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23 septembre 2010 4 23 /09 /septembre /2010 21:52

NOUS DILATOIRES
Par Dominique DOMIQUIN
 
Persistent décidément chez nous des habitudes (sinon des vices) que je ne
comprendrai jamais. Je viens de lire sur le blog du « Scrutateur » un plaidoyer
de M Edouard Boulogne tentant de minimiser la gravité des propos tenus par
Alain Huygues Despointes dans le reportage « Les derniers maîtres de la
Martinique », diffusé durant la grosse crise de 2009. Propos qui lui valent
aujourd’hui de comparaître devant la justice pour incitation à la haine raciale et
apologie de crimes contre l’humanité. Il n’y a pourtant pas à tergiverser. Les
propos de monsieur Huygues Despointes sont racistes et sans la moindre
ambiguïté. 
 
Que dans nos familles de noirs, de blancs, d’indiens, d’asiatiques et de syro-
libanais des discours et injures racistes soient régulièrement tenus sur le ton le
plus badin ne fait aucun doute pour votre serviteur. Ils n’en sont pas moins, en
droit positif français, condamnables lorsqu’ils sont prononcés dans la sphère
publique. Faut-il donc systématiquement que la justice nous le rappelle ? Notre
Histoire locale et plus largement celle de l’humanité ne nous auraient donc rien
enseigné ?
 
Malgré les séquelles de l’Histoire, gardons nous de notre vieille tendance à tout
mélanger ; la race, la politique, la lutte des classes, l’histoire, la mémoire,
l’économie, la tradition ou la culture en un bébélé de moins en moins digeste
pour les générations montantes. La Guadeloupe et la Martinique ne sont
aucunement deux rochers aux arêtes insensibles aux eaux tumultueuses du
temps. Ce n’est pas parce que nos sociétés sont nées du racisme que nous
devons à toute force nous barricader dans l’Habitation. Que nous devons être
complaisants envers le phénotype auquel l’évidence semble nous rattacher. En
tout cas, que l’on ne compte pas sur moi pour la solidarité aveugle de race ou
d’idéologie. 
 
La conséquence la plus grave de cette atmosphère délétère -que nous ne cessons
pourtant d’entretenir avec une volupté morbide- est que notre jeunesse fout le
camp au propre comme au figuré. Autant à cause du chômage que parce qu’elle
est lasse de nos ataviques guéguerres de tranchées. Elle a de l’ambition, elle
raisonne et n’hésite pas à aller voir ailleurs si l’air est plus respirable.
 
Il eût peut-être été courageux que monsieur Despointes adoptât l’une des
positions suivantes : 
La première : qu’il dise franchement « ében wè mon chè ! Man rasis, man pa
enmé nèg, métisaj ka dégouté mwen. Mé fôk nou séryé, isi-ya nèg pa enmé
mélanjé kô-yo an granjou épi blan nonplis. Alos annou arété épi bagay-jé ta-
a ! » Mais qu’il assume son credo devant la justice, la société martiniquaise et
toute la France en général.
 
La seconde eut été pour lui d’admettre : « Mézanmi, man fouté sékèl o séryé…
C’est vrai, j’ai déconné grave, rien ne m’excuse et je suis prêt à assumer la
sentence quelle qu’elle soit. »
 
Il est quand même curieux que a kaz an nou, lorsqu’il s’agit d’affronter la
justice pour des raisons idéologiques, chez les noirs comme chez les blancs, plus
rien n’est assumé. Une fois dans le box, nos grosses graines font pschiitt ! Y’a
plus personne ! Peut-être à cause de la conscience soudaine du regard de
l’Autre ? Quand M Huygues Despointes dit que ses propos ont été déformés,
retirés de leur contexte ou enregistrés à son insu, ça change quoi ? Tout ceci
ressemble fort à une tentative de zanzolaj désespéré. 
 
Durant la campagne précédant le référendum statutaire en Martinique, M Claude
Cayol avait tenu des propos infamants envers des enseignants qu’il qualifiait de
« blancs qui ne sont même pas coiffés et qui sentent » qu’il assume, lui aussi.
Pourquoi faut-il encore qu’on nous explique cela ? On peut être indépendantiste,
légitimiste ou sanfouté sans être raciste. Pour renverser l’adage de Sonny
Rupaire, je dirais « Viser l’Autre, pourquoi pas, mais n’oublions pas pour autant
de nous viser nous-mêmes ». 
 
On me dira « Nous sommes humains. Nous pouvons tous déraper de temps à
autres. Et puis cette liberté d’expression, ce pluralisme d’idées qui vous est si
cher ? Ne faut-il pas craindre qu’ils ne soient, à terme, muselés par des barbelés
juridiques en plus de l’impalpable bienpensance sclérosante ? » Je répondrai que
c’est justement à cela que le courage des opinions se mesure. Gran nonm paka
wont. 
 
Dans un tout autre registre, (qui ne touche pas à la race mais aux dérives lors des
luttes socio-idéologiques) quand un syndicaliste guadeloupéen refuse de rendre
compte de ses actes et d’en accepter les conséquences sous prétexte qu’il ne peut
s’exprimer qu’en créole, en 2010… on aura beau hurler à la justice coloniale,
j’appelle ça une toute petite tentative de masko.  Après cela, qu’on ne vienne pas
me dire que nous avons envie d’être responsables en Martinique ou en
Guadeloupe. Ni en tant que département français, ni en tant que Pays.
 
 
Dominique DOMIQUIN
Goyave, le 23 Septembre 2010

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commentaires

K
<br /> C'est que ce bon M Boulogne et son site le Scrutateur sont quand meme par moment très Fachos Catho de très grosse droite un peu bornée.<br /> loin de la Philosophie que ce M pense avoir enseigné<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Voila une bien belle réflexion!<br /> Merci de nous la faire partager...encore faudra-t-il qu'on soit suffisamment forts et honnêtes pour accepter certaines vérités que vous mettez en lumière.<br /> <br /> <br />
Répondre

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