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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 22:35


DEMOCRATIE MEDIATIQUE
Par Michel EYNAUD

 
« Dans un temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire » (G ORWELL)


Après la Tunisie, l’Egypte a chassé un Président qui y régnait autoritairement depuis des dizaines d’années. Et les rues commencent à se remplir dans de nouveaux pays. Nul ne peut affirmer que l’aspiration à la démocratie engendrera à coup sûr la démocratie. Mais il n’y a pas de doute que l’aspiration à la démocratie passe par la libération de l’information.


Il y a la mondialisation qui aliène et tue, c’est celle de la finance qui spécule et délocalise, c’est celle de la marchandisation de la santé ou de la culture, celle de la pollution de l’eau et de l’air, ou celle de la traite des êtres humains. Mais il y a aussi la mondialisation qui libère, c’est celle de l’information. Que ce soit pour la révolution du jasmin en Tunisie ou celle qui lui a succédé en Egypte, comme pour celles qui se préparent encore, c’est le partage de l’information qui a permis de fédérer les protestations.

Les enjeux de l’information

Tous les régimes totalitaires le savent. Pour asservir les peuples, il faut essayer de maîtriser l’information, il faut tenter de contrôler les médias. Le journal officiel, à la télévision, à la radio ou dans les kiosques à journaux, doit distiller une « vérité » dont les ingrédients mêlent propagande, endoctrinement, désinformation, manipulation. Bref  il s’agit d’influencer les consciences en évitant la diversité des points de vue pour matraquer avec la pensée unique.

Quand les consciences sont trop rétives et s’éveillent, les matraques physiques débarquent, pour « mettre du plomb » dans les cervelles et les corps. Quand les « empêcheurs de penser en rond » se multiplient,  les intellectuels et les  journalistes finissent en prison, en camp de rééducation, de concentration, voire contre un mur face à un peloton d’exécution.

L’émergence des réseaux sociaux

Mais l’ère de la Pravda (« la vérité »…) est révolue. Aujourd’hui appartient aux réseaux sociaux de l’Internet. Les dictateurs ne s’y trompent pas : ils filtrent, censurent, déconnectent… mais les réseaux se reconstituent, les sites miroirs se dupliquent, les protections se contournent. « Twitter » ou « Facebook », « You Tube » ou « WikiLeaks », « WebTv » ou  « blogs » personnels, sont devenus autant d’espaces de partage et d’échange d’informations. Les manifestants se donnent désormais  rendez-vous à la vitesse de l’éclair, les photos circulent, les vidéos se propagent. Les foules deviennent plus conscientes, plus réactives, et la rue devient plus efficace car aucune barrière ne peut limiter le cyber-espace. Même quand les médias d’état sont aux ordres, les réseaux sociaux alimentent en temps réel les médias internationaux, et les paraboles ramènent l’information que l’on avait rêvé de mettre sous le boisseau.

Il y a de grands dangers dans cette instantanéité de la circulation de l’information, notamment celle de la propagation incontrôlée et de la désinformation, de la rumeur et de la calomnie, du fait divers monté en épingle, du secret d’état explosif ou de l’intimité des personnes. Mais il en est de même pour tout outil : selon la main qui le manie, selon les plans qu’il sert, il peut construire ou détruire. Cependant il est d’autant plus dangereux qu’il est réservé à une « élite » qui le confisque, alors qu’il se domestique et se régule quand un grand nombre se l’approprie. Les médias deviennent un outil majeur de la démocratie si chacun accède à l’information : pour la produire comme pour l’utiliser.

De nouvelles coopérations

La démocratie médiatique se fortifie des médias sociaux, car ils utilisent l’intelligence collective dans un esprit de collaboration. Ils viennent contrarier les relations « verticales » subies des rapports de force économiques, politiques ou policiers, en multipliant les interactions volontaires entre des individus se choisissant et se reconnaissant comme partenaires.

L’explosion de ces nouveaux moyens de communication sociale, entre individus ou entre groupes, ouvre une multiplicité d’espace de collaboration, de communication, où chacun peut créer, organiser, modifier,  des informations, des idées, des désirs. On peut les reproduire, les commenter, les combiner, les enrichir de ses propres productions, les contester, les récuser… On a aussi le devoir de les critiquer et les confronter. On peut se contenter du brassage virtuel des images défilant sur son écran, comme on peut se donner rendez-vous dans le monde réel. On peut alors aussi déchanter face à des escrocs ou des prédateurs, comme on peut participer à une révolution !

Les révolutions d’aujourd’hui peuvent combiner à la fois les paysans ruinés par la sécheresse ou la spéculation, poussés à l’émeute par la faim, ou la jeunesse éduquée et informée en quête de liberté, de consommation et de démocratie. Mais surtout les révolutions d’aujourd’hui rassemblent au-delà des frontières pour parler d’avenir quel que soit le poids du passé. La liesse des tunisiens ou des égyptiens chassant des dictateurs corrompus est aussi celle de tous les peuples en quête de liberté et de justice.

Démocratie sociale

Il est sans doute encore trop tôt pour tirer toutes les leçons des révolutions du monde arabe. Mais leur analyse ne peut pas ne pas nous concerner aussi. On y trouve en effet une composante sociale dont bien des aspects nous intéressent : les inégalités criantes  et les hausses des prix, là-bas favorisées par les spéculations sur les matières premières agricoles, ici poussées par les situations de monopoles. Si les uns étaient surtout gangrenés par la corruption, tandis que nous sommes minés par la « pwofitasyon », tous nous sommes victimes du modèle économique néolibéral, dont le prix à payer est socialement insoutenable. Une autre composante est plus politique : la paix avec Israël a été payée au prix fort d’une manne financière  distribuée par les américains pour mieux faire oublier la politique coloniale de leur allié. Les dollars ont endormi le nationalisme des décideurs… mais les vrais décideurs sont toujours les payeurs… et ils ne sont pas fidèles. Les convergences d’intérêt sont trop transitoires pour asseoir des politiques durables, et encore moins pour fédérer les nations. Là-bas comme ici.

Mais la composante la plus intéressante dans les révolutions en cours en Afrique du Nord, c’est bien la place de la démocratie. On n’y a pas vu des leaders  dogmatiques appelant à la dictature du prolétariat, ni des prophètes incitant à l’installation d’une théocratie islamique. On n’y a pas constaté de flambée de violence, de pogroms, d’appel à la vengeance, de purification ethnique. Il n’y a pas eu de tribun pour prôner la croisade, pour évoquer le « choc des civilisations » ou la « lutte des classes et des races »… On a surtout vu une jeunesse éduquée, informée se mobilisant et s’auto-organisant en dépit de la faible structuration des partis d’opposition, de la maigre tradition de société civile autonome. On a assisté à la construction d’une conscience collective dans la circulation de l’information, mais aussi dans le débat, et dans l’occupation d’un espace public ouvert à tous. Notamment aux femmes, plus autonomes car plus éduquées, plus inventives. L’étude reste à faire des slogans, mots d’ordre, affiches, et autres banderoles, qui ont construit une parole commune qui aura été plus forte que le bruit des bombes lacrymogènes et des bottes de l’armée.

 Démocratie partiale

Quel que soit l’avenir de ces révolutions, les dictateurs potentiels auront sûrement quelque mal à brider les aspirations à la liberté de conscience qui s’y sont exprimées. Et le monde y a beaucoup à apprendre, y compris dans une France qui se dit « patrie des droits de l’homme »… mais dont les dirigeants ne rechignent pas à bénéficier des cadeaux des dictateurs et de leurs amis (des diamants de Giscard aux voyages en jet de MAM, les exemples ne manquent pas). Tout comme elle n’a jamais non plus hésité à faire des affaires avec les partenaires les plus douteux, le chiffre d’affaire ayant la vertu de faire oublier les principes des droits de l’homme (et Rama Yade l’a appris en son temps à des dépens, face aux chinois ou aux lybiens, tandis que MAM faisait récemment scandale avec la fourniture de matériel de répression au régime tunisien en déliquescence).

Le principal ennemi de la démocratie réside moins dans le nombre de dictateurs qui restent à « déchouké » que dans l’emprise de la logique néolibérale. En France l’état UMP est devenu un état partial : pendant que les uns bénéficient de cadeaux fiscaux, pendant que les banquiers sont subventionnés, on stigmatise les autres. On expulse les ROMS, on interne les malades mentaux, on dénonce les juges. Les représentants du pouvoir exécutif ne ratent pas une occasion pour distiller dans les médias les condamnations simplistes de boucs émissaires successifs. La recette est simple : alimenter la vindicte populaire en la polarisant sur des substituts pour éviter qu’elle ne se concentre sur la cause réelle de ses maux.

Menace néolibérale

Les attaques contre les services publics que l’on restructure à la hache en ne renouvelant pas les postes de fonctionnaires ou en recomposant les administrations et les territoires, vont aussi avec les attaques contre les agents du service public. Les fonctionnaires seraient des privilégiés qu’il faut précariser, les juges seraient coupables de négligence, les psychiatres seraient laxistes, les enseignants inefficaces, etc. En réalité on invente des failles dans le service public et on accuse de fautes ses agents alors qu’on rogne leurs moyens et qu’on les assaille de missions de plus en plus impossibles. Quand ne les menace pas de punition, on promet au grand public de nouvelles lois… sans moyen pour les appliquer. La partialité de l’état néolibéral se cache derrière une véritable cavalerie législative et médiatique, dans une escalade de la fuite en avant et de la dénonciation. Faut-il le rappeler : le principal auteur d’un crime est son auteur et ses complices. Et parmi ses complices il y a peut-être aussi ceux qui démantèlent le service public, ses organisations, ses valeurs (universalité, accessibilité, etc), ceux qui réduisent ses effectifs.

L’instrumentalisation des médias a conduit récemment  le chef de l’état à mettre globalement en cause le corps des magistrats, en réponse à l’émotion suscitée par un fait divers dramatique, plutôt que de faire la juste analyse de sa politique pénale et des moyens qu’il lui attribue. Au lieu d’être le garant de l’unité de la République dans le contexte d’une société tourmentée et préoccupée par la gestion des risques, il stigmatise une de ses composantes les plus essentielles. On parle là de sécurité, mais c’est pour semer encore plus d’insécurité, l’insécurité de la stigmatisation des juges aggravant l’insécurité du rationnement des moyens de la justice, tout comme la stigmatisation de la psychiatrie s’associe aux carences du rationnement des soins et du manque de psychiatres, de soignants, de structures.

Les lobbies du néolibéralisme communiquent beaucoup. Chaque élection ou chaque réforme est d’ailleurs l’occasion d’escalades verbales destinées à influencer l’opinion par la manipulation  d’émotions plus ou moins archaïques. Tous les leaders populistes font de même. Les médias demeurent donc un enjeu majeur de la démocratie : celui d’un contre-pouvoir générateur de liberté de parole et de conscience, constructeur d’opinion, et même faiseur de révolutions. Mais les médias, quels qu’ils soient, ne serviraient à rien s’ils n’étaient utilisés et maîtrisés par des citoyens capables de s’approprier et critiquer leurs contenus.

 L’enjeu essentiel demeure donc de former et d‘éduquer notre jeunesse : c’est à elle seule que l’avenir appartient, et c’est à nous de lui offrir l’accès aux outils dont elle a besoin.  

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commentaires

Z
Du bla bla ...des grandes idées de la part d'un individu qui ne sait pas se tenir en société et a du mal à cacher des sentiments douteux, nauséabonds.
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S
<br /> Et bla bla bla et bla bla bla ....<br /> <br /> <br />
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