Chalus VS Etat : le préfet aurait commis des irrégularités
Dans quinze jours, le tribunal administratif se prononcera sur la validité du rattachement forcé de Baie-Mahault à Cap Excellence.
Selon le rapporteur de l'affaire, le préfet Amaury de Saint-Quentin aurait flirté avec la légalité.
Fin 2012, le préfet Amaury de Saint-Quentin est passé outre les délibérations du conseil municipal de Baie-mahault, sous la présidence d'Ary Chalus, maire et député de la troisième circonscription quant il s'est agi de rattacher cette commune à une communauté de communes. C'est ce que le tribunal administratif étudie en ce moment. Rappel des faits...
Le représentant de l'Etat voulait que Baie-Mahault soit rattachée à Cap Excellence, présidée par Jacques Bangou, rejoignant Pointe-à-Pitre et Les Abymes, en une grande conurbation.
Ary Chalus voulait le rattachement de sa commune à la Communauté d'agglomération du Nord Basse-Terre (CANBT), présidée par Guy Losbard. Pardi, cette communauté d'aggromérations recouvre le secteur géographique qui est celui de la circonscription législative d'Ary Chalus !
Préfet aux ordres du nouveau régime, en instance d'éviction par Victorin Lurel, tout puissant ministre des Outre-mers, ce dernier souhaitant faire une mauvaise manière à Ary Chalus dont il s'est juré in petto d'avoir la peau... après sa trahison des sénatoriales (et des législatives) ?
Ou plus simplement préfet souhaitant une unicité de la zone économique du centre de la Guadeloupe...
Face à face
Pendant plusieurs semaines, les deux hommes vont batailler ferme pour faire valoir leur point de vue. Jusqu'au moment où...
La commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) s'est réunie le 6 novembre 2012. Elle a confirmé le schéma adopté le 20 décembre 2011, à savoir l'extension du périmètre de la communauté d'agglomération de Cap Excellence avec une prise d'effet au 1er janvier 2013.
La consultation des trois collectivités locales concernées, selon le préfet — Les Abymes, Pointe à Pitre et Baie-Mahault — n'ayant pas permis de recueillir les conditions de majorité requises permettant une extension du territoire de Baie-Mahault à Cap Excellence, le préfet a proposé de confirmer le vote pris en décembre 2011 par la CDCI, en intégrant Baie-Mahault à la communauté d'agglomération de Cap Excellence.
Baie-Mahault ayant demandé son intégration à la communauté d'agglomération du Nord Basse-Terre (CANBT), un amendement déposé en ce sens a été rejeté par le vote des membres de la CDCI, respectant ainsi le schéma initial de la CANBT — trois communes, dont Baie-Mahault — validé en 2011 par les élus de la CDCI.
Ary Chalus, outré de cette mauvaise manière, a saisi le tribunal administratif de Basse-Terre qui devrait rendre sa décision d'ici quinze jours (voir aussi notre édition du vendredi 7 juin, page 12).
L'audience publique s'est tenue le semaine dernière. Toutes les parties étaient présentes pour entendre le rapporteur public, afin que celui-ci présente ses observations et propose à la juridiction une solution à cette affaire délicate.
Pas tendre le rapporteur public, qui, s'il réfute certains moyens soulevés par Ary Chalus, reconnaît que « plusieurs irrégularités ont entaché la séance de la CDCI du 6 novembre 2012. »
Embrouille ou obstination ?
En premier lieu, le rapporteur public a considéré que l'ordre du jour était imprécis et qu'il n'y avait pas de rapport l'accompagnant. Il a notamment insisté sur le fait qu'on pouvait déduire de l'énoncé du préfet de l'éventualité et non pas de la nécessité d'un vote ce qui est contraire à l'article R. 5211-36 du CGCT.
En second lieu, il a également repris le moyen développé par Ary Chalus quant à l'irrégularité de la modification du Règlement intérieur de la CDCI. Pour rappel ce changement concernait le vote à bulletin secret et non pas comme à main levée comme c'était le cas jusqu'à la fameuse séance, ce qui a toujours été dit et redit par Ary Chalus, surpris de telles pratiques. Il en résulte pour le rapporteur une modification « qui s'apparente à un consigne de vote de la part du Préfet ce qui est équivalent à un vote nul, un vote qui n'a jamais existé. »
Ce n'est pas fini ! La plus grande illégalité commise par le préfet Amaury de Saint-Quentin, dit encore le rapporteur en substance est liée à l'erreur manifeste d'appréciation en ce que son arrêté méconnait les orientations de la loi de 2010. Selon lui, les motivations de l'alinéa III de l'article L. 5210-1-1 du CGCT n'ont pas été respectées. Pour faire sa démonstration il a notamment stigmatisé l'aberration et le manque de sérieux des études économiques versées dans le dossier du Préfet, lesquelles par leur généralité n'arrivent à prouver en aucun cas en quoi il y aurait un espace économique homogène et une unité urbaine entre le territoire de CAP Excellence et Baie-Mahault. « Si on s'en tenait aux études versées au dossier par le préfet toute la Guadeloupe devrait faire partie de la même structure intercommunale », a-t-il précisé. Avant de parler de la rivière Salée qui sépare Baie-Mahault du reste du territoire de CAP Excellence et du fait que cette commune est rattachée à la division administrative de la préfecture de Basse-terre et non pas à celle de la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre.
Ceci avant de conclure à l'annulation de l'arrêté préfectoral attaqué pour erreur manifeste d'appréciation.
André-Jean VIDAL