26 février 2009
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23:52
INTERVIEW
Ivan de Dieuleveult, p.-d.g. de Gardel SA
« Nous avons perdu à ce jour 500 000 euros »
La filière canne-sucre est en panne. Les NAO nécessaires avant toute ouverture de campagne de coupe n'ont pu se tenir. Et pendant que la mobilisation générale des salariés et l'immobilisation économique de la Guadeloupe sont à l'œuvre, la filière ne travaille pas... Et prend du retard. Le point avec le responsable de l'usine sucrière de Gardel.
Quelles sont, à ce moment précis, les espoirs de récolte pour cette campagne 2009 ?
Nous pensons qu'il devrait y avoir environ 600 000T de cannes à broyer pour l'usine de Gardel cette année.
- Quelle peut-être l'incidence du retard pris dans les négociations NAO sur la récolte ?
La période idéale pour récolter la canne est de début février à ... la fin de la campagne. La récolte dure entre 4 mois et 4mois1/2 suivant le tas de cannes. Ce qui nous amène à fin juin si la campagne démarre début février. Plus le démarrage est tard, plus le risque d'avoir de mauvaises conditions de récolte est grand. A partir de mai/juin, nous arrivons dans la saison des pluies. Trois semaines après des pluies importantes, la plante repart en croissance et la richesse saccharine diminue. Elle plonge même fortement en fin de campagne. Cette campagne s'annonçait sous les meilleurs auspices, d'ores et déjà nous savons que nous ne serons plus dans les meilleures conditions. Il faut signaler que l'usine n'est pas prête.
Il reste trois semaines de travail pour mettre l'usine en ordre de marche. Les employés sont en grève depuis le 20 janvier, lorsqu'ils reprendront le travail, il faudra compter trois semaines avant de recevoir les premières cannes, à moins qu'ils ne mettent les bouchées doubles pour tenter de rattraper le temps perdu.
« Nous avons chiffré l'ensemble des exigences salariales pour Gardel à un million d'euros »
- Peut-on quantifier les pertes liées au conflit et aux retards accumulés (négociations internes à Gardel, NAO de secteur, conflit LKP) ?
Nous avons perdu un peu plus d'un mois de ventes locales et quelques ventes export. Ça représente un peu plus de 500 000€ à ce jour et chaque jour creuse la perte. Il y a eu 48 hectares de cannes qui ont été incendiés sur l'exploitation agricole que gère Gardel.
Cela représente 3 600T de cannes ; 400T de sucre à 500€/T en vrac, soit 200 000€. En outre ça représente le travail d'une année pour le personnel de l'exploitation agricole. C'est vraiment triste de voir partir en fumée en quelques heures le labeur d'une année.
Ce seront également sept jours de coupe en moins et donc des journées de salaire en moins pour les saisonniers de l'exploitation agricole. Est-ce ainsi que l'on améliore le pouvoir d'achat des Guadeloupéens ? Certains font courir le bruit, y compris à Gardel, que nous avons une assurance et que nous serons indemnisés. C'est évidemment totalement faux. "Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose", disait Voltaire. Les gens finissent toujours par croire aux rumeurs. "Il n'y a pas de fumée sans feu". Pour les cannes c'est vrai, mais pour l'assurance c'est faux. Pour les NAO de Branche et les NAO internes, nous allons attendre de voir ce qui sortira des négociations locales et générales avant d'aborder d'éventuelles NAO. Nous n'allons pas satisfaire trois fois les mêmes revendications. Nous n'avons pas les revendications des NAO pour la branche. La première réunion était prévue le 23 janvier. En revanche nous avons la plateforme des revendications internes. Il y a 24 points, certains sont identiques aux revendications du LKP. Nous avons chiffré l'ensemble de ces 24 exigences : 1 million d'euros !
- On vous reproche (les planteurs) un coût d'achat de la canne inchangé depuis 2000. Pourquoi ?
Le prix d'achat de la canne est directement corrélé au prix d'achat du sucre vrac, fixé par l'UE. Jusqu'en 2006, le prix était le prix d'intervention : 560€/T. Depuis 2007 la réforme de l'OCM sucre ne fixe plus un prix d'intervention mais un prix de référence.
Ce prix de référence a baissé en 2007 de 5% par rapport à l'ancien prix d'intervention. Il va baisser de 17% en 2009 et de 36% en 2010. Et peut-être même de 46%, car récemment le commissaire Mendelsson a considéré que garantir 90% du prix de référence aux sucres des pays ACP et PMA c'était déjà bien bon. Il est clair que nos raffineurs nous demanderont de nous aligner sur le prix consenti aux PMA et ACP d'autant qu'ils renteront sans quota dans l'UE. Nous devrions répercuter ces baisses de recettes sur le prix d'achat industriel de la tonne de canne. Ce qui veut dire que là où nous payions 32€ en 2006, nous devrions payer aux Planteurs 9€ en 2010. C'est là qu'interviennent les aides de l'UE et de l'Etat pour maintenir la filière canne dans les DOM.
Prix fixe, ou maintenu par les aides, du sucre égale prix fixe de la canne.
« Gardel n'est pas rentable par elle-même. »
- Gardel est-elle rentable ? Sinon, pourquoi ne ferme-t-on pas en ces périodes économiquement difficiles ou la geste sociale n'est plus de mise ?
Gardel n'est pas rentable par elle-même. Gardel peut parvenir à un équilibre de ses comptes, avec les aides de l'UE et de l'Etat et avec un tas de cannes de 650 000T minimum et surtout un tas de sucre de plus de 65 000T de sucre. Ce qui compte c'est le sucre qui constitue l'essentiel de la recette de l'entreprise.
- Faut-il continuer à planter de la canne (et à en récolter) en Guadeloupe ?
Il faut continuer à planter de la canne pour de multiples raisons : il n'y a aucune alternative crédible aujourd'hui pour les 12 000ha de terres cultivées en cannes en Guadeloupe continentale. La canne retient les terres lors des cyclones. La bagasse permet d'utiliser du charbon, limite donc la consommation de matériaux fossiles et participe à réduire les gaz à effet de serre. Si la combustion de la bagasse dégage elle aussi du CO2, ce CO2 est réabsorbé par la plante et ne vient pas s'accumuler dans les hautes couches de l'atmosphère. C'est une plante aux multiples usages, qui a un côté écologique, sans parler de la beauté des paysages. Il faudrait améliorer les rendements et irriguer.
- Les sucres spéciaux sont-ils l'avenir ? Pourquoi n'en fait-on pas plus ?
Les sucres dits spéciaux ou sucres de bouche, se vendent plus cher que le sucre de vrac qui part au raffinage. Il est donc évident que ça participe au maintien de Gardel et de la filière. Dans l'état actuel de l'outil industriel de Gardel, nous ne pouvons pas produire plus de 13 000t par campagne. Il faudrait investir plusieurs millions d'euros pour dépasser ce stade.
Aujourd'hui nous sortons 600 à 650T de sucre vrac par jour mais seulement 120T/150T maximum de sucre de bouche.
C'est dû à des exigences de granulomètrie, de couleur et surtout de taux d'humidité à respecter. Par ailleurs nous sommes liés par un contrat de fourniture avec Saint-Louis Sucre (SLS) qui nous limite à 10 000T de sucre de bouche. Ces dernières années j'ai obtenu d'eux un accord pour aller jusqu'à 13 000T. Nous travaillons pour augmenter ces quantités d'autant que le contrat avec SLS tombe à fin 2013. Pour cela nous avons besoin des co-financements du PDR 2007/2013 pour avoir accès aux fonds de l'Europe.
Propos recueillis par André-Jean VIDAL
Ivan de Dieuleveult, p.-d.g. de Gardel SA
« Nous avons perdu à ce jour 500 000 euros »
La filière canne-sucre est en panne. Les NAO nécessaires avant toute ouverture de campagne de coupe n'ont pu se tenir. Et pendant que la mobilisation générale des salariés et l'immobilisation économique de la Guadeloupe sont à l'œuvre, la filière ne travaille pas... Et prend du retard. Le point avec le responsable de l'usine sucrière de Gardel.
Quelles sont, à ce moment précis, les espoirs de récolte pour cette campagne 2009 ?
Nous pensons qu'il devrait y avoir environ 600 000T de cannes à broyer pour l'usine de Gardel cette année.
- Quelle peut-être l'incidence du retard pris dans les négociations NAO sur la récolte ?
La période idéale pour récolter la canne est de début février à ... la fin de la campagne. La récolte dure entre 4 mois et 4mois1/2 suivant le tas de cannes. Ce qui nous amène à fin juin si la campagne démarre début février. Plus le démarrage est tard, plus le risque d'avoir de mauvaises conditions de récolte est grand. A partir de mai/juin, nous arrivons dans la saison des pluies. Trois semaines après des pluies importantes, la plante repart en croissance et la richesse saccharine diminue. Elle plonge même fortement en fin de campagne. Cette campagne s'annonçait sous les meilleurs auspices, d'ores et déjà nous savons que nous ne serons plus dans les meilleures conditions. Il faut signaler que l'usine n'est pas prête.
Il reste trois semaines de travail pour mettre l'usine en ordre de marche. Les employés sont en grève depuis le 20 janvier, lorsqu'ils reprendront le travail, il faudra compter trois semaines avant de recevoir les premières cannes, à moins qu'ils ne mettent les bouchées doubles pour tenter de rattraper le temps perdu.
« Nous avons chiffré l'ensemble des exigences salariales pour Gardel à un million d'euros »
- Peut-on quantifier les pertes liées au conflit et aux retards accumulés (négociations internes à Gardel, NAO de secteur, conflit LKP) ?
Nous avons perdu un peu plus d'un mois de ventes locales et quelques ventes export. Ça représente un peu plus de 500 000€ à ce jour et chaque jour creuse la perte. Il y a eu 48 hectares de cannes qui ont été incendiés sur l'exploitation agricole que gère Gardel.
Cela représente 3 600T de cannes ; 400T de sucre à 500€/T en vrac, soit 200 000€. En outre ça représente le travail d'une année pour le personnel de l'exploitation agricole. C'est vraiment triste de voir partir en fumée en quelques heures le labeur d'une année.
Ce seront également sept jours de coupe en moins et donc des journées de salaire en moins pour les saisonniers de l'exploitation agricole. Est-ce ainsi que l'on améliore le pouvoir d'achat des Guadeloupéens ? Certains font courir le bruit, y compris à Gardel, que nous avons une assurance et que nous serons indemnisés. C'est évidemment totalement faux. "Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose", disait Voltaire. Les gens finissent toujours par croire aux rumeurs. "Il n'y a pas de fumée sans feu". Pour les cannes c'est vrai, mais pour l'assurance c'est faux. Pour les NAO de Branche et les NAO internes, nous allons attendre de voir ce qui sortira des négociations locales et générales avant d'aborder d'éventuelles NAO. Nous n'allons pas satisfaire trois fois les mêmes revendications. Nous n'avons pas les revendications des NAO pour la branche. La première réunion était prévue le 23 janvier. En revanche nous avons la plateforme des revendications internes. Il y a 24 points, certains sont identiques aux revendications du LKP. Nous avons chiffré l'ensemble de ces 24 exigences : 1 million d'euros !
- On vous reproche (les planteurs) un coût d'achat de la canne inchangé depuis 2000. Pourquoi ?
Le prix d'achat de la canne est directement corrélé au prix d'achat du sucre vrac, fixé par l'UE. Jusqu'en 2006, le prix était le prix d'intervention : 560€/T. Depuis 2007 la réforme de l'OCM sucre ne fixe plus un prix d'intervention mais un prix de référence.
Ce prix de référence a baissé en 2007 de 5% par rapport à l'ancien prix d'intervention. Il va baisser de 17% en 2009 et de 36% en 2010. Et peut-être même de 46%, car récemment le commissaire Mendelsson a considéré que garantir 90% du prix de référence aux sucres des pays ACP et PMA c'était déjà bien bon. Il est clair que nos raffineurs nous demanderont de nous aligner sur le prix consenti aux PMA et ACP d'autant qu'ils renteront sans quota dans l'UE. Nous devrions répercuter ces baisses de recettes sur le prix d'achat industriel de la tonne de canne. Ce qui veut dire que là où nous payions 32€ en 2006, nous devrions payer aux Planteurs 9€ en 2010. C'est là qu'interviennent les aides de l'UE et de l'Etat pour maintenir la filière canne dans les DOM.
Prix fixe, ou maintenu par les aides, du sucre égale prix fixe de la canne.
« Gardel n'est pas rentable par elle-même. »
- Gardel est-elle rentable ? Sinon, pourquoi ne ferme-t-on pas en ces périodes économiquement difficiles ou la geste sociale n'est plus de mise ?
Gardel n'est pas rentable par elle-même. Gardel peut parvenir à un équilibre de ses comptes, avec les aides de l'UE et de l'Etat et avec un tas de cannes de 650 000T minimum et surtout un tas de sucre de plus de 65 000T de sucre. Ce qui compte c'est le sucre qui constitue l'essentiel de la recette de l'entreprise.
- Faut-il continuer à planter de la canne (et à en récolter) en Guadeloupe ?
Il faut continuer à planter de la canne pour de multiples raisons : il n'y a aucune alternative crédible aujourd'hui pour les 12 000ha de terres cultivées en cannes en Guadeloupe continentale. La canne retient les terres lors des cyclones. La bagasse permet d'utiliser du charbon, limite donc la consommation de matériaux fossiles et participe à réduire les gaz à effet de serre. Si la combustion de la bagasse dégage elle aussi du CO2, ce CO2 est réabsorbé par la plante et ne vient pas s'accumuler dans les hautes couches de l'atmosphère. C'est une plante aux multiples usages, qui a un côté écologique, sans parler de la beauté des paysages. Il faudrait améliorer les rendements et irriguer.
- Les sucres spéciaux sont-ils l'avenir ? Pourquoi n'en fait-on pas plus ?
Les sucres dits spéciaux ou sucres de bouche, se vendent plus cher que le sucre de vrac qui part au raffinage. Il est donc évident que ça participe au maintien de Gardel et de la filière. Dans l'état actuel de l'outil industriel de Gardel, nous ne pouvons pas produire plus de 13 000t par campagne. Il faudrait investir plusieurs millions d'euros pour dépasser ce stade.
Aujourd'hui nous sortons 600 à 650T de sucre vrac par jour mais seulement 120T/150T maximum de sucre de bouche.
C'est dû à des exigences de granulomètrie, de couleur et surtout de taux d'humidité à respecter. Par ailleurs nous sommes liés par un contrat de fourniture avec Saint-Louis Sucre (SLS) qui nous limite à 10 000T de sucre de bouche. Ces dernières années j'ai obtenu d'eux un accord pour aller jusqu'à 13 000T. Nous travaillons pour augmenter ces quantités d'autant que le contrat avec SLS tombe à fin 2013. Pour cela nous avons besoin des co-financements du PDR 2007/2013 pour avoir accès aux fonds de l'Europe.
Propos recueillis par André-Jean VIDAL