Etude nationale IME sur le stress au travail
Du stress de l’individu à la « biocompatibilité » de l’organisation :
l’Institut de Médecine Environnementale (IME) présente les résultats de son étude et ses
recommandations pour mieux évaluer, comprendre, prévenir le stress au travail et les RPS
Selon l’étude nationale menée par l’IME auprès de plus de 3 000 personnes1, une large majorité
des salariés se disent tellement stressés par leur travail que cela les rend dépressifs, insomniaques ou
souffrants2 et
reconnaissent subir des problèmes organisationnels3 rendant difficile l’accomplissement de leurs missions.
Ce stress aux effets pathologiques, indicateur de Risques PsychoSociaux, est fortement lié à la
« non
biocompatibilité » du poste occupé, autrement dit l’inadaptation du poste au fonctionnement humain4.
Découvrez les résultats de cette étude et les recommandations de l’IME pour gérer le stress de
l’individu et
développer la biocompatibilité de l’organisation en vue d’une meilleure prévention des Risques PsychoSociaux.
Mieux comprendre pour mieux gérer.
Dans la lignée des démarches institutionnelles concrétisées notamment par les rapports Nasse‐Légeron5,
Gollac6 et Lachmann7, l’IME a souhaité participer au développement de la connaissance scientifique
interdisciplinaire sur la question du stress au travail et à une démarche nationale de prévention /
gestion du
stress et des Risques PsychoSociaux. Dans l’étude nationale IME sur le stress au travail et ses
causes, l’Institut
de Médecine Environnementale vise à comprendre les interactions des dimensions individuelles, managériales
et organisationnelles en jeu, afin de contribuer à définir des plans d’action efficaces et ciblés,
tant aux niveaux
sociétal et institutionnel qu’au niveau des organisations elles‐mêmes.
Stress, stressabilité et stress pathologique
Plus de la moitié des personnes interrogées disent qu’elles sont stressées au travail. Ce vécu de
stress a été
étudiée à travers quatre questions : trois qui testent la « stressabilité » (ou « stress
cognitif ») et une quatrième qui
teste le « stress pathologique », c’est‐à‐dire le stress qui a des conséquences sur la santé.
1
Etude conduite du 25 mai au 25 juillet 2010 auprès de 3052 personnes (2840 questionnaires online + 212 questionnaires papier).
2
Cf. 60,7 % des personnes interrogées ont répondu « Assez d’accord », « D’accord » ou « Tout à fait d’accord » à la question 13 : « Mon travail me stresse
tellement que cela me rend dépressif(ve), insomniaque ou souffrant(e) (douleurs, maladies...). » (45,5 % ont répondu « D’accord » ou « Tout à fait d’accord »).
3
Cf. 55 % des personnes interrogées reconnaissent subir des problèmes organisationnels dus à une mauvaise circulation de l’information, un déséquilibre
entre leur autonomie et leur responsabilité dans les missions confiées et un décalage entre le travail qu’ils font au quotidien et leur vrai cœur de fonction
(8 questions posées sur le sujet de l’organisation).
4
Corrélation très forte (r = 0,53). Pour mémo, lire l’encadré sur les corrélations.
5
Rapport « Détermination, mesure et suivi des risques psychosociaux au travail » (publié le mercredi 12 mars 2008) de Philippe Nasse, magistrat
honoraire et Patrick Légeron, médecin psychiatre, remis à Xavier Bertrand, Ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité.
6
Rapport « L’observation statistique des risques psychosociaux au travail » (publié le 27 novembre 2009) de Michel Gollac, Membre du Centre de
recherche en économie et Statistique (http://www.cnis.fr/agenda/DIV/DIV_0191.pdf).
7
Rapport « Bien‐être et efficacité au travail : 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail » (publié le 17 février 2010) fait à la
demande du Premier Ministre par Henri LACHMANN,
Christian LAROSE et Muriel PENICAUD, avec le support de Marguerite MOLEUX.
Sur le plan de la « stressabilité », 53 % des personnes affirment stresser facilement face à
un problème8, 67 %
pensent stresser davantage que leurs collègues9 et 52 % déclarent stresser pour un rien en se
mettant toutes
seules sous pression10. Sur le plan du stress pathologique, 60 % des personnes interrogées disent
stresser
tellement au travail que cela les rend dépressives, insomniaques, souffrantes (douleurs, maladies…) 11.
Or, cette étude révèle que ce stress dit « pathologique » est fortement lié à la « non
biocompatibilité » du poste
occupé, autrement dit l’inadaptation du poste au fonctionnement humain (r = 0,53).
D’ailleurs, 55 % des répondants reconnaissent subir des problèmes organisationnels dus à une mauvaise circulation
de l’information, un déséquilibre entre leur autonomie et leur responsabilité dans les missions confiées
et un
décalage entre le travail qu’ils font au quotidien et leur vrai cœur de fonction (cf. 8 questions posées).
Le stress « pathologique » est aussi fortement lié à l’existence de rapports de force avec
leurs managers et
collaborateurs12 : une personne sur deux déclare rencontrer ce type de problèmes au travail 13.
Enfin, l’étude confirme le rôle important du manque de reconnaissance dans la survenue du stress
pathologique (r = 0,39) mais aussi, à l’inverse, du rôle préventif d’un management attentif à
mobiliser les
motivations profondes et durables des salariés (r = ‐0,21).
Surprenant :
Les hommes sont plus stressés au travail que les femmes sur tous les aspects du stress évalués ici et dans toutes
les situations professionnelles… alors que bien des enquêtes présentent les hommes comme moins stressés !
En fait, le stress habituellement identifié est d’abord l’anxiété (« stress de fuite ») et, dans une moindre mesure, la
tendance dépressive (« stress d’inhibition ») ; alors que la combativité (induite par l’énervement et
la colère, ou
« stress de lutte ») souvent cataloguée de « bon stress », n’est pas inclus dans la plupart de ces études.
De plus, cette combativité induite par le stress de lutte est plutôt valorisée chez les hommes,
qui expriment
généralement moins que les femmes leur ressenti négatif.
En évaluant les différentes composantes de la stressabilité et du stress pathologique, l’étude nationale
IME
révèle un stress professionnel plus élevé chez les hommes.
5 idées clé pour développer la biocompatibilité
D’après l’analyse réalisée par l’Institut de Médecine Environnementale, il apparaît que le plus facile
mais aussi le
plus efficace pour réduire le stress au travail et prévenir les Risques PsychoSociaux serait de rendre les postes et le
management « biocompatibles », quel que soit le mode d’organisation : pyramidal, matriciel, en réseau…
En pratique, voici donc les 5 recommandations de l’IME à l’« entreprise France » et à toutes
les organisations
désireuses de développer la « biocompatibilité » de l’organisation et du management :
Etablir une circulation de l’information ouverte qui permette à chacun d’obtenir ou de transmettre
des
informations utiles sans craindre de conséquences négatives pour lui‐même (conflit d’intérêts…)
Donner à chacun toute l’autonomie nécessaire pour exercer pleinement ses différentes responsabilités
Se concentrer sur les tâches relevant de son cœur de fonction et apprendre à mieux déléguer le reste
Former les managers à la prévention / gestion des rapports de force en abandonnant le management
par le
stress et la compétition interne
Manager davantage en fonction des motivations profondes durables et des capacités d’adaptation qui
diminuent la sensibilité à l’échec ou au manque de reconnaissance.
8
Cf. 52,8 % personnes interrogées ont répondu « Assez d’accord », « D’accord » ou « Tout à fait d’accord » à la question 10 : « Quand je dois gérer un
problème, je me sens facilement anxieux(se), irritable ou découragé(e) (stressé(e)). » (30,7 % ont répondu « D’accord » ou « Tout à fait d’accord »).
9
Cf. 66,6 % des personnes interrogées ont répondu « Assez d’accord », « D’accord » ou « Tout à fait d’accord » à la question 11 : « A situations comparables, je
stresse davantage que la plupart de mes collègues. » (42,7 % ont répondu « D’accord » ou « Tout à fait d’accord »).
A noter qu’il est mathématiquement impossible que 67 % des gens stressent plus que leurs collègues : ceci met en évidence la sous‐évaluation du stress des
autres sans doute dû au fait qu’on cherche à le cacher et à une certaine sur‐évaluation du sien !
10
Cf. 51,9 % des personnes interrogées ont répondu « Assez d’accord », « D’accord » ou « Tout à fait d’accord » à la question 12 : « Je me stresse souvent pour
un rien parce que je me mets tout(e) seul(e) sous pression. » (33 % ont répondu « D’accord » ou « Tout à fait d’accord »).
11
Cf. note n°2 ci‐dessus.
12
Corrélation élevée (r = 0,35) entre la question 13 (stress pathologique) et la question 44 (rapports de forces dans le service).
13
Cf. 51,5 % des personnes interrogées ont répondu « Assez d’accord », « D’accord » ou « Tout à fait d’accord » à la question 44 : « Les rapports de forces font
partie du fonctionnement normal dans mon service. » (31,4 % ont répondu « D’accord » ou « Tout à fait d’accord »).
Qu’est‐ce que la « biocompatibilité » ?
Selon l’IME, la « biocompatibilité » est ce qui rend un poste, l’organisation et le management
compatibles avec
le fonctionnement humain. Elle définit des caractéristiques universelles qu’ils doivent posséder (en termes
de
circulation de l’information, de cohérence entre pouvoirs de décision et responsabilités, de centrage sur
le cœur de
fonction, de délégation, de communication managériale…) pour être compatibles avec le fonctionnement d’un être
humain, indépendamment des compétences ou qualités personnelles de celui‐ci.
La « biocompatibilité » se distingue donc du « casting » qui définit les caractéristiques
particulières que doit
posséder l’individu pour correspondre le mieux possible à son poste (notamment en termes de compétences et de «
personnalité » : esprit d’équipe, ouverture, franchise, motivation, gout du challenge, affirmation…).
Pour mémo :
Cette étude apporte 2 types d’informations : des valeurs descriptives et des valeurs plus explicatives,
les
corrélations. Une corrélation est un calcul mathématique permettant d’évaluer si 2 facteurs sont liés et
évoluent
ensemble, ce qui laisse supposer l’existence de relations de causes et d’effets.
Si la corrélation entre 2 facteurs est maximum (r = 1), elle signifie qu’il y a parallélisme total d’évolution entre les 2,
ce qui laisse supposer l’existence d’une relation de cause à effet directe.
Si cette corrélation est nulle (r = 0), les 2 facteurs sont indépendants.
Si cette corrélation est négative (r = entre 0 et ‐1) cela signifie que les 2 facteurs
sont antinomiques ou antidotes :
développer l’un revient donc à se protéger de l’autre !
L’Institut de Médecine Environnementale (IME)
Institut de recherche, conseil et formation, l’IME réalise un transfert de compétences entre les
neurosciences,
sciences du comportement, et les domaines de la santé, du management, de l’organisation en entreprises
et
institutions, dans la perspective d’un développement durable.
Jacques Fradin, Directeur de l’IME
Docteur en Médecine, Comportementaliste et Cognitiviste, membre de l’Association Française de
Thérapie Comportementale et Cognitive, Jacques Fradin dirige l'Institut de Médecine
Environnementale (IME), qu’il a fondé à Paris en 1987, et y anime une équipe de recherche
en
neurosciences cognitives et comportementales, en partenariat avec l’Université de Paris 8 et
l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées – Antenne IMASSA (Institut de Médecine Aérospatiale du
Service de santé des Armées).
Il est expert auprès des entreprises et des institutions dont l’Association Progrès du Management (APM),
la cellule Risques PsychoSociaux de la Direction Générale du Travail, le Réseau Francophone de Formation
en Santé au
Travail sous la tutelle du Ministère du Travail et le Plan Urbanisme Construction et Architecture (PUCA).
Conférencier lors d’événements scientifiques ou professionnels, Jacques Fradin est aussi auteur ou co‐auteur
de
nombreux articles et ouvrages, allant de la publication scientifique à la vulgarisation des neurosciences,
avec
notamment : Manager selon les Personnalités (2006) et L’intelligence du stress (2008), publiés aux
Editions
d'Organisation / Groupe Eyrolles ; Crises et facteur humain. Les nouvelles frontières mentales des
crises,
ouvrage collectif sous la direction de Thierry Portal, aux Éditions De Boeck Université (2009).