A MEDITER...
DISCOURS DE M. LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Réception avec les élus d’Outre-mer
Palais de l’Elysée - Jeudi 27 novembre 2008
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Maires,
Mesdames, Messieurs les élus,
Et si vous me le permettez, chers amis,
C’est avec un immense plaisir que je vous accueille, aujourd’hui, au Palais de l’Élysée. Le
Congrès des maires, était une occasion unique de pouvoir vous rencontrer. Il était impensable
de vous laisser regagner vos territoires sans vous consacrer ce moment, sans m’adresser à
vous directement, comme je l’avais fait lorsque j’étais ministre de l’Intérieur.
Je suis particulièrement heureux de recevoir les maires et conseillers municipaux des
communes d’Outre-mer que j’ai moins l’occasion de rencontrer que les parlementaires.
Mesdames et Messieurs les maires, vous êtes peu nombreux – 210 pour administrer une
population de deux millions et demi d’habitants, c’est peu – et je sais que votre tâche est
souvent plus délicate qu’en métropole.
Vous êtes « la pierre angulaire de la vie sociale » car la population attend de vous que vous
résolviez tous les problèmes. Et, vous n’en avez pas toujours les moyens.
Vous êtes exposés à des risques graves, comme les cyclones, qui touchent régulièrement la
Martinique, la Guadeloupe, la Réunion ou Saint-Martin, récemment encore. Et vous devez
souvent les affronter seuls, en raison de votre isolement, même si l’État a le devoir d’être à
vos côtés.
J’ai conscience de la lourdeur de vos responsabilités, surtout lorsqu’elles s’exercent sur des
territoires aux dimensions absolument extraordinaires, comme en Guyane ou dans les
archipels polynésiens.
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Croyez le bien, j’aimerais venir plus souvent dans vos communes, à la rencontre de nos
compatriotes d’Outre-mer, à la rencontre de cette diversité culturelle, de ces terres splendides
qui me sont familières. Chaque déplacement est, pour moi, l’occasion de prendre conscience
de la dimension planétaire de la France, cette France dite « des trois Océans ».
Je repense à mon voyage, au mois de février dernier, en Guyane. Je me souviens très bien de
l’accueil très chaleureux que j’ai reçu, et je sais qu’en Guyane se joue une partie de notre
avenir écologique.
Je repense à mon déplacement en Martinique pour rendre l’hommage de la Nation à Aimé
Césaire, ce grand poète et humaniste qui aura marqué son temps. Ce fut un moment, triste et
beau à la fois. En tout cas, il est gravé dans mon souvenir.
Je pense, enfin, à mes déplacements à venir car je me rendrai, dès l’année prochaine, dans le
Pacifique et dans l’Océan indien. Car en 2009, nous avons des rendez-vous importants avec
l’Histoire.
Malgré les responsabilités qui sont les miennes sur le plan international et européen, je veux
d’abord vous dire que l’Outre-mer est au centre de mes préoccupations. Mon ambition pour
nos territoires est intacte. Mon ambition, c’est que nous sortions l’Outre-mer de
l’immobilisme, que nous sortions l’Outre-mer des faux semblants. L’Outre-mer a le droit à la
modernité et au progrès. L’Outre-mer a eu beaucoup de discours d’amour. L’Outre-mer attend
des faits. L’Outre-mer attend du respect, pas de la complaisance. L’Outre-mer attend la
chance du développement économique et pas la fatalité de l’assistance.
Je sais parfaitement que certains d’entre vous pensent que l’Outre-mer ne fait pas l’objet de la
considération qu’il mérite, que la relation avec la métropole est compliquée, voire distante.
Cela a toujours été le cas. Mais ce problème ne se résoudra pas à coup de discours
langoureux. On ne fait pas de l’exotisme avec l’Outre-mer. On parle de l’avenir de femmes et
d’hommes qui ont exactement les mêmes ambitions pour leurs familles que celles que peuvent
avoir les femmes et les hommes en métropole. Il n’y a que l’action qui résoudra les problèmes
de l’Outre-mer.
C’est tout le sens de mon engagement à vos côtés. Il ne se passe pas un jour sans que des
questions relatives à l’Outre-mer ne soient traitées à l’Élysée avec votre ministre. Ma façon
d’aimer l’Outre-mer, c’est de m’y consacrer pleinement, par mon travail, pour que les
réformes qui auraient dû être engagées depuis bien longtemps le soient. Qu’on arrête de dire
que c’est difficile. Si les choses étaient faciles, il ne me reviendrait pas la responsabilité de les
faire. Je suis convaincu, que c’est sur le terrain économique que se joue l’avenir de nos
territoires. Je suis convaincu, que la question sociale d’Outre-mer, on la résoudra par le
développement économique. Je suis convaincu qu’il faut donner à l’Outre-mer les moyens de
sa croissance, les moyens de créer des emplois durables. Ce que les jeunes d’outre-mer
doivent avoir, c’est la perspective d'une bonne formation, d’un bon métier qui assure la
promotion sociale de sa famille.
Pour cela, il faut une politique innovante, transparente et équitable. Cela implique de faire
quelque chose que l'on déteste, en Outre-mer comme en métropole : changer les habitudes.
C'est aussi difficile en Outre-mer qu'en métropole, mais c'est aussi nécessaire parce que si les
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habitudes anciennes avaient produit des résultats, cela se saurait et si c'était la bonne voie,
alors on ne parlerait plus des mêmes problèmes depuis si longtemps.
Pourquoi suis-je déterminé à changer les choses ? Pas pour le plaisir de changer mais parce
que la stratégie qui a été retenue n'a pas donné, malgré ses atouts, les résultats économiques
que vous étiez en droit d'attendre et d'obtenir. Alors, il faut revoir les dispositifs dont
l'efficacité n'est pas démontrée. Il faut se concentrer sur les secteurs véritablement porteurs
pour le développement économique. Nous devons sortir d’une logique de développement
fondée uniquement sur le rattrapage et la compensation des handicaps pour, enfin, valoriser
pleinement les atouts des territoires ultramarins et je veux dire d'ailleurs aux Français de la
métropole que les territoires ultramarins ont des atouts. C'est une chance, pas simplement une
charge. Nous allons changer le regard porté sur l'Outre-mer.
Ce discours de vérité, je l'admets bien volontiers, je l'ai tenu avant les élections. Je n'ai pas
changé de discours, entre ce que je disais avant - et il m'en a coûté en terme électoral – et ce
que je dis aujourd’hui. Je n'ai pas changé de discours parce que je veux d'abord traiter la
question d'Outre-mer en respectant les populations de l'Outre-mer. J'aime trop l'Outre-mer
pour me contenter d'une politique consistant à promettre tout et son contraire, à accumuler les
régimes d’aides publiques au gré des pressions des lobbies. Cette stratégie là, mes chers amis,
elle est finie, parce que cette stratégie là n'amènera que de l'amertume quelles que soient les
opinions politiques qui sont les vôtres. Et je suis persuadé qu'au fond d'elles-mêmes, les
populations Outre-mer n'en veulent plus. Je ne m’engagerai jamais dans cette voie car je veux
que notre relation soit une relation franche, authentique, fondée sur une confiance partagée. Et
rien, je vous le dis très simplement, ne pourra remettre en cause ma détermination à faire
progresser économiquement et socialement les territoires que vous représentez. C'est pour
cette raison que j’ai souhaité d'ailleurs que la Réunion développe un projet expérimental, le
projet « GERRI », qui en fait un modèle de société d'innovation environnementale en matière
d'énergie, de transport et d'habitat. L'île de la Réunion, tous les Français doivent le savoir,
avec 37 % d’énergies renouvelables, est déjà le département de France le mieux placé pour
atteindre les objectifs du Grenelle. Voilà un beau motif de fierté ! Sur la planète entière, on
parle du développement durable. Eh bien, valorisons un peu ce que font nos compatriotes à la
Réunion : 37 % d'énergie renouvelable !
Au cours de cette année, il y a beaucoup d’autres chantiers importants qui nous attendent.
Je pense, par exemple, à l’amélioration de la desserte aérienne de la Guyane avec l’ouverture,
comme je l’avais annoncé aux Guyanais, d’une nouvelle ligne par Air Caraïbes entre Paris et
Cayenne. Yves JEGO l’inaugurera le 15 décembre prochain.
Nous avons également, réalisé, en Guyane, une opération, sans précédent, de lutte contre
l’orpaillage clandestin qui a permis de démanteler des filières d’immigration et de nombreux
trafics illicites et je sais parfaitement que la population en Guyane n'en peut plus. Elle n'en
peut plus de la délinquance, de la violence, de l'immigration clandestine qui va faire exploser
le pacte social. Ce qui a été fait, on l'a fait avec beaucoup de force et moi, je considère que
violer la forêt guyanaise, comme le font les orpailleurs clandestins, c’est porter atteinte à la
souveraineté de la France et c'est pour cela que nous avons engagé l'armée dans cette
opération.
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En ce qui concerne Mayotte, l’État respectera ses engagements. Le gouvernement s’est
employé, depuis plusieurs mois, à préparer les conditions de la consultation populaire qui sera
organisée en 2009. Ce travail de préparation, auquel les élus sont associés, est indispensable
pour concevoir un modèle de département qui soit respectueux de l’identité de Mayotte mais
aussi des exigences de notre système républicain. Je recevrai les élus de Mayotte pour leur
préciser le calendrier de la départementalisation et leur indiquer les conditions dans lesquelles
cette départementalisation pourra se faire de façon progressive et adaptée. Dans le même
esprit, une promesse est une promesse et si on veut que l'État soit respecté il doit d'abord
respecter sa parole. Dans le même esprit, en Nouvelle-Calédonie l'État fera en sorte que
l'accord de Nouméa soit respecté dans la lettre et dans l'esprit. Il me revient avec le Premier
ministre la responsabilité de garantir la paix civile et de créer les conditions dans lesquelles la
population pourra librement choisir son destin, chacun a le droit de défendre ses convictions
mais quelles que soient ces convictions, tous les Calédoniens sont confrontés au même défi :
celui de réussir à vivre durablement ensemble dans la paix sur une même terre. Je l’ai écrit
aux signataires de l’Accord, je m’engage à faire respecter loyalement le processus de
l’Accord de Nouméa jusqu’à son terme. Je recevrai, dans quelques jours, les membres
« Comité des signataires de l’Accord » qui aura pour tâche de finaliser les derniers transferts
de compétences avant le référendum d’autodétermination. Là aussi, l’Etat doit être fidèle à sa
parole. Ce n’est pas une question de droite, de gauche, c’est une question de respect de la
parole donnée.
Enfin, je voudrais rappeler que j’ai tenu, cette année, à signer personnellement le « contrat de
projets de la Polynésie » car il y avait urgence à agir pour le développement économique et
social du territoire. Les élus polynésiens ne doivent pas se tromper de priorité. Toute leur
énergie doit être tournée vers un seul objectif : le développement économique et je sais que le
Président TONG SANG l’a bien compris et je l’encourage à continuer dans cette voie car les
Polynésiens, - je prends mes responsabilités - sont fatigués des querelles politiciennes. Les
Polynésiens ont le droit d’être respectés. Ce n’est pas parce que l’on est si loin de la
métropole qu’on n’a pas un jugement, et ce jugement il est sévère, ils ont droit eux aussi à la
stabilité pour le développement. Comme s’il n’y avait pas assez de problème qu’il fallait
encore en créer davantage avec l’instabilité. Je ne vois pas ce que cela amène à une population
qui a besoin du développement et de croire en l’avenir.
*
Je ne veux pas dresser le bilan de notre action, il y en a tant qu’ils le font ! Je veux vous parler
des réformes et de l’avenir et je veux vous en parler sans fuir mes responsabilités.
Il y a de l’inquiétude sur le fait que la défiscalisation soit remise en cause ? Il y a de
l’inquiétude sur le fait que l’Outre-mer ne soit plus une priorité pour le gouvernement ? Ceux
qui disent cela, mentent. Je considère que cette façon de faire traduit, un manque de respect à
votre égard. Je vais donc vous parler franchement.
L’Outre-mer, comme le reste de la France, doit être réformé car le monde change. Je vous
demande de réfléchir quel que soit votre territoire. Comment voulez-vous que l’Outre-mer
reste immobile alors que l’Outre-mer, c’est la France au cœur du monde ? Comment voulez-
vous que l’Outre-mer puisse s’en sortir alors que, vous-mêmes, vous êtes encore plus proches
de la mondialisation par votre localisation géographique que la métropole ? Quel serait le
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Président de la République, quelle serait la crédibilité d’un Président de la République qui
dirait : « la métropole doit changer et l’Outre-mer doit rester immobile » ? Qui peut croire une
chose pareille ? Alors, changer une fois que j’ai dit cela, j’ai fait le plus facile. Mais quand on
change, il y a des mesures qui sont difficiles, d’autres qui sont perçues positivement. Mais
toutes étaient nécessaires. Et moi, je ne vais pas m’abriter derrière le ministre, je vais assumer
mes choix, parce qu’il est temps maintenant que, dans notre système démocratique, on assume
ses choix.
La réforme du plafonnement de la défiscalisation Outre-mer, voilà une réforme qui a été
vécue douloureusement en Outre-mer. Je peux le comprendre. Mais, cette réforme, mes chers
amis, elle était juste et elle devait être faite. Je m’en explique. Parce qu’il n’est pas normal,
mes chers amis, que, dans un pays comme la France, en 2008, un certain nombre de grosses
fortunes puissent s’exonérer totalement de l’impôt sur le revenu. Je ne pouvais pas l’accepter
et s’il y a quelqu’un à qui il faut en vouloir, c’est à moi. Mais je regarde chacun dans les yeux.
Je dois conduire dans la crise économique et financière – la plus grave depuis un siècle – un
pays de 64 millions d’habitants avec des réformes très difficiles. Je ne peux le faire que si les
64 millions d’habitants ont conscience que la politique que nous menons est juste. Il est juste
que l’on puisse investir dans l’Outre-mer, mais il était injuste qu’un certain nombre de
grandes fortunes puissent s’exonérer totalement de l’impôt, personne ne peut l’accepter.
Personne. Et en plafonnant l’avantage fiscal à un niveau raisonnable, nous avons pu concilier
l’objectif d’équité fiscale – mais fondamental dans une démocratie comme la nôtre - avec
celui de l’efficacité économique auquel je reste totalement attaché pour l’Outre-mer. Le
plafonnement, tel qu’il a été conçu, ne remet absolument pas en cause l’outil de la
défiscalisation, c’est un outil dont je revendique l’utilisation et dans le projet de loi pour
l’Outre-mer la défiscalisation sera un élément décisif du développement économique. Mais
vous réclamez justice, vous réclamez l’équité, comprenez qu’en tant que chef de l’Etat, je dois
garantir cette justice et cette équité et je ne pouvais pas assumer que 2 000 ou 3 000
contribuables parmi les plus fortunés ne paient pas un centime d’impôt, même si c’était pour
la bonne cause du développement de l’Outre-mer. Parce que personne ne pouvait l’accepter,
alors j’accepte bien volontiers les critiques, d’ailleurs les critiques, c’est positif dans une
démocratie. Mais je n’accepte pas que l’on dise que l’outil de la défiscalisation ne fait plus
partie de notre politique de développement économique. Nous gardons la défiscalisation, mais
je ne peux pas accepter que 2 ou 3 000 foyers ne paient pas l’impôt. Alors une solution
équilibrée a été trouvée. Je remercie tous ceux qui ont participé à la recherche de cette
solution et, en particulier, Gaël YANNO et Alfred ALMONT. Je ne sais pas si je vous mouille
en disant cela, si vous m’en voudrez, mais enfin je dis ce que je pense.
Il est vrai – et je vais aller encore plus loin - que cette réforme, ainsi que la réforme du
plafonnement des exonérations de charges sociales, la réforme des « surpensions de retraite »
sont concentrées, en raison des contraintes du calendrier parlementaire, Messieurs les
Présidents, sur une courte période. Je sais que cela a été difficile à comprendre et à expliquer
pour vous, pourtant chacun sait bien qu’il fallait le faire, chacun sait bien que tous les
gouvernements ont été confrontés à cette question et ce n’est pas parce que d’autres qui m’ont
précédé - c’est leur droit – n’ont pas voulu le faire que moi, je dois me contenter de faire
comme les autres. Il y a un moment où la France ne peut pas différer les choix. Elle les fait ou
elle ne les fait pas. Et c’est justement parce que je vous aime et parce que je crois dans
l’avenir de l’Outre-mer que je les fais, parce que ma conviction absolue, c’est qu’en Outre-
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mer, on comprend parfaitement les choses. Si on fait appel à l’intelligence et pas simplement
à un discours. Vous en avez assez d’attendre, vous voulez des faits.
J’ajoute que la crise ne peut en aucun cas être brandie comme prétexte pour repousser les
réformes en métropole, comme en Outre-mer. Bien au contraire, la crise doit nous conduire à
accélérer le rythme de notre travail.
Le plus gros des réformes difficiles est donc derrière nous. A partir de 2009, des mesures
positives importantes vont être mises en œuvre. Une partie d’entre-elles sont inscrites dans la
loi pour l’Outre-mer qui sera examinée par le Parlement, au mois de février prochain.
Vous connaissez ce projet dans les grandes lignes. Les zones franches globales d’activités :
j’en avais parlé deux ans avant ma campagne des zones franches d’activité, peu de gens y
croyaient. Eh bien, on l’a fait. Parce que sur des territoires, pour certains petits, la zone
franche traditionnelle, localisée sur une petite partie d’un petit territoire, n’avait aucun sens.
Je préfère qu’on puisse défiscaliser sur tous vos territoires et surtout sur trois, quatre, cinq
secteurs d’activités prioritaires pour créer les conditions de masse d’un développement
économique endogène. J’avais porté, dès 2005, cette idée de la zone franche globale. Il y avait
eu beaucoup de scepticisme, beaucoup de doutes, eh bien, en février/mars, ce sera fait.
Je veux également parler de l’aide au fret pour favoriser les entreprises de transformation ou
du soutien à la recherche. Je veux également parler de la vision du développement
économique et de la formation qui est la nôtre. Il n’y a, par exemple, aucune raison que des
jeunes doivent passer, doivent venir avec un billet très cher pour passer des examens en
métropole, alors qu’on pourrait parfaitement faire déplacer un enseignant pour faire passer les
examens d’entrée une fois dans l’année Outre-mer. Ce n’est quand même pas un drame,
honnêtement. En fait, nous voulons développer une stratégie de croissance fondée sur la
valorisation de votre potentiel. C’est ce que j’appelle la nécessité du « développement
endogène ».
L’idée progresse et Yves JEGO aura prochainement l’occasion de présenter cette stratégie qui
prolongera notre loi de programme, vaste plan qui se déclinera autour d’une vingtaine
d’actions. Les premières seront visibles dès l’année prochaine.
En fait, nous avons cinq objectifs concrets :
- accroître votre compétitivité, celle de vos entreprises, c’est donc les « zones franches
globales d’activités » notamment,
- inciter à la construction de logements sociaux parce que vous avez un gigantesque problème
de logement social en réorientant la défiscalisation du logement libre vers le logement social.
Et permettez-moi de vous dire qu’il y avait vraiment aucune raison qu’on puisse faire de la
défiscalisation pour le logement libre et pas pour le logement social alors qu’il y a un
problème gigantesque de logement social pour les personnes qui n’ont pas de logement et qui
vivent dans des conditions dramatiques ;
- je veux qu’on accélère le désenclavement aérien, maritime et numérique de nos territoires,
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- il faut mieux former et mieux insérer professionnellement les Ultramarins. Et là, il y a
beaucoup de choses à faire. J’ai beaucoup d’exemples en tête sur les universités de médecine,
à la Réunion ou d’autres. Mais enfin, quand on voit le bassin francophone qu’il y a autour, on
peut parfaitement imaginer de créer une grande université régionale alors qu’il y a quelques
80 millions de francophones qui sont autour. Et on peut, sur chaque territoire, utiliser des
universités de cette façon. Après tout, formons aussi des jeunes médecins des pays qui nous
entourent et arrêtons de dire qu’il n’y a pas assez d’étudiants pour avoir une université.
Profitons du voisinage qui est le nôtre pour attirer ces étudiants. J’ai pris l’exemple de
l’Océan indien, mais je peux prendre bien d’autres exemples où d’autres pays seraient
heureux de nous envoyer leurs étudiants et peut-être même de participer au financement de
nos universités.
- et, enfin, la préservation de la nature et la croissance durable.
Parmi tous ces objectifs, il y en a un qui me tient particulièrement à cœur : c’est la continuité
territoriale. Ce sujet est capital, parce qu’il matérialise le lien entre la métropole et l’Outre-
mer.
Grâce aux efforts de chacun, on va obtenir sous peu un accord avec les compagnies aériennes
qui desservent les départements d’Outre-mer. Cela permettra de mieux adapter les tarifs à la
demande et de faire baisser le prix des billets, notamment pendant les périodes de pointe.
Parce que, là, cela ne va pas du tout. Je vais taper du poing sur la table : l’accord, je le veux.
Pourquoi ? Parce qu’en dehors des périodes de pointe, il n’y a pas assez d’avions et pendant la
période de pointe, comme par hasard, on se rend compte que l’Outre-mer c’est rentable et le
prix des billets explose. Cela n’est pas acceptable.
Nous allons donc mettre, nouvelle réforme, en place un « fonds unique de continuité
territoriale », doté de 55 millions d’euros, dès 2009. Cela permettra de délivrer des bons de
transport pour nos compatriotes qui en ont le plus besoin.
Je veux dire les choses comme elles sont, la continuité territoriale, c’est pour aider les clients
que vous êtes, ce n’est pas pour financer les compagnies. Je le dis car, je crois, que l’on n’a
pas tout compris. Parce qu’après avoir aider la compagnie, je ne vois pas l’aide à la
compagnie revenir sur le tarif du billet. Donc, on va être obligé de changer de système :
d’aider le passager plutôt que la compagnie. Je le dis, je souhaite vraiment que les choses
changent.
Je pense également à la télévision numérique Outre-mer et, donc, à la diffusion d’une dizaine
de chaînes gratuites en 2010. Il n’y a aucune raison que le téléspectateur d’Outre-mer n’ait
pas accès, dans les mêmes conditions, au même bouquet numérique. Sinon, vous nous direz :
« on n’est pas des citoyens comme les autres » !
Je voudrais, enfin, dire un mot spécifique sur l’emploi. Nous savons tous que bon nombre de
territoires connaissent encore des taux de chômage deux à quatre fois supérieurs à celui de la
métropole. Dans ce contexte, je considère - même si cela pose de vrais problèmes techniques,
que je n’ignore pas, cher Yves JEGO –, que l’application du RSA en Outre-mer est une
priorité. Le RSA est un système tout à fait différent du RMI, car le RSA va permettre à tous
ceux qui ont le RMI de reprendre un travail et de cumuler le revenu du RMI et le revenu du
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travail. J’ai été élu sur la valeur travail. Je ne veux pas qu’une seule personne perde un
centime, parce qu’au lieu de rester chez lui, il reprend un travail. Je le dis aussi avec la même
force à nos compatriotes d’Outre-mer, le RSA, c’est des droits nouveaux, mais il n’y a pas de
droits nouveaux sans devoir. Je le dis comme je le pense. Le RMI, ce n’est pas une solution
pour vivre, c’est une solution pour survivre, et il n’y a aucun devoir. Avec le RSA, vous
cumulerez l’indemnité et le salaire, mais, en cas de refus consécutif de deux offres d’emploi,
vous n’aurez plus le RSA. Il n’y a pas de droit sans devoir. Il faut tirer nos territoires vers le
haut et arrêter de les tirer vers le bas. C’est un choix. Ce choix, je l’assume.
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Mes chers amis,
Je vous ai donc parlé librement, et je voudrais terminer en disant une dernière chose. Il n’y a
pas, pour moi, une « France noire » ou une « France blanche ». Il n’y a qu’une France : une
France riche de sa diversité et de ses métissages. Mais cela ne doit pas nous empêcher de
regarder les choses en face et de voir qu’il y a de la discrimination, qu’il y a du racisme et je
conteste ceux qui contestent cette sinistre réalité. Et nos compatriotes d’Outre-mer, sont bien
placés pour savoir que la discrimination et le racisme, cela existe.
Nous avons créé la « Délégation interministérielle à l’égalité des chances que j’ai confiée à
Patrick KARAM, qui a fait un très bon travail et que je remercie. J’avais fait scandale, il y a
quelques années, parce que j’avais osé dire - et je le pense encore plus aujourd’hui, pour vous
dire que je ne me suis pas amélioré ! –, que la République, ce n’était pas de donner à chacun
la même chose. L’égalité, ce n’est pas de donner à chacun la même chose. Parce que ma
conviction, c’est que sur la ligne de départ de la vie, on ne part pas du même point et qu’il
faut donner plus à celui qui part de plus loin. L’égalité, ce n’est pas de traiter tous les
départements de la même façon, ce n’est pas de traiter tous les citoyens français de la même
façon, parce qu’il y en a qui cumulent davantage de difficultés que les autres : handicap
géographique, handicaps sociaux, handicap tout court. Si nous ne mettons pas en œuvre une
politique profondément volontariste pour que les élites françaises, si classiques dans leur tête
et dans leur allure, changent, alors jamais, les élites, au sommet ne ressembleront à la
diversité, à la base.
Je vois que, depuis que les Etats-Unis d’Amérique ont élu un nouveau Président, tout d’un
coup ces idées, que je portais bien seul et qui parfois étaient critiquées dans ma propre
famille, je vois que ces idées progressent. Tout d’un coup, on découvre que depuis 25 ans, la
première puissance du monde est représentée par son ministre des Affaires étrangères - le
secrétaire d’Etat, comme ils disent -, par un ministre qui n’est pas un Américain de souche.
Madeleine ALBRIGHT, cela ne sonne pas Américain de souche. Colin POWELL, plus jeune
général de l’armée américaine, Jamaïcain et secrétaire d’Etat. Condoleezza RICE, et
aujourd’hui, Barack OBAMA. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu que cette diversité
s’exprime au gouvernement. Je prendrai, dans les semaines qui viennent, des initiatives pour
que cette diversité, cette France riche de cette diversité, se traduise également dans le choix de
nos élites : les préfets, dans les magistrats, les professeurs d’universités et dans les médecins.
Que les choses soient claires, et mes amis peuvent en porter témoignage, j’ai toujours cru à
ces idées. Il ne s’agit pas pour moi de faire des quotas, cela n’aurait pas de sens, mais il ne
s’agit pas non plus de faire comme si cela allait s’arranger tout seul, car cela ne s’arrangera
pas tout seul.
Je veillerai, dans les initiatives que je prendrai, à ce que dans nos grandes écoles, nos
universités, la diversité sociale qui regroupe souvent la diversité ethnique puisse se retrouver
de façon plus volontariste. Il n’est pas normal qu’il y ait moins d’ouvriers, d’enfants
d’ouvriers aujourd’hui dans les grandes écoles qu’il n’y en avait il y a 30 ans. Il n’est pas
normal qu’il faille une décision du Président de la République pour aller chercher un préfet
qui vient d’ailleurs. Qu’à chaque fois, cela fasse les gros titres, parce qu’il est tellement rare
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qu’on le met sous cloche, et qu’il doive se justifier : « d’accord, j’ai la couleur de peau que
j’ai, mais je suis bon quand même ! ».
Barack OBAMA a été élu parce c’était le meilleur, mais en plus, il est porteur de sa propre
histoire. Au gouvernement, Fadela AMARA, Rachida DATI, Rama YADE, elles sont
excellentes, mais en plus, elles portent leur propre histoire. Il est temps d’accélérer
puissamment le mouvement. Je le dis devant vous parce que je sais que nombre d’entre vous
sont sensibles à ces questions et sont blessés, profondément blessés quand, habitant en région
parisienne, on leur dit : « mais de quel pays venez-vous ? Alors que pour beaucoup dans cette
salle, leur famille est française depuis plus longtemps que la mienne.
Je tenais à vous le dire. Ce n’était pas dans le discours, mais j’y tiens beaucoup.
Enfin, dernier point. Je suis président de l’Union européenne, je le serai jusqu’au 31 décembre
Cela m’a pris énormément de temps, cela était également très important pour la situation
économique des départements d’Outre-mer. En 2009, je serai libéré de cette responsabilité.
J’aurai l’occasion d’aller souvent dans nos territoires d’Outre-mer vous retrouver, et vérifier
que ce que nous avons décidé, ici, soit bien transcrit dans les faits.
Mesdames et Messieurs, vous l’avez compris, c’est un très grand jour pour l’Elysée et un très
grand honneur pour l’Elysée, pour toutes nos équipes, pour le ministre et pour moi-même, que
de vous recevoir.
Merci.