Discours du Président du Conseil Général
Congrès des élus régionaux et départementaux
Basse-Terre, le 8 Décembre 2011
Monsieur le président du Conseil régional, Président en exercice du congrès,
Madame et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les maires,
Mesdames et messieurs les élus,
Mes Très chers compatriotes,
Après tant de malheurs, après tant de malentendus, après tant de révoltes et de rébellions, l’Histoire de la Guadeloupe fait encore une fois appel à notre sens des
responsabilités.
Oui mes chers compatriotes, l’Histoire nous convoque parce que chacun d’entre nous dresse le constat d’une Guadeloupe qui ne peut se contenter d’endosser des habits
qui ne conviennent ni à son corps ni à son âme.
Oui, mes chers compatriotes, malgré les nombreux efforts des collectivités locales, notre Guadeloupe est prise dans la tourmente des modernités mortifères.
Le chômage, la violence, l’insécurité, la fragilité des familles, la faiblesse de la production, la fuite dans la consommation, sont autant de symptômes d’un
mal-être qu’il faut entendre, qu’il faut comprendre et qu’il faut absolument réparer.
Et nous avons à cet égard nous, élus de la Guadeloupe d’aujourd’hui, une lourde et terrible responsabilité : celle d’ouvrir la voie du changement en
créant les conditions du débat au sein du peuple guadeloupéen.
Mais le peuple guadeloupéen, lui-même, doit aussi se regarder en face et se poser toutes les questions essentielles afin d’imaginer la Guadeloupe à laquelle il
aspire.
Oui mes chers compatriotes, chacun d’entre nous doit donc se poser la question : « Et moi, que puis je faire pour mon
pays ? »
Le 10 mai dernier, lors de ma déclaration de politique générale, je soulignais la nécessité pour nous de faire la politique autrement.
J’entendais par là, la nécessité et l’urgence de bannir les querelles de personnes, les rivalités de pouvoir, les égoïsmes partisans, les allégeances
idéologiques,
J’entendais par là l’urgente nécessité de nous atteler collectivement à résoudre le seul problème qui vaille : le paradoxe d’une Guadeloupe qui tarde à être au
rendez-vous d’elle même en dépit de ses innombrables potentialités.
Comment en effet expliquer que notre territoire produise tant de sommités intellectuelles, tant de champions dans toutes les disciplines sportives, tant d’artistes
de renommée mondiale, et que dans le même temps nous ne parvenions pas à réussir ensemble ?
Devons-nous nous réduire à ce que les réussites individuelles se construisent toujours sur l’autel de toute ambition collective ?
Bien au contraire, mes chers compatriotes, j’ai envie de vous dire que rien n’est impossible à celui qui croit !
Aujourd’hui encore, je veux donc souligner cette volonté qui m’a toujours guidé d’écouter, d’écouter encore, d’écouter toujours les aspirations du peuple, son
vouloir et ses rêves pour donner à l’avenir les couleurs d’une espérance haute et noble.
C’est cette ambition qui a conduit les élus réunis en congrès le 24 juin 2009 à adopter à l’unanimité une
méthodologie qui installe le peuple au cœur de notre démarche.
Et c’est cette méthode que nous devons appliquer en ayant pleinement conscience que nous ne parviendrons à rien en opposant un homme à un autre, un camp à
un autre, un clan à un autre !
Et de la même manière, nous ne construirons pas la Maison Guadeloupe sur des clivages !
C’est pourquoi je le redis avec toute la force de ma conviction, mes chers compatriotes:
Le Projet Guadeloupéen de Société ne sera ni l’affaire exclusive des assemblées locales,
Ni la partition jalouse des intellectuels ou des acteurs économiques,
Ni le résultat de tractations politiques,
Encore moins la dictée d’un Etat en proie à des tentations coloniales.
Le projet guadeloupéen de société doit d’abord être l’affaire du peuple guadeloupéen toutes composantes rassemblées, car en démocratie seul le peuple est
souverain !
Chacun d’entre nous ici a suffisamment d’ambition pour le pays et les capacités intellectuelles d’élaborer individuellement un projet pour la Guadeloupe,
Et j’ajouterais même que chaque guadeloupéen a sa propre vision de l’avenir du Pays,
Mais l’objectif cardinal, mes chers collègues, ce n’est pas d’élaborer autant de projets concurrents qu’il y a de visions du pays mais plutôt de rechercher
le plus petit dénominateur commun entre toutes ces visions,
C’est bien là, la différence fondamentale entre une campagne électorale et l’élaboration du projet guadeloupéen de société.
En campagne électorale, on fait valoir ses différences et on essaye de rassembler sur son nom,
Tandis qu’élaborer un projet fédérateur requiert, bien au contraire, de se mettre anonymement au service de la Guadeloupe pour rechercher les points de
convergence.
Entre la volonté du MEDEF de faire de la Guadeloupe une cité caribéenne du 21ème siècle, ancrée dans son bassin géographique,
La vision de la société des économistes d’une valorisation du triptyque « culture, identité et patrimoine » pour un modèle de production davantage tourné
vers le territoire,
La proposition de collectivité unique fusion du département et de la région gérée par un exécutif unique dans le cadre de l’article 73, portée par le Député Eric
JALTON,
Entre le projet de gouvernance porté par Lucette MICHAUX CHEVRY évoquant une collectivité dotée d’une assemblée délibérante, un conseil exécutif et des conseils
consultatifs,
L’ambition du MODEM de placer les nouvelles solidarités, générationnelles, territoriales et interrégionales au cœur du projet,
Dans la volonté du Docteur BREDENT de procéder à une réforme concertée du système de santé en Guadeloupe,
Celle de l’URAPEG et des Verts de valoriser durablement notre capital naturel,
Dans la contribution du président en exercice du congrès de réviser notre modèle de développement en valorisant mieux nos avantages comparatifs,
Dans la volonté de l’ordre des experts comptables de procéder à une adaptation de notre fiscalité à nos réalités,
Dans la proposition du CROSGUA de faire émerger un plan pour les emplois sportifs et l’aide à la formation professionnelle dans ce secteur,
Dans l’ambition de GUSR de faire émerger une société solidaire, fondé sur la recherche du mieux-être individuel et collectif,
Qu’il s’agisse des attentes légitimes de nos compatriotes de Marie-Galante, de Désirade et des Saintes,
Qu’il s’agisse des doléances justifiées des acteurs du BTP en termes de commande publique,
Entre toutes ces contributions et celles, innombrables, qu’il nous appartient encore de recueillir du peuple Guadeloupéen,
Il y a un point commun mes chers compatriotes qui est tout simplement l’amour du Pays !
Nul guadeloupéen n’aime plus la Guadeloupe qu’un autre !
Personne n’est détenteur de la vérité absolue dans l’isolat de sa conscience !
Et nous devons surtout apprendre à nous écouter, à discuter pour trouver des compromis, c’est à dire les bonnes, ou les moins mauvaises, solutions pour le
Pays !
C’est pourquoi nous devons veiller à éviter les errements du passé mes chers compatriotes,
Eviter que le projet ne soit assimilé à un homme, à un camp !
Refuser d’élaborer un projet entre élus réunis en conclave sans associer le peuple guadeloupéen à sa genèse,
Oui mes chers compatriotes vous l’aurez compris,
Il s’agit de placer tous les citoyens guadeloupéens sans exclusive, sur le même pied d’égalité sans monopole ni privilège, sans tutelle, ni vasselage !
Il s’agit de réunir sans délai le Comité Guadeloupéen du Projet afin qu’il poursuive les missions que nous lui avons nous-mêmes assignée le 24 juin 2009, c’est à
dire:
- Premièrement organiser le débat dans tout l’archipel
- Ensuite recueillir toutes les contributions des guadeloupéens, qui viendront s’ajouter aux contributions reçues à ce jour, aux rangs desquelles figure naturellement
celle de la présidence du congrès
- Et enfin réaliser la synthèse de toutes ces contributions
Oui mes chers collègues, nos compatriotes ont leur mot à dire !
Et sur ce point je voudrais saisir l’opportunité de tordre le cou à deux idées fausses qui tendent à prospérer :
La première c’est de considérer que nos concitoyens ne sont pas capables d’imaginer l’avenir et qu’il faut nécessairement que les élus
leur soumettent un projet à valider.
Non mes chers collègues, je pense au contraire que les guadeloupéens ont envie et besoin de débattre, de formuler des propositions !
Deuxièmement, mes chers compatriotes, contrairement à ce que certains medias ont voulu faire croire, il n’y a pas de projet de société de Jacques GILLOT
pour la Guadeloupe !
Bien sur j’ai une vision de la Guadeloupe !
Naturellement je veux que notre pays chemine vers plus de responsabilité, plus de solidarité, plus de citoyenneté surtout !
Et il n’est de secret pour personne que je souhaite une nouvelle gouvernance de nos institutions dans le cadre de l’article 73, avec une collectivité unique en lieu
et place de la région et du département avec à sa tête un exécutif collégial ;
J’ai même affirmé qu’il serait nécessaire que la classe politique guadeloupéenne décrète une sorte de trêve électorale pour que chaque élu, chaque parti apporte sa
contribution au démarrage de cette nouvelle collectivité si le peuple guadeloupéen en validait le principe ;
Mais pour autant, mes chers compatriotes, je ne considère pas détenir la vérité absolue, car ma vision n’est qu’une contribution au
débat !
Et je suis prêt à tendre la main à l’autre pour débattre de ses propositions et pour finir, parvenir à une synthèse qui fédère l’immense majorité des
guadeloupéens !
C’est cette conviction qui m’a toujours poussé à privilégier le consensus sur les rapports de force.
Mais le consensus n’est pas la résultante d’une soumission des uns aux autres.
Le consensus c’est la coordination d’un faire ensemble, c’est l’exaltation d’une volonté commune tendue vers un idéal commun.
C’est un choix ! Et j’ai fait le pari d’être fidèle à mes choix.
Je ne suis pas le fils de la Guadeloupe des partis.
Je suis le fils de la Guadeloupe, de cette terre, de cette Histoire, de ce peuple que nul n’a le droit de minimiser.
Des courants divers nous traversent, mes chers compatriotes,
Des idées différentes nous interpellent et c’est bien pour cela que nous avons besoin de débat, de dialogue, de concertation.
C’est bien pour cela que nous avons besoin de convergences.
C’est pourquoi le Projet Guadeloupéen de Société ne peut-être que le point de convergence qui synthétise l’ensemble des apports de chacun.
Et c’est cette synthèse, portée par peuple guadeloupéen sur la base de ses propres contributions dans toutes les communes de l’archipel qui franchira sans
difficulté le cap des consultations officielles, qu’il s’agisse des référendums d’initiative locale, ou à l’échelon de la Guadeloupe à l’initiative du Premier Ministre,
Ce Congrès, même s’il n’est pas décisionnel, garde donc toute son importance dans la mesure où il doit à mon sens sceller à nouveau la volonté des élus
guadeloupéens de marcher du même pas sur cette question, par-delà nos différences.
Le peuple guadeloupéen nous regarde et nous juge car c’est lui qui nous a élu !
Il attend beaucoup de la qualité de ce Congrès.
Il attend beaucoup de notre sens des responsabilités.
Il attend beaucoup de notre capacité à forger, avec lui, les clés de l’avenir.
Un avenir qui passe par une organisation repensée de notre économie, par une vision plus cohérente et plus juste de notre fiscalité.
Par des liens sociaux plus solidaires, moins agressifs et pour finir plus harmonieux.
Par l’affirmation de notre identité mais aussi par la nécessité de faire de notre culture et de notre patrimoine le sel de notre développement.
L’avenir passe surtout, je le répète, par une autre manière de concevoir la politique.
La politique bien sûr ce n’est pas l’unanimité, car toute unanimité flirte avec la dictature !
La politique c’est pour moi l’art de construire avec des différences inévitables les piliers salutaires d’une maison commune.
Il y a les élus, il y a les syndicats.
Il y a les forces économiques, il y a les forces intellectuelles et artistiques.
Il y a les électeurs. Mais il y a surtout le peuple.
Le peuple qui désespère ! Le peuple qui s’exaspère ! Mais le peuple qui porte tous les jours la Guadeloupe sur ses épaules !
La politique nous invite donc à dépasser nos certitudes, à nous élever au-dessus de nos égoïsmes, à nous transcender pour assurer l’épanouissement de
tous.
La belle politique nous invite, chers collègues, à donner au pays une image noble de nous. Une image digne de nous.
Une image d’élus qui mettent de côté les discours incantatoires pour mobiliser ce peuple vers la réalisation de lui-même.
Une image qui fasse qu’un jeune chômeur, qu’une femme blessée, qu’une famille désemparée, qu’un aîné abandonné reprennent confiance, se lèvent et transforment la
réalité de manière positive.
Oui mes chers compatriotes, il est des moments où un pays a besoin de se dépasser, de laisser de côté les affrontements et d’enjamber les susceptibilités
car l’enjeu lui-même le commande.
Plus l’enjeu est élevé, plus nous devons être humbles.
Plus l’enjeu est élevé, plus nous devons être tolérants.
Alors, je vous dis Monsieur le Président du Congrès, chers Congressistes, chers compatriotes :
Redonnons la parole au peuple pour ne pas confisquer l’espérance !
Donnons la parole au peuple pour bâtir ce nouveau contrat social, ce nouveau pacte entre les citoyens !
Donnons la parole au peuple pour dégager la perspective d’une nouvelle société, d’une nouvelle donne !
Je conclurai mon propos par une citation dont les nombreux latinistes reconnaitront sans difficulté l’auteur :
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont
difficiles ! »
ou comme le disaient nos anciens : sé zyé ki lach’ !
Je vous remercie.