XIe CONGRES DES ELUS DEPARTEMENTAUX ET REGIONAUX
DISCOURS DU PRESIDENT DU CONSEIL REGIONAL M. VICTORIN LUREL
Monsieur le sénateur-président du Conseil général,
Madame et messieurs les parlementaires,
Monsieur le président de l’Association des maires,
Monsieur le président du Conseil économique et social régional,
Monsieur le président du Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement,
Mesdames et messieurs les élus départementaux et régionaux, chers collègues, Mesdames et messieurs les responsables de partis politiques, Mesdames et messieurs les invités, Mesdames et
messieurs,
Mes chers compatriotes,
C’est avec fierté et une certaine solennité que j’ouvre ce matin les travaux du deuxième des trois congrès que la Région Guadeloupe aura, au total, organisés durant ce semestre.
Tout juste un mois après celui que nous avons tenu sur la violence et l’insécurité, et avant de nous retrouver ici dans moins de deux semaines, le 21 décembre, pour débattre de santé et
d’alimentation, nous sommes donc réunis aujourd’hui et demain, sur trois demi-journées, autour de l’élaboration du Projet guadeloupéen de société.
Mais, en réalité, chacun de ces trois congrès que nous avons convoqués s’inscrit précisément dans cette démarche décidée en juin 2009 et confirmée ici-même en décembre 2010.
Les congrès thématiques ont pour objet d’enrichir notre réflexion commune sur des problématiques sociétales essentielles mais, au travers du vote de nos résolutions, ils nous permettent
dans le même temps de mettre en œuvre des politiques publiques et des mesures concrètes pour apporter des réponses aux demandes citoyennes. Car notre travail de réflexion, pour important
qu’il soit, ne doit jamais nous faire perdre de vue que nous avons d’abord été élus pour agir très concrètement dans l’intérêt des Guadeloupéens.
Ce XIe congrès, j’ai toutefois souhaité qu’il soit un congrès « d’orientation ». C'est-à-dire, par essence, un moment de débat sur ce que peuvent être les grands axes, les thématiques et
les valeurs de ce projet de société.
Ce débat que nous aurons, je l’espère, durant ces trois demi-journées, je le voudrais riche, nourri, ouvert et respectueux, afin qu’il permette à la plus large diversité des courants et
partis politiques guadeloupéens de s’exprimer pour parvenir à confronter les idées et non pas les hommes.
Un congrès de débat, ai-je dit. Pas un congrès de combat.
En programmant notre présente réunion dès le mois d’août et en décidant début novembre d’en confirmer la tenue, je ne cherchais pas, en tout cas, à me dresser face à quiconque, ni à
entraver la route de qui que ce soit.
Il s’agit pour moi de tenter de redonner un nouveau souffle à notre démarche qui, soyons honnêtes et humbles, risque un enlisement durable malgré l’installation des instances – comité
guadeloupéen du projet, comités territoriaux, comités locaux à l’échelle communale –, malgré 28 réunions organisées par la Région sur la problématique institutionnelle au second
semestre 2010 et malgré la quinzaine de textes recueillis par le président GILLLOT au premier semestre 2011 et synthétisés par ses services, fruits d’un appel à contribution pourtant
largement diffusé à l’ensemble des leaders d’opinion.
Je tiens d’autant plus à ce que nous lui donnions un nouveau souffle que j’ai été moi-même bien injustement accusé, à chacune de mes présidences du congrès, d’être le frein, seul et
unique, du processus d’élaboration du projet de société. Accusé le plus souvent par des élus et des responsables qui, eux-mêmes, n’ont pas pour autant engagé la moindre initiative, ne
serait-ce qu’au niveau de leur commune, pour faire vivre le débat.
C’est donc pour redonner ce nécessaire nouveau souffle à notre démarche commune que j’ai annoncé, en ma qualité de président en exercice du Congrès, mon intention de proposer aux élus une
contribution afin de susciter les débats et les échanges, qu’à l’évidence, nous avons eu tant de mal à obtenir ex nihilo ces derniers mois, en partant de zéro.
A mes yeux, je l’ai dit, les élus ne peuvent pas être des caisses de résonance. Le peuple n’attend pas seulement de nous que nous venions devant lui pour lui demander des idées. Le peuple
nous demande au contraire d’avoir des idées, de les exposer, de fixer un cap dans un dialogue démocratique au terme duquel c’est lui, le peuple, qui choisit.
L’ambition d’une telle contribution n’est donc en aucun cas de confisquer le débat ou de le préempter, comme j’ai pu l’entendre. Mais, bien au contraire, d’en être l’outil, car il est écrit
noir sur blanc dans son avant-propos qu’elle a vocation à être enrichie, modifiée et amendée dans le débat. Et j’ajoute rejetée !
Aurais-je pris la peine de préciser cela dès les toutes premières lignes, si j’avais eu la moindre intention d’imposer ce texte en l’état ?
Il n’y a pas non plus de ma part d’intention sournoise de violer la méthode adoptée en juin 2009.
Cette contribution sera diffusée de la manière la plus large possible. Toutes les contributions devront l’être. Les membres du congrès l’ont reçue, ainsi que l’ensemble des maires. Elle est
en cours d’envoi aux associations, aux syndicats, aux cultes, bref !, à l’ensemble des acteurs de la vie économique, sociale et sociétale de la Guadeloupe. Elle est d’ores et déjà disponible
pour le grand public sur le site Internet du Conseil régional où il est possible de la commenter
et de l’enrichir en ligne. Et, grâce aux éditions JASOR, elle sera bientôt en vente en librairie pour ceux qui voudront l’avoir en livre de poche.
A l’issue de nos débats, l’ensemble des contributions – la nôtre, mais également toutes celles qui seront enregistrées aujourd’hui - sera transmises au comité guadeloupéen du projet que je
souhaite convoquer avant la fin de l’année. Et elles seront mises en débat au sein des comités communaux devant lesquels j’ai l’intention de me rendre personnellement pour les présenter.
Nul viol, donc, ni de l’esprit, ni des instances prévues dans notre méthode. Encore moins de volonté d’écarter le peuple qui pourra s’exprimer à tous les stades du processus et, surtout, en
dernier ressort. Mais, un peu à l’image de l’appel à contributions lancé au début de cette année par le président du Conseil général – qui ne figurait pas stricto sensu dans la méthode
initiale –, j’ai à mon tour cherché un moyen de relancer efficacement notre processus. Et, au vu de la controverse que mon initiative a générée et des contributions qui sont apparues depuis
ou qui ont été réclamées - jusque par textos – le weekend dernier par certains responsables politiques, je pense que tout cela a été positif et je ne peux pas être mécontent d’avoir
conduit cet important travail de rédaction et de synthèse.
Ces contributions, les voici, dans leur format respectif.
Il y a le recueil des 15 contributions synthétisées par le Conseil général avec dans l’ordre du document :
- celle du groupe SRC du Conseil général ; - celle de la présidente de la Société des économistes de la Guadeloupe ; - celle du
député Eric JALTON ; - celle du maire de Basse-Terre, Lucette MICHAUX-CHEVRY ; - celle du RND de Georges BREDENT ; - celle du Comité
SIDAMBAROM ;
- celle du CIPPA ; - celle de la Chambre de commerce des îles de Guadeloupe; - celle de Guadeloupe Unie Socialisme et Réalités ;
- celle du conseiller général Guy GEORGES ; - celle de l’Ordre des experts-comptables ; - celle de la Chambre de métiers et d’artisanat de
la Guadeloupe ; - celle de Jean PENSEDENT-ERBLON ; - celle du CAUE ; - et celle du CO.RE.CA.
Je tiens à remercier chaleureusement tous ces contributeurs qui ont fait cet effort d’enrichir les propositions et auxquels s’ajoute le MEDEF, qui a transmis sa contribution : le projet
AGORA.
Et puis il y a notre contribution, qui s’intitule « Pour une société de projets ». Initialement contribution de la présidence en exercice du Congrès, elle a été longuement présentée et
discutée mardi lors de la 5e séance plénière du Conseil régional, ce qui en fait aujourd’hui le texte porté par la collectivité régionale.
Que l’on m’autorise cette faiblesse d’en dire quelques mots en particulier.
Au-delà de l’apparent jeu de mots, ce titre marque notre souci de formuler un projet de société fédérateur autour duquel la Guadeloupe pourrait se rassembler et se mettre en mouvement vers
des objectifs et des ambitions partagés, tout en réussissant la gageure de rassembler les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens par-delà leurs différences et leurs opinions divergentes qui,
comme partout, vont de l’extrême gauche à l’extrême droite.
Nous devons en effet nous adresser à ceux, plus nombreux qu’on ne le pense, que le concept de projet de société « unique » laisse perplexe, voire inquiète légitimement. Les pays à projet de
société unique n’ont pas laissé que de bons souvenirs dans l’histoire. Nous ne devons pas l’oublier.
C’est pourquoi, il est écrit dès son introduction que ce projet de société ne saurait être un carcan ou une planification autoritaire unique et impérative figeant nos destins dans le
marbre. Pour aboutir au rassemblement le plus large et à l’adhésion la plus forte, ce projet de société doit offrir à chacun la liberté de réaliser son projet de vie. Il doit s’adresser à
toutes les Guadeloupéennes et à tous les Guadeloupéens, sans exclusive, et permettre à chacun de pouvoir accéder à sa parcelle de bonheur, conquise dans la richesse que ce pays peut créer
et non prélevée, préemptée ou confisquée au détriment de l’un ou l’autre de ses compatriotes.
En ce sens, ce projet de société doit donc permettre de faire émerger une société de projets.
La Guadeloupe a en effet besoin de projets pour se rêver un destin collectif. Le projet de société doit donc fixer un cap, une direction. Il doit énoncer des valeurs et des principes, et
dessiner un cadre favorisant la réalisation de ces projets.
Il ne doit pas être confondu avec un programme politique avec des mesures détaillées, car dans la société que notre projet vise à construire, il y aura toujours une vie démocratique libre,
avec des partis différents, avec des opinions différentes et avec des solutions différentes à proposer au choix libre des citoyens libres.
Cette exigence démocratique cardinale justifie l’importance des valeurs fédératrices que nous formulons dans notre contribution et que nous aurons également à énoncer clairement dans notre
futur projet de société. C’est d’ailleurs le premier thème sur lequel nous vous proposerons de débattre dans l’après-midi.
Notre contribution insiste donc sur la nécessité de préserver et de défendre la formidable richesse que constitue la diversité de la Guadeloupe, multicolore, multiethnique, et
multiconfessionnelle où celui qui a fait le choix de s’enraciner ici, sans y être né, est aussi Guadeloupéen que celui qui, comme nous, y est né par hasard ou par la force des choses. «
L’Indien, le Béké, le Blanc « péyi », le Syrien, le Libanais, le Métropolitain, l’Italien, l’Africain, l’Asiatique, le Pied-noir, que l’Histoire ou la vie a conduits ici un beau jour, devient
de ce pays s’il est prêt à le bâtir, à s’y investir et à se sentir lié à la communauté de destins que nous formons », peut-on lire.
Nous réaffirmons ainsi page après page notre attachement aux valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de solidarité et de laïcité qui sont non seulement les valeurs de la
République, mais aussi des valeurs universelles. Nous ne voulons pas dévier de cet idéal à partir duquel chacun peut construire son projet de vie et voir garanties ses libertés fondamentales
: la liberté d’expression, la liberté d’aller et venir, le droit de grève ou encore la liberté de conscience et de croyance. A la veille de l’anniversaire de la loi sur la laïcité de 1905
et à deux jours du 63e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, c’est notre orgueil de nous inscrire dans cet héritage-là.
Nous aurons à détailler davantage le contenu de notre contribution dans un instant, mais je tenais à vous esquisser sa philosophie qui entend tout simplement restaurer la politique dans sa
capacité à transformer le réel au bénéfice de l’Homme.
De tout cela, je l’espère, nous débattrons même si je sais que certains ne voudront pas entrer dans le fond et chercheront à nous perdre dans un débat sur la forme et sur la méthode.
Ceux-là choisiront de rater le rendez-vous que nous avons donné à la Guadeloupe qui, dans le contexte difficile d’aujourd’hui, attend de nous autre chose que des chamailleries.
Nous devrons en effet garder à l’esprit que nous allons débattre de sujets importants au moment où se joue à 8.000 kilomètres d’ici l’avenir de notre monnaie et, au-delà, du système
économique auquel nous appartenons.
Nous ne devrons pas oublier que l’économie guadeloupéenne subit les inévitables contrecoups de cette crise économique mondiale de très grande ampleur avec son cortège de suppressions
d’emplois, sa précarisation rampante et la panne d’espérance qui est palpable, y compris dans notre jeunesse.
Et nous devrons écouter attentivement les conclusions du sondage que nous avons commandé spécialement pour ce congrès qui nous éclairera sur les attentes des Guadeloupéens quant à
l’avenir, quant au projet de société, quant à la question de l’évolution institutionnelle.
Ce sondage nous décrit des Guadeloupéens plutôt heureux, mais pour autant guère optimistes pour leur avenir, qui croient de moins en moins en la politique et en leurs institutions pour
trouver des solutions et qui sont plutôt lucides quant aux conséquences d’évolutions institutionnelles qu’ils ne souhaitent en aucun cas brutales ou radicales.
Cette question des institutions ne sera qu’une partie – importante – de notre projet de société. Elle sera évoquée plus spécifiquement demain matin. J’entends ça et là que ce pourrait
être le théâtre d’affrontements entre nous, alors qu’au contraire je pense que toutes les conditions sont réunies pour un débat dépassionné sur ce sujet.
Je vous renvoie là encore à notre contribution qui, si elle exprime une préférence, ne ferme en aucun cas la porte à d’autres hypothèses, dès lors qu’elles respectent les décisions du
Congrès de décembre 2010 qui avait, par exemple, écarté à l’unanimité un passage à l’article 74.
C’est un débat assurément complexe, mais nous ne pouvons pas l’escamoter une nouvelle fois en camouflant des arrière-pensées inavouables. Chacun pourra et devra affirmer ses choix et je suis
certain que la lumière jaillira de ces échanges sous la forme de compromis raisonnables construits par des élus responsables.
Je souhaite que nous trouvions durant ces deux jours à la fois la sérénité et la gravité nécessaires pour inspirer à notre peuple la confiance et la force. La confiance et la force
d’aspirer encore pour demain à bâtir pour les générations futures une société de paix, de concorde et de fraternité.
Je vous remercie.