile pour
lui, depuis le drame d'Ouvéa, en 1988.
 
La clef du système ultramarin chiraquien reposait sur l'existence de «relais»
locaux, intermédiaires de confiance censés à la fois représenter et «tenir» ces
territoires où «il faut s'y prendre différemment». Ce mode de relations, qui n'a
pas réussi partout - Léon Bertrand ne s'est pas imposé au centre de la vie
politique guyanaise - se manifeste même à l'état de trace dans les situations
défavorables: Paul Vergès, leader insubmersible du très original Parti
communiste réunionnais, a toujours entretenu une complicité ambiguë avec
Jacques Chirac et, à la Martinique, le chiraquien Pierre Petit faisait partie de la
majorité régionale de l'indépendantiste Alfred Marie-Jeanne.
 
Lorsqu'un relais de confiance existe, rien ne lui est refusé. Alors qu'aucun d'eux
ne venait du gaullisme, Lucette Michaux-Chevry, Gaston Flosse et Jacques
Lafleur sont devenus progressivement des personnes clefs bénéficiaires d'une
confiance de plus en plus aveugle de Jacques Chirac. Ce qui a fait, pendant des
décennies, la réussite de ce système - le charisme, l'appétit de pouvoir et
l'énergie de ces relais - s'est transformé petit à petit en «problème». Chacun,
avec son propre style, a fait le vide autour de lui, détruisant toute perspective de
succession, multipliant les ressentiments parmi ses partisans et s'isolant au sein
d'un pouvoir féodal dont le ressort principal consistait à redistribuer l'argent de
la métropole, tout en prenant ses distances avec elle, au point de finir par
inquiéter des populations locales massivement légitimistes.
 
Jacques Chirac s'est ainsi enfermé dans ses rapports personnels avec «Lucette»,
«Gaston» et «Jacquot» jusqu'à ne plus pouvoir rien leur refuser. Ces trois-là
étaient devenus le cauchemar de tout ministre de l'Outre-Mer: ils avaient le
contact direct avec le président et finissaient invariablement par tout obtenir de
lui. Ce système en circuit fermé a tourné à la caricature quand Jacques Chirac a
décidé de nommer en 2002, au ministère de l'Outre-Mer, Brigitte Girardin, sa
conseillère technique à l'Elysée, qui n'aura de cesse qu'elle ne dépossède
Matignon de toute influence dans ce domaine, obtenant même qu'à l'UMP Eric
Raoult ne s'occupe plus des élus de l'outre-mer parce qu'il avait, notamment,
commis le crime d'avoir des relations avec Harold Martin, l'un des premiers
dissidents du «lafleurisme» et aujourd'hui nouveau président du Congrès à
Nouméa... La ligne était de tout leur passer, et pas seulement leurs petits
caprices, alors que les premiers signes de déclin devinrent évidents lors des
législatives de 2002.
 
 
Aventures institutionnelles
Ainsi, l'Elysée n'ose pas démentir quand Jacques Lafleur (Jacques Chirac ayant
tout fait pour regagner sa confiance après sa trahison balladurienne de 1995)
prétend publiquement que le président lui a demandé de se représenter aux
élections de 2004, qui confirmeront son rejet par la droite calédonienne après
l'avertissement de 2002. De même, l'Elysée modifie la Constitution pour
accorder, une fois de plus, à Gaston Flosse un statut sur mesure (en partie
censuré par le Conseil constitutionnel parce qu'il porte atteinte au principe
d'égalité). Et lui obéit en un temps record lorsque, pour l'appliquer au plus vite,
Flosse demande la dissolution de l'Assemblée de Polynésie, provoquant de
nouvelles élections qui lui seront fatales.
 
Mais surtout Jacques Chirac a fini par inquiéter sa base électorale en cautionnant
les aventures institutionnelles de Lucette Michaux-Chevry. Celle-ci, à mesure
que son destin judiciaire s'assombrissait et que se répétaient les mises en
examen, faisait de la surenchère et réclamait une «région autonome», avec
«pouvoir législatif», au point de signer un texte dans ce sens - la «Déclaration de
Basse-Terre» - avec l'indépendantiste martiniquais Alfred Marie-Jeanne. Jacques
Chirac ira jusqu'à saluer une «démarche intéressante» et, contre l'avis de
Matignon, à accorder à Lucette, en décembre 2003, l'organisation de deux
référendums aux Antilles, portant sur la création d'une institution remplaçant le
département, au moment même où il déclarait par ailleurs que ce dernier était
l'institution de base de la France. Ce confusionnisme juridique, illustré par la
modification absconse de l'article 73 de la Constitution sur l'organisation des
départements d'outre-mer, sera dénoncé par le Conseil d'Etat dans son dernier
rapport annuel et jugé «illisible» au sein du Conseil constitutionnel.
 
Ce fut là, de la part de Jacques Chirac et de Brigitte Girardin, une erreur de
jugement politique à l'égard de populations lassées et inquiétées par cette
réformite institutionnelle, simple dérivatif pour des élus qui ont présenté le
Saint-Graal de la «réforme de statut» comme la condition indispensable à un
avenir meilleur, alors qu'ils n'avaient pas vraiment utilisé les possibilités
d'adaptation locale que leur permettait déjà la Constitution. Ils se sont ainsi
défaussés de leurs responsabilités face aux vraies préoccupations des
populations que sont le chômage massif, la montée de l'insécurité, les grèves
permanentes et la drogue.
 
Largement subventionnées par l' «argent gratuit» de la «grosse mère poule», les
économies des DOM sont de plus en plus fondées sur la consommation et de
moins en moins sur la production. Le chiraquisme et ses relais n'auront cessé
d'éluder les questions taboues du travail au noir généralisé et des sursalaires des
fonctionnaires (supérieurs de 40 à 50% à ceux de la métropole), institués il y a
plus d'un siècle pour des raisons aujourd'hui obsolètes (insalubrité, isolement,
pénibilité des voyages en bateau à vapeur, etc.). La suppression de ces privilèges
indus, qui «plombent» des économies locales déjà asphyxiées, est régulièrement
présentée comme la question prioritaire par les experts (dont les auteurs du
rapport Mossé, le dernier en date commandé par le ministère de l'Outre-Mer),
mais aussi - en privé - par beaucoup d'élus...
 
Le retentissant double non antillais aux référendums de décembre 2003 a
constitué une sérieuse mise en garde, après l'échec de la
«bidépartementalisation» à la Réunion, où, sous la pression de la population, les
élus ont dû retirer leur projet et faire inscrire dans la Constitution que leur île
resterait un département comme un autre. Patrick Devedjian, alors ministre
délégué aux Libertés locales, en conclura que les élus locaux avaient été «un peu
désavoués». Au moins autant que la ministre de l'Outre-Mer, dont les
compétences techniques, régulièrement saluées (elle vient de faire voter à
l'unanimité la très délicate loi sur l'octroi de mer), ne suffisent plus à masquer un
bilan politique désastreux.
 
Jean-Pierre Raffarin avait imaginé pouvoir se séparer de Brigitte Girardin lors
du dernier remaniement. En vain. Peu portée à l'autocritique et mauvaise
joueuse, la ministre de l'Outre-Mer avait confié aux Réunionnais, quelques
semaines après l'échec des consultations aux Antilles, que, «pour la première
fois, on [sentait] au sein du gouvernement et de la majorité un sentiment de ras-
le-bol par rapport à l'outre-mer». L'éjection du trio Michaux-Chevry-Flosse-
Lafleur semble indiquer un «ras-le-bol» réciproque.
 
Post-scriptum
Brigitte Girardin a consacré une large place, dans sa visite de trois jours à la
Martinique, du 24 au 26 juin, à la lutte contre le trafic de drogue. La veille de
son départ, elle avait été conviée par Jacques Chirac au Conseil de sécurité
intérieure.
 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de André-Jean Vidal
  • : Revue de l'actualité politique locale
  • Contact

Texte Libre

Recherche

Liens