TRIBUNE LIBRE
Plus de Mayeko, moins de Flémin ?
En trois semaines d’intervalle, nous avons assisté à deux moments forts dans l’histoire audiovisuelle du pays. Il y a 3 semaines, RFO présentait une étude de Qualistat qui démontrait que 52% des
Guadeloupéens ne seraient pas prêts à descendre dans la rue, qu’ils n’approuvent pas le mot d’ordre de grève pour septembre, ni les méthodes utilisées durant la grande grève passée. Le terme
« démontrer » prend ici tout son sens. Il s’agit d’une étude réalisée sur des Guadeloupéens pris au hasard dans le département, auxquels les mêmes questions ont été posées par téléphone
et dont les réponses ont été recueillies et analysées de façon mathématique.
Sur l’outil : le sondage est un outil utilisé en Guadeloupe et partout ailleurs, pour connaître l’opinion d’une population sur un sujet donné. Il constitue une représentation de l’opinion de
la population et est reconnu comme un outil faisant référence. Sur la méthode : les personnes sont appelées et n’ont pas en face leur interlocuteur. Ce qui réduit l’influence que celui-ci peut
avoir sur les sondés. Sur la forme : les questions posées sont formulées de manière claire et sans équivoque. Sur le fond : le sondage est utilisé pour effectuer un état des lieux qui
constitue une vision la plus juste possible, car elle prend l’avis de la population, en cherchant à influencer le moins possible celle-ci et effectue une analyse statistique des réponses.
Et qui prend-on pour analyser ce travail scientifique? Monsieur Alain-Félix FLEMIN, membre du parti communiste et de la CGTG. Et avec quelle forme? Ericka MERION qui a réalisé l’étude est
interviewée auparavant, et des passages de son intervention sont proposés en illustration, mais elle n’est pas sur le plateau. Et qui voit-on sur le plateau ? Monsieur Alain-Félix FLEMIN. Je
devrais dire, le camarade Félix FLEMIN, car c’est l’appellation consacrée pour les membres du parti communiste. Un parti qui date d’un temps que les moins de 20 ans, ne peuvent pas connaître.
Mais le camarade Félix FLEMIN, est aussi membre du LKP. Et par conséquent, il oppose la logique de la statistique, à la dialectique du LKP, en disant que lorsqu’il fait son sondage, il
constate que les guadeloupéens ne sont pas du tout dans la logique décrite par Qualistat. Au contraire, ils sont pro LKP et plus que jamais prêts à descendre dans la rue. Sauf que le sondage de
Monsieur FLEMIN est réalisé directement sur les gens qui l’entourent. C’est comme si vous alliez dans un immeuble et que vous posiez la question de savoir si les voisins de Monsieur X le
connaissent. Assurément, une majorité de gens le connaissent. Mais si vous interrogez par téléphone des gens qui habitent dans d’autres communes voire, dans la même commune de résidence, ils ne
connaissent pas Monsieur X. Et bien ici, c’est la même chose. On confond les membres du parti, avec les Guadeloupéens. Cette remarque sur la forme serait suffisante à elle-même, et tout le monde
aura compris comment, sur l’outil, la forme et la méthode, on ne peut prendre comme référence, le discours de Monsieur FLEMIN, lorsqu’il parle du désir des Guadeloupéens.
Mais pour un travail journalistique plus rigoureux, RFO aurait pu permettre à Erika MERION, d’être sur place, afin qu’il puisse y avoir une discussion. Au lieu de cela, on a eu un beau discours de
Monsieur FLEMIN. Beau, car il s’exprime avec une maîtrise de la langue française. Beau, car quand on l’écoute, c’est cohérent en soit. Beau, car ce qui a été dit est juste pour qui estime que le
communisme est la seule voie possible pour un peuple. L’ennui est que cela fait plus de 20 ans que l’on sait que c’est faux. Mais, il faut aussi se poser la question du choix de la chaine régionale
d’éluder le débat et de donner du FLEMIN comme si ce discours était la référence. Pire encore, on l’utilise pour remettre en cause, un travail scientifique réalisé par une chercheuse
guadeloupéenne. A la vérité scientifique, on substitue un point de vue, un avis partial, celui d’un syndicaliste. Avant le mouvement du 20 janvier, il n’était pas rare d’entendre, il y a syndicat
et syndicat. Depuis, cette distinction n’est plus possible.
La preuve, la grève à l’ASFO, a été initiée et dirigée massivement par des syndicalistes de Force Ouvrière. Le but présenté étant : la défense des intérêts des stagiaires et la
revalorisation des salaires. Le but réel et masqué étant de « déchouker Man MAYEKO ». Car on ne peut dire défendre les intérêts des stagiaires et faire la grève pendant plus de
5 mois, sans se soucier des conditions de passage des examens ou sans suspendre le mouvement de grève pendant les dits examens.
En réalité, il s’agit d’une défense d’intérêts particuliers ou plutôt, il ne s’agit plus de la défense d’intérêts particuliers : le pouvoir d’achat des seuls grévistes. Mais plus encore, il
s’agit aussi et surtout, de casser Man MAYEKO. Parce-que le syndicalisme chez nous aujourd’hui, constitue comme la guerre pour la politique, l’autre prolongement du combat. Dire cela ne serait
qu’en partie vrai, car aujourd’hui, la réelle fonction d’un nombre considérable de grèves (je ne peux dire significatif, car je n’ai pas effectué une étude sur ce sujet) est la destruction du
patron, qui le plus souvent est aussi un Guadeloupéen. Et qu’a fait Maryse MAYEKO. Elle s’est dit, nous n’allons pas recommencer une année ainsi, nous devons assurer notre service qui est de former
des Guadeloupéens, qui n’ont pas eu la possibilité d’être formés dans le circuit classique de l’école publique ou privée, mais veulent augmenter leurs compétences et travailler. Elle a pensé
d’abord à l’intérêt des stagiaires et dans le même temps, elle a aussi réglé le problème de son éviction de l’ASFO. Du même coup, elle a aussi réglé le compte des syndicalistes et des grévistes qui
dès le lendemain, se retrouvaient au chômage. J’ai eu mal et j’ai eu honte en voyant s’exprimer le syndicaliste dont je n’ai pas retenu le nom, pour les raisons précitées et que je vais rapidement
développer. J’ai eu mal, car c’est un mari et sa famille, mais plus encore ses enfants, qui seront demain dans la galère. Cet homme qui fait la grève depuis tantôt, oublie s’il est humaniste, que
c’est l’avenir de centaines de stagiaires qu’il met en jeu. Et s’il est égoïste, que c’est celui de ses propres enfants qu’il saborde. Et j’ai mal pour cette famille qui va vivre un drame
supplémentaire, sans oublier les stagiaires. J’ai honte d’avoir vu, au journal de 19h30, un homme couché, que dis-je allongé, mendiant la signature d’un protocole d’accord. Je n’aime pas voir mon
peuple dans cette position. Mais, il faut se rendre à l’évidence, à vouloir jouer avec le feu on se brûle.
Et malheureusement, ce sont des femmes comme Maryse MAYEKO, qui traditionnellement, défendent les intérêts du MEDEF, qui rappellent que l’on est dans un pays de droit. Le droit de grève est
reconnu, mais la grève pour défendre les intérêts d’une minorité au détriment d’une majorité, et pire encore, pour casser un dirigeant, surtout lorsqu’il est Guadeloupéen, cela n’est pas
acceptable. Nous pouvons en tirer deux conclusions provisoires : face à des gens qui sont là pour détruire le pays en utilisant un discours qui, en apparence, est communautaire, mais qui en
réalité est sectaire, il faut dire non ! Face à des gens qui contestent un discours scientifique et argumentent avec des propos bien présentés, mais fondés sur une représentativité totalement
biaisée et une référence politique dépassée, il faut dire non !
La question qui reste en suspend : quel est le rôle d’un média payé par l’argent public ? L’argent non plus d’une part significative de la population, mais de la majorité des
Guadeloupéens qui laisse la part belle aux premiers sur les seconds ? Je vous laisse libre de la réponse.
Avant de vous laisser la parole, une autre précision me paraît nécessaire : face à une personne qui défend les intérêts des grands patrons, qui sont ceux d’une infime minorité, mais qui défend
aussi les intérêts de centaines de Guadeloupéens, et une autre qui dit défendre l’intérêt d’une majorité de Guadeloupéens, mais qui en réalité n’est là, même pas pour défendre ses propres intérêts,
mais pour détruire les hommes, mon choix est fait. D’ailleurs, je me demande s’il y a un choix à faire, car les intérêts de ceux qui ont poussé le pays à la grève pendant 44 jours ont été les mieux
défendus ! Même si on dit qu’après les grèves, « les faibles meurent et les forts s’affaiblissent », je serais tenté de croire qu’après cette grève de la terreur, des faibles sont
morts, d’autres continuent à mourir et les forts se renforcent. La mort des faibles doit être analysée ici, comme une dépression qui a suivi le retour à la normale et se traduit par l’augmentation
des violences interpersonnelles et des violences sur soi (suicide avoué ou déguisé), la fermeture des entreprises et les licenciements en chaîne. Car, c’est un vécu mortifère qui semble alimenter
ceux qui prétendent faire la grève pour notre bien. Comme un certain salarié d’EDF qui coupait régulièrement l’électricité, il y a de cela quelques années, et ceci pour notre bien. Petite
devinette : qui est ce syndicaliste ?
Pour finir, malheureusement aujourd’hui, nous avons le choix entre deux extrêmes. Mais, heureusement, une lueur d’espoir existe, représentée par des hommes politiques largement élus, qui
constituent une troisième voie, qui croient en la démocratie, qui ont traversé la tempête et sont restés debout, qui travaillent pour le développement de la Guadeloupe et l’émancipation du peuple
guadeloupéen. C’est dans le chemin tracé par ceux-là, qu’il nous faut avancer.
Errol NUISSIER
(16 août 2009)