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17 mars 2010 3 17 /03 /mars /2010 12:36

Victorin Lurel, président du conseil régional
« Ce que je vais faire... »
Victorin Lurel a remporté l'élection régionale. Avec 31 élus (sur 41), il est largement majoritaire et son élection, vendredi, ne fait aucun doute.
Tour d'horizon avec l'homme qui a été le seul élu en France au premier tour de ces régionales.

Pour Axel Urgin, secrétaire national du PS à l’Outre-mer, « il y a eu un vaste front républicain, anti-autonomiste, anti-violences, anti-Domota, anti LKP. Blaise Aldo et Marie-Luce Penchard ont été incapables d’incarner une ligne anti-rue. » Souscrivez-vous à cette analyse ?

Je suis très heureux d'apprendre que le PS, mon parti, a pu comprendre qu'il s'agissait d'un rassemblement républicain et qu'il fallait, après la crispation sociale que nous avons vécue, rassembler. Je ne conçois pas l'élection comme une arme anti-mouvement social ou anti-syndicat. Le peuple s'est prononcé en conscience. La politique que nous avons faite a correspondu aux attentes sociales du moment.

Aux Abymes, vous dépassez le score établi par le maire en place, candidat aux régionales, qui ne vous a pas épargné, quoique de votre sensibilité. Quelles conclusions peut-on en tirer ?

Je suis très heureux de ce résultat. Parce qu'une campagne dure, agressive, a été conduite aux Abymes, comme sur tout le territoire de la Guadeloupe, par le député, maire des Abymes, avec des arguments que je croyais d'un autre âge. J'ai pris l'engagement de ne pas négliger la population des Abymes. Nous ferons tout pour travailler avec elle, mais j'avoue que j'ai du mal à oublier ce que j'ai pu entendre, lire, voir. J'espère que j'aurais assez de force pour aller au-delà.

« Sur les Abymes se pose une nouvelle équation... »

Dans toutes les communes, sauf Terre-de-Haut, vous écrasez vos adversaires. Faut-il en déduire qu'aux prochaines municipales vous entendez déchouker Marc à Deshaies, Jalton aux Abymes, Aldo à Sainte-Anne, Lucette Michaux-Chevry à Basse-Terre, ceux qui vous ont le plus combattu ?

Je n'emploie pas le mot écraser, mais il est vrai que le score peut être écrasant. Je suis satisfait des résultats. C'est l'occasion de dire que les élections régionales surplombent les élections plus locales, en particulier les municipales. Il faudra en tirer des conséquences. Sur les Abymes se pose une nouvelle équation, sur Bouillante, sur Lamentin, la question se posera. Mais, les municipales c'est en 2014, les cantonales, en 2011.

En renouvelant votre équipe, vous avez éliminé des hommes et des femmes qui n'avaient pas démérité. C'est vous qui l'avez reconnu. Certains s'en sont sentis offusqués. Que leur dites-vous aujourd'hui ?

Je leur ai déjà dit que le fait de ne pas figurer sur une liste n'est pas une sanction. Constituer une liste impose des contraintes, liées à la campagne. Celle-ci était particulièrement difficile. Un excellent travail a été fait et si cette élection-plébiscite a pu avoir lieu, c'est la reconnaissance de leur travail. J'ai proposé et cela a été bien entendu que ces élus là restent des conseillers régionaux sans tablier. Ils auront accès aux services de la Région, seront présents lors des réunions politiques, pourront faire valoir leurs idées. Que leur manquera-t-il ? Un mandat ? En politique, l'important, c'est de faire passer ses idées. De voir transformer en actes des idées, des propositions, voir aboutir des dossiers.

« Il faut respecter le principe : les urnes sont supérieures à la rue »

Comment redonner confiance à la Guadeloupe alors que la crise nous a touchés de plein fouet ?

La crise a touché le monde. La crise qui frappe la Guadeloupe est la conjoncture de trois crises différentes : la crise mondiale, la crise nationale, conséquence de la politique économique conduite par le Gouvernement Fillon. Et les conséquences de la crise sociale en Guadeloupe. C'est une crise grave aux conséquences lourdes. Il faut rétablie la confiance. Cette élection est de nature à rassurer, à rétablir la confiance. La deuxième chose à mon sens à faire est de s'adresser aux adversaires d'hier. Voir comment nous pouvons travailler avec eux. La troisième chose, c'est faire comprendre au mouvement social qu'il y a une démocratie sociale qui a ses règles, qui doit être respectée. Il faut, de plus respecter la démocratie politique. Une société ne peut subsister que si ces deux démocraties sont respectées. Il faut l'équilibre, l'harmonie entre démocratie politique et démocratie sociale. Il faut respecter le principe : les urnes sont supérieures à la rue. Donc, moyennant le respect scrupuleux de ce principe, nous pouvons fonctionner efficacement.

Chômage, insécurité, désespérance de la jeunesse. La Région est-elle armée pour faire face à ces trois fléaux ?

Ces trois fléaux ne relèvent pas forcément des compétences de la Région. Mais, ce sont des fléaux qui frappent la société guadeloupéenne et nous prendrons l'attache des uns et des autres, et en particulier de l'Etat. Nous ne pouvons ignorer la montée de la violence en Guadeloupe. Au-delà des statistiques publiées, cela devient très préoccupant. J'ai proposé que tous les lycées, tous les bâtiments dépendant de la Région soient mis sous vidéo-protection. Il faudra probablement s'adresser à une certaine jeunesse en errance, même si elle n'est pas seule fautive. Pour aider à leur réinsertion. Il faudra permettre aux victimes de mieux accéder aux droits, aux indemnisations. Nous avons pris l'attache des autorités de justice. Il faudra, parce que sinon ce ne sera pas suffisant, que les parents, la famille, s'y mettent. Que l'Etat fasse son travail, pas exclusivement sur le plan répressif. L'Etat doit traiter cela comme il convient. C'est la priorité des priorités. Préserver la cohésion sociale. Lorsque la jeunesse ne travaille pas, que ceux qui ont quitté l'éducation nationale sans diplôme voient que rien ne leur est proposé, c'est trop facile de faire porter le chapeau à la collectivité régionale. On l'a fait durant cette campagne ! Le plan d'urgence pour l'emploi des jeunes, confié par l'Etat au pôle emploi, n'est pas suffisant. J'ai déjà eu l'occasion de le dire. 35 millions pour la formation des jeunes, ce n'est pas suffisant. Il faut tisser des liens, s'y mettre tous. 

« J'aimerais que notre ministre de l'Outre-mer soit plus constructive »

En avez-vous parlé avec la ministre de l'Outre-mer, Mme Penchard ?

On n'a pas l'occasion de parler de grand-chose avec la ministre de l'Outre-mer. Je l'avoue. Si ce n'est pour nous faire avaler la pilule de la énième étude commandée à l'association nationale d'organisation des commissions de travail... En revanche, je lui ai ait un courrier détaillé, circonstancié. Je lui demande de faire la lumière sur le fameux pactole de 500 millions dont elle a parlé en campagne aux Abymes. Cet argent  doit bien être inscrit quelque part. Pour quelle mission, sur quelle ligne budgétaire ? Je demande à faire la lumière sur cette affaire, comment présenter d'autres dossiers puisqu'en nous en avons une dizaine qui attendent une réponse de l'autorité ministérielle. J'aimerais que notre ministre soit plus constructive, propose davantage et digère très rapidement sa défaite !

Vous avez été attaqué sur la formation. On vous accuse d'avoir démantelé l'AFPA qui formait des milliers de jeunes au profit de l'Ecole de la deuxième chance, qui en a formé 80... Que répondez-vous ?

L'AFPA a été ruinée par ses propres dirigeants et ses propres agents. Elle a été liquidée par décision de justice. Celle du TGI. L'AFPA, c'était 42 millions de passif, 14 millions d'endettement. Un volume horaire enseigné en constante évolution. Peu de stagiaires formés au cours des dernières années. De plus, les titres délivrés n'étaient pas retenus par le ministère du Travail. C'était l'usurpation. Le label, entendez-moi, n'avait jamais été livré par l'AFPA nationale. C'est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire en Guadeloupe. La Région a du prendre une initiative pour répondre très rapidement à la demande sociale en formation. Rien ne nous y obligeait. Nous l'avons fait en complément de ce qu'offre le secteur privé. Nous avons été plus loin en demandant une habilitation. Reste à mettre tout cela en musique. Ça va être rapidement opérationnel.

« L'écologie à appliquer en Guadeloupe ne doit pas être une écologie de riche »

La protection de l'environnement semble une de vos préoccupations. Harry Durimel, des Verts, sera-t-il votre ministre de l'environnement pour impulser l'éco-région ?

Je n'en sais rien. Vendredi, le président et son bureau seront élus et c'est à ce moment-là que nous décideront. Effectivement, Harry Durimel est bien placé pour l'être... On ne nomme pas un fonctionnaire de l'Education nationale au ministère de l'Education nationale. Cela fait corporatisme. On ne nomme pas un domien au ministère des Dom, cela peut donner lieu à des dérapages... Bref ! Nommer un vert à la croissance durable, aux énergies renouvelables ? Il faut voir.

La protection de l'environnement est une de vos passions...

Oui, c'est même une priorité de la Guadeloupe. En six ans, nous avons engagé de belles choses à la Région. La récupération des eaux de pluie paraît un détail. Installer partout des éoliennes, tenter d'acclimater ici, chez chacun, dans son quotidien, le solaire photovoltaïque, c'est important. Le solaire thermique, avec les chauffe-eau solaires, c'est important. Il faudra que nous aidions plus les installations de ce type. Afin qu'un maximum de Guadeloupéens y ait accès. L'autonomie énergétique de 50% d'ici 2030. Une déchetterie moderne à la Désirade. Le plan régional de gestion et d'élimination des déchets dangereux. Les énergies thermiques marines peuvent aussi être exploitées. Bientôt, nous allons exploiter les surfaces en toitures. On l'a fait au lycée hôtelier, au lycée de Port-Louis, à la résidence universitaire. Avec mes deniers, je n'ai pas hésité à installer des plaques sur ma maison. Je produis de l'électricité...

Vous avez touché les subventions régionales ?

Non ! J'ai utilisé mes deniers. C'est vrai que l'Etat donne un crédit d'impôt. L'année suivante, j'ai été remboursé de 8 000 euros sur les 16 000 euros engagés pour ces panneaux. C'est vrai que n'importe qui ne pourra pas faire l'avance de 16 000 euros et il faudra que la Région mette en place un préfinancement pour des panneaux comme ceux-ci. Même chose pour les chauffe-eau solaires qui coûtent à peu près 2 800 euros. C'est cher. Un malheureux ne peux pas en faire l'avance. Il faut trouver un dispositif pour aider les Guadeloupéens. L'écologie à appliquer en Guadeloupe ne doit pas être une écologie de riche. Elle doit être mise à la portée des petites bourses. La Région prendra des initiatives en ce sens. Mais, il faut faire évoluer les mentalités : éteindre en quittant la pièce, ne pas laver sa voiture quand il y a des cendres de Montserrat.

« Si je relance encore, je vais faire exploser le budget »

Comment peut se faire la relance de la commande publique alors qu'il y a crise économique ?

Si je relance encore, je vais faire exploser le budget. Actuellement, le carnet de commandes est déjà bien garni. J'ai tout fait pour maintenir les commandes publiques. C'est pour cela que nous avons fait un emprunt de 100 millions. Nous avons maintenu les chantiers. Lissé la commande publique sur deux années. Nous avons joué notre rôle. Nous avons aussi garanti des emprunts des opérateurs sociaux à la Caisse des dépôts pour le logement. 3 400 logements en 2009. Nous avons même signé une charte avec les opérateurs sociaux pour permettre aux artisans de travailler. Nous voulons que cette commande publique soit bien répartie.

La coopération régionale est un de vos dadas. Comment concevez-vous celle-ci pour les 4 ou 6 ans à venir ?

Il y a beaucoup à faire. La contrainte est celle des textes. Même si la loi d'orientation pour l'outre-mer votée en décembre 2000 a donné les moyens législatifs supplémentaires, il faut faire plus et mieux. Plus en, libérant davantage la coopération avec les Etats voisins. Je suis habilité par M. Douste-Blazy, ancien ministre des Affaires étrangères, pour la coopération avec la Dominique. J'aimerai pouvoir le faire en matière de pêche, de délimitation des eaux territoriales, de convention à passer pour ce qui est des zones de pêche. De plus, nous avons installé à Trinidad des Guadeloupéens qui prospectent, à partir de l'ambassade de France, les marchés possibles pour les entreprises guadeloupéennes. Il faudrait pouvoir le faire dans les autres ambassades de France de la zone. Et puis, il y a Interreg IV B, espace Caraïbe, avec des millions octroyés par l'Europe. L'autorité de gestion est l'exécutif régional de Guadeloupe. Il y a là des choses à faire sur tous les sujets. C'est grâce aux éoliennes guadeloupéennes et françaises de Vernier Caraïbes que Cuba maîtrise mieux son énergie électrique. C'est important !

« Il faut respecter le syndicat, le travailleur »

Les grandes mobilisations de 2009 ont laissé des traces. A quand un véritable dialogue avec les syndicats et le patronat pour mettre les choses à plat, envisager un grand plan social ?

J'ai proposé de tendre la main au mouvement social, pour sortir de l'affrontement. il faut comprendre qu'il y a des institutions sacrées, comme le conseil régional, le conseil général, la préfecture, les mairies. Il faut respecter le syndicat, le travailleur. C'est évident. Après avoir épuisé les voies et les moyens de la concertation, il y a un décideur en dernière instance et chacun doit s'y soumettre. Si ce principe est acquis, je suis convaincu qu'un long chemin peut être fait dans le respect du dialogue social. C'est ce que nous appelons de nos vœux. Un grand plan social ? Il faut un grand plan de développement économique. Nous avons balisé l'avenir sur les trente prochaines années. Jusqu'en 2016, nous savons comment financer. Nous avons défini 10 grandes priorités régionales réévaluées, réactualisées, qui répondent aux attentes. Faut-il y adjoindre un plan social ? Oui. Mais, l'emploi est une compétence de l'Etat. Je ne peux pas tout faire avec les moyens qui nous sont mesurés, comptés. Nous avons deux grands chantiers, ceux de la rénovation des Abymes et de Pointe-à-Pitre. L'Etat n'a aucun grand chantier ici. Il faut le retenir.

Comment promouvoir une Guadeloupe de projets quand le LKP semble penser que ce n'est qu'un prétexte pour donner des sous aux patrons ?

C'est toute la question, la culture du conflit, qui perdure encore en Guadeloupe et qu'il faudra affronter. Comment expliquer aux travailleurs ce que Légitimus expliquait déjà en 1905. Qu'il faut qu'il y ait collaboration entre l'apporteur de capital et l'apporteur de travail. C'est une nécessité. On ne peut pas attendre des lendemains en vilipendant le patron qui risque ses capitaux. Mais, il ne faut pas non plus mépriser l'ouvrier qui apporte son travail, son génie dans l'exécution des tâches. Il faut une culture de l'entreprise, un partenariat le plus intelligent possible. La montée aux extrêmes a fait suffisamment de mal pour qu'on comprenne qu'il faut changer de comportement. Il n'y a que le travail qui vaille. Ce que je vais faire, demain ? Travailler, encore travailler.

« Je n'ai pas l'ambition d'être président de la Guadeloupe »

Une Guadeloupe plus juste et plus solidaire, comment ?

Tout ce que nous avons fait à la Région ressort de ces mots. Il faut répartir le plus équitablement possible la manne régionale. Lorsque vous donnez des livres, des ordinateurs, des clés USB gratuits, que vous permettez l'immersion linguistique des enfants des familles défavorisées, lorsque nous créons des internats de la réussite, c'est une façon d'être juste, non ? Ceci est le fruit de la solidarité. Investir le secteur des centrales d'achats, lutter contre les pwòfitasyons, lutter contre la hausse des prix du carburants c'est être juste. C'est faire de la formation professionnelle pour venir en aide aux jeunes, etc. C'est ce que je vais faire. Avec l'équipe régionale. Nous allons y travailler.

Quel avenir institutionnel de la Guadeloupe prônez-vous ? Quels changement souhaitez-vous ? Comment impulser ce changement sans choquer votre électorat ?

Le changement institutionnel est en marche, voulu par le président de la République. Il faut que les élus s'entendent, retiennent un projet. Il faudra demander à la population de l'adopter. Mais, avant cela, il faudra la proposer au président de la République. Cela se jouera entre l'assemblée unique, la collectivité unique et le statu quo. Il faut savoir que, pour moi, c'est l'article 73, rien que le 73. Pas le 74. Le président de la République n'a pas a accélérer le calendrier comme l'ont demandé M. Aldo et Mme Penchard. Nous avons demandé dix-huit mois. Il reste neuf mois pour statuer. Faut-il organiser un référendum avant les cantonales ? Moi, je pense que non. Il y aura un conseil régional élu, un conseil général élu. Il faut avant tout de la stabilité pour s'engager ainsi. Le référendum peut intervenir en juin 2011 et il peut y avoir une élection pour la nouvelle assemblée en 2014.

Aimeriez-vous être président de la Guadeloupe ?
Il y a eu, si je puis m'exprimer ainsi, une prédécesseur qui s'est piquée d'être la présidente de la Guadeloupe. Elle disait qu'elle gérait le magot. Je n'ai jamais eu cette lubie, cette prétention. Je suis dans le cadre des institutions de la République président du conseil régional. On dit président de Région. je ne suis pas président de la Guadeloupe. J'ai un homologue, le président du conseil général de la Guadeloupe, Jacques Gillot. Je respecte cela. il y a une synergie qui marche jusqu'ici et qu'il y a volonté, je pense d'on-bserver. C'est vrai qu'il y a des temps nouveaux qui arrivent mais je pense que nous saurons trouver les équilibres pour préparer l'avenir institutionnel de la Guadeloupe au sein de la République.
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