MA SEMAINE
racontée à mon cousin Thimoléon, du côté de Brie-Comte-Robert
Dimanche
Profond dégoût
Comment te dire ? Dur réveil, après la tuerie de Petit-Bourg. Une femme, deux enfants, deux personnes âgées, un jeune homme... et le meurtrier qui se fait justice. Rien d'autre à dire qu'un profond dégoût. Un goût de sang dans la bouche, dans l'âme. Et c'est jamais bon.
Lundi
On demande Manuel Valls !
L'actualité, lundi matin, c'était encore la tuerie de Tabanon/Petit-Bourg. D'ailleurs, comme tu le sais, depuis le début de l'année, on n'arrête pas avec les morts violentes. 28 morts, me dit mon petit voisin, qui a dix ans ! Et toujours pas de Manuel Valls, ronchonne Gervaise ma femme de ménage ! Men Man Gervaise, le ministre de l'Intérieur préfère aller à Marseille, ou mieux, en Corse titiller nos cousins îliens, les pourrir en disant à ce peuple fier (et souvent modeste) que « la violence est ancrée dans la culture corse ». Il voudrait mettre le feu au maquis, qu'il n'agirait pas autrement. Chez nous aussi « la violence est ancrée dans la culture », comme n'oserait pas le dire Valls, et nous subissons en comptant les morts (et en s'enfermant à double tour chez soi). Mais Marcelle Pierrot, la préfète, et Josette Borel-Lincertin, main dans la main, étaient à Tabanon, pour soutenir les familles endeuillées... C'est beau, la solidarité féminine !
Un nègre fou !
Idos, tu ne le connais pas mais, de son vrai nom Victor Sabardin, c'est une sorte de ludion un peu dandy qui s'agite du côté de Saint-François. Depuis cinq ans, cet ancien fusillier marin parachutiste infirmier, producteur de melons, se dispute avec le maire, Laurent Bernier, qui refuse de lui délivrer un permis de construire sur sa parcelle agricole au motif qu'il fait des melons à Anse-Bertrand (?). Bref, une affaire capitale pour l'agriculteur... mais qui pourrait le devenir pour le maire, en perspective des municipales prochaines. Idos, « nègre fou » comme il aime à se faire appeler, a décidé de se présenter. Du moins en menace-t-il le maire qui n'en conserve pas moins, comme dirait toujours M. Sabardin au verbe un peu cru, « son sourire idiot ! » mais, jusqu'à quand ?
Mardi
Le monsieur qui sourit
Sur le journal local que je viens de récupérer chez Man Soso qui a son lolo aux Mangles, le monsieur qui a tué toute sa famille et ses oncles (et un neveu aussi) à Tabanon/Petit-Bourg pose avec un coco vert dans lequel est plantée une paille. Comme dirait une collègue de travail, il est toujours souriant sur les photos ! Mais, comme l'a souligné notre chef à juste raison, quand on pose pour une photo, on sourit, on fait pas la gueule. Sauf quand on a les menottes et les gendarmes après soi, ce qui ne risque pas d'arriver à David Ramassamy depuis qu'il a retourné son arme encore sanglante du sang de sa femme et ses enfants contre lui. Il n'a pas écouté M. Etienne, procureur de la République, qui l'avait civilement « invité à se rendre ». Le pauvre doit se faire des illusions... On entend des choses horribles quand on écoute la radio : « Il avait une grosse plaie au visage, a dit un de nos confrères de RCI, parlant du monsieur de Tabanon retrouvé derrière une station-service (la grève était finie !) Le journaliste a twitté cette observation qui s'est retrouvée sur facebook et a fait le buzz. Comme quoi, tu vois !
Mercredi
Hélène : ramenez les fusils !
Depuis samedi soir, les élus s'en sont donné à cœur joie (je sais tu n'aimes pas quand je remet brutalement les choses dans leur contaexte) en surfant sur le drame de Petit-Bourg. Ils ont encombré le fax et le mail. Hélène Vainqueur-Christophe, député de la quatrième circonscription, a dit quelque chose d'original : « Nous devons prendre conscience que la présence d’armes à feu dans un foyer contribue largement à faciliter de tels passages à l’acte car personne n’est à l’abri d’un coup de sang. Posséder une arme à feu, c’est prendre le risque d’avoir à l’utiliser contre autrui, ou qu’elle se retourne contre soi-même, c’est aussi prendre le risque qu’un de ses enfants l’utilise… Le drame de Tabanon prouve, s’il le fallait, que la réglementation sur les armes à feu ne prévient pas de tout. J’appelle donc solennellement tous les Guadeloupéens qui possèdent une arme à feu à prendre leurs responsabilités, l’idéal, étant à mon sens de s’en séparer, et de les remettre aux autorités compétentes. Guadeloupéens, cette violence doit cesser ! » Les racailles n'ont rien entendu, tu penses bien ! D'ailleurs quand la préfète a démandé aux gens de ramener les armes à la gendarmerie il y a quelques semaines, tu te souviens... ils en ont récupéré une centaine, pas plus...
Et ce jeudi, les braquages ont repris, avec une descente de types encagoulés et armés à Gifi la Jaille. Le matin même, Gifi faisait un battage médiatique : ils rouvraient leurs établissements relookés. Drôle de coïncidence ! Difficile d'en rire.
Jeudi
Pas de journal !
La Guadeloupe s'est réveillée orpheline, c'est un ami qui me téléphone ça. En fait, pas de nouveau drame, sauf que le quotidien, votre quotidien unique et préféré depuis 1965, n'a pas paru. Et Madame Lolo, qui vend France-Antilles aux Mangles ou à Désirade n'a pas arrêté de râler : Kitan an ni Fwansanti an mwen ? En fait, un problème à l'imprimerie. Mais, le site a fonctionné du feu de dieu ! Des milliers de clicks sur franceantilles.fr. Toi aussi, tu as clické, je l'ai vu ! Embrasse les enfants !
Samuel véyatif
Samuel Damo, conseiller municipal de Pointe-à-Pitre, mais oui, tu ne connais que lui, ancien de la bande à Lucette. Elle en avait fait un vice-président de Région ! Il est devenu un fidèle de Jacques Bangou, du PPDG, et a lancé avec quelques amis l'Association de veille contre la violence. Cela laisse pantois. Quelque soit la bonne volonté des gens, on ne va pas se mettre à jouer les vigiles dans les rues pour traquer les délinquants. Y'a une police et des gendarmes pour ça. D'autant que la moitié des morts violentes, ce sont des histoires de famille qui tournent mal.
Jacky, tout seul
Jacky Dahomay, chantre de l'anti-épandage aérien, voulait tenir sa traditionnelle réunion, à la Casa del Tango, pour relancer l'action. Imagine-toi qu'il n'y avait presque personne, il a annulé. Avec le départ en vacances de tous les fonctionnaires qui forment habituellement les cohortes des donneurs de leçons, de ceux qui jouent les annonceurs de malheurs et qui sont actuellement en vacances... en France hexagonale, chez eux, il ne risque pas de relancer le truc... avant septembre ! Tu arrives quand déja ?.. Je viens te chercher !
Vendredi
Stupeur ! La préfète a remonté la rue Frébault, est allée au-devant des commerçants, des Pointois, pour dire que l'on doit pouvoir se promener en toute tranquilité à Pointe-à-Pitre, sans risquer pour sa sécurité. Hum hum ! Elle l'a fait parce que les commerçants pointois ont décidé de faire la foire. Au sens noble du terme, je te rassure. Elle l'a fait, simplement, parlant aux uns et aux autres. Ça avait de la gueule. Car, notre préfète — Sé pwèfèt an nou padawa sé on moun Gwadloup. On moun Twarivyè. Non a-i sé Marcelle Pierrot ! —, a une grande force de caractère, ce qui la rend si rassurante. Tu me diras qu'elle fait semblant, comme tous les autres, beaucoup de gueule et rien derrière ? Sûrement pas, et c'est un plaisir de voir enfin, après tant d'années de gouvernorat des préfets depuis leur bureau de Basse-Terre ou leur résidence de Saint-Claude, entre deux cocktails ou une réception pour gens comme il faut — ou pensant l'être — descendre dans la cage aux fauves — men wi, sé ti rakaye-la ! —, pour mater la violence qui est en nous, nous donner de l'apaisement. C'est ce qu'il nous faut, après ces mois et ces mois de violence. Merci Madame la préfète ! Bien mignonne...
Samedi
Et si ce week-end était bien tranquille ? Mais, Cousin, je ne me fais pas d'illusions.
Ton cousin
André-Jean
(Ou pé kryé mwen kitan ou vlé !)