Sucre : une catastrophe économique annoncée
L'usine sucrière de Gardel n'est pas prête, la CTM qui conditionne son fonctionnement est en grève.
Il semble que l’année 2009 pour la campagne sucrière de la Guadeloupe continentale soit une catastrophe économique annoncée.
Que se passe-t-il à l'usine sucrière de Gardel qui devrait, depuis la mi-février, broyer environ 5 000 tonnes de cannes chaque jour et produire du sucre en abondance ? L'usine ne tourne pas,
les 5 000 planteurs de cannes de la Guadeloupe continentale ne coupent pas. Tout est bloqué. Retour sur une situation difficile.
Lundi 16 mars, les représentants syndicaux CGTG et UGTG ont déclaré, au cours d'une conférence de presse, qu’ils suspendaient le mouvement de grève entamée le 20 janvier et reprendraient le travail
dès le mardi 17 mars, afin, disaient ils, « de terminer les travaux de maintenance de l’usine pour le vendredi 27 mars et démarrer la campagne dans la foulée ! » (voir notre édition du 17
mars).
1 500 tonnes à la trappe !
Le lendemain, après une assemblée générale de près de 3 heures, ils maintenaient leur revendication principale, à savoir le paiement des 40 jours de grève déclenchés « afin de soutenir le mouvement
initié par le Liyannaj kont pwòfitasyon (LKP) », mouvement qui devait aider Gardel « à réaliser d’importantes économies sur certains postes comptables comme l'eau, l'électricité, le carburant,
l'octroi de mer, etc.)». Les syndicalistes revenaient sur leurs déclarations de la veille en affirmant que, « malgré leur engagement de terminer les travaux de maintenance pour le 27 mars, le
démarrage ne s’effectuerait qu’une fois le paiement des jours de grève obtenu... »
Première incidence, ressentie, d'ailleurs, par la population : le personnel décidait de continuer à bloquer toutes les livraisons de sucre de bouche, tant au niveau local qu’à l’export. Rare
auparavant, les stocks des magasins ayant été razziés dès la fin de la mobilisation/grève du LKP, le sucre roux n'était plus présent qu'épisodiquement, venu de Marie-Galante en sachet, mais aussi
de l'Hexagone, en morceaux. Fabriqués avec du sucre d'Afrique ! On venait, en quelques jours de permettre le développement d’une concurrence extérieure, aggravant un peu plus les pertes de Gardel.
On estime à 850 tonnes le sucre roux local pas vendu, remplacé par des importations.
La situation semblait bloquée. Néanmoins, Julien Marinette, de l'intersyndicale UGTG/CGTG des salariés de Gardel, affirmait, dans nos colonnes, le 20 mars, que la machine à ensacher le sucre avait
été nettoyée, séchée, et qu'elle produirait le jour même.
Après la perte d’un marché très important à l’export survenu ce même 20 mars, 1 500 tonnes, les salariés ont pris la décision de libérer la commercialisation du sucre à compter du lundi 23 mars.
Dans le même temps ils ont accepté que se tiennent des négociations sur un système d’étalement de retenues des jours de grève.
Sans la CTM, rien à faire
Entre-temps, côté négociations salariales, un accord de principe d’avance sur salaire et d’étalement des retenues a pu être trouvé au bout de six réunions de négociations entre la direction et les
représentants des salariés.
D’autres points, parmi lesquels la durée de la période d’analyse des économies que devraient réaliser l’entreprise grâce à l’application du protocole d’accord Jacques-Bino, le sort des NAO de
Branche et internes à Gardel ainsi que l’arrêt des poursuites judiciaires sont toujours en suspend.
Et aujourd'hui ? Les travaux de maintenance dans l'usine avancent lentement, de 7 à 14 heures, du mardi au samedi, mais semblent, selon des observateurs, loin d’être terminés. L'usine pourrait être
prête le 3 ou le 4 avril, pour les premiers essais. Mais, pour faire ces essais, pour faire fonctionner l'usine sucrière, il faut des chaudières. Or, celles de l'usine ont été mises en arrêt en
1999 et c'est la Centrale thermique du Moule, la CTM, qui fournit la vapeur nécessaire au fonctionnement de Gardel.
La poursuite du conflit qui s'est durci à la CTM (voir notre édition du 23 mars) n’est pas de nature à permettre un démarrage imminent d’une campagne sucrière qui aurait dû avoir lieu au cours de
la deuxième quinzaine du mois de février, il y a donc... six semaines !
Certains analystes prévoient que le conflit à Gardel ne se réglera que lorsque celui de la CTM le sera. Quoiqu’il en soit, il devient urgent de démarrer le plus vite possible la campagne. En effet,
il se dit que si cette campagne sucrière démarrait aux alentours de la mi-avril, elle ne pourrait pas se terminer avant la fin du mois d’août, voir début septembre, en pleine saison cyclonique.
André-Jean VIDAL