24 février 2009
2
24
/02
/février
/2009
00:03
INTERVIEW
Victorin Lurel, président du conseil régional
« La grève est belle, tant qu'on n'a pas mort d'homme »
Brocardé, parfois pris à partie avec vigueur, Victorin Lurel suit son cap et remet quelques pendules à l'heure.
Ségolène Royal est venue en Guadeloupe. Etiez-vous prévenu ?
Il paraît que, quand elle est arrivée, elle m'a fait savoir qu'elle était là. Je n'ai rien su. Elle était, semble-t-il, l'invitée de Jacques Bangou. Tout ce que je sais, c'est que le parti socialiste a mandaté des personnes bien précises pour venir en Guadeloupe apporter la soutien de ce courant politique à une population en lutte. Christian Paul est venu comprendre, proposer des solutions. Elle est venue ici sans informer ni le parti, ni la fédération.
Les entrepreneurs disent que leurs entreprises se relèveront difficilement de cette crise. Et puis il y a Eric Jalton, votre ami, qui dit qu'il faudra indemniser les commerçants victimes de pillages.
Je ne sais pas. C'est à voir. Il doit sans doute y avoir une procédure. Je sais, cependant, que cette crise va laisser des traces. Il faut un plan d'accompagnement pour les entreprises, surtout les très petites entreprises. Il faudra discuter de leurs désendettement, échelonner leurs dettes bancaires. Nous ne pourrons le faire qu'avec le Département, l'Etat, la Région, les communes.
« J'ai obtenu le déblocage de 19 postes d'enseignants »
On vous reproche d'être allé à Paris, avec les autres parlementaires et de ne vous être préoccupé que d'obtenir la possibilité d'un changement de statut.
Et les 19 postes d'enseignants que les syndicats réclamaient en vain !J'ai vu le Premier ministre, ses services, notamment le recteur Charpentier, qui m'a assuré que l'on recruterait ces 19 enseignants, avec titularisation l'année prochaine. C'est une exception ! C'est parce qu'en Guadeloupe, il y a des spécificités fortes. J'ai informé René Beauchamp dès que j'ai eu la nouvelle. On n'en a pas beaucoup parlé... Pour ce qui est du changement de statut, quand je n'en voulais pas, en 2003, on m'a traité de fou. Maintenant, je reviens avec une possibilité d'interroger les populations, on me le reproche. Qu'a demandé le LKP dans ses revendications ? Des outils innovants administratifs et réglementaires. C'est bien de cela qu'on parle. Jacques Gillot a demandé la tenue d'un Congrès sur le sujet ! Qui est pressé ? Je n'ai pas changé sur mon calendrier. J'avais dit entre 2010 et 2016, le temps d'informer les populations. Là, on bouscule tout, le Gouvernement, je dirai plutôt le président de la République, veut juillet 2010, juste avant les régionales ! Je suis un politique, il faut bien que je réagisse !
La population est-elle favorable à ce changement ?
Je n'ai eu, jusqu'à présent, que des retours négatifs. La population n'y est pas favorable. Tout le monde est recentré sur le pouvoir d'achat. La Guadeloupe n'a rien demandé d'autre. mais, je vous le répète, le président de la République a son calendrier... Il veut faire un référendum sur le changement de statut avant juillet.
Vous avez été agressé, au sortir de la cérémonie d'enterrement de Jacques Bino, le syndicaliste assassiné, dimanche. On vous accuse, parce que vous êtes un politique, d'être à l'origine de sa mort.
Oui, une dame m'a traité de salaud. On m'accuse un peu de partout, et ce n'est pas à l'honneur de votre profession de m'agresser ainsi, d'envisager que mon action politique, ce que j'ai fait au cours de ce conflit fasse que je puisse être pour quelque chose dans la mort de cet homme. De ce syndicaliste, que je respecte. Moi, je vais dire à ceux qui ont lancé ce mouvement de mobilisation que la grève est belle, tant qu'on ne bloque pas, qu'on n'empêche pas les enfants d'aller à l'école. Tant qu'on n'a pas mort d'homme. Comment va-t-on faire pour ramener les jeunes qui sont sur les barrages, qui sont dans les rues la nuit, qui pillent, incendient, des voitures, des magasins, quand on leur dit tout le temps, qu'on clame que s'il sont dans les difficultés c'est parce que le président du conseil régional a fermé l'AFPA ! Il y a eu un mort, nous sommes responsables, vous, moi, nous tous. Maintenant, il faut arrêter ces attaques indignes !
« C'est regrettable d'en arriver à faire que des gens se sentent en danger chez nous »
Qu'est-ce que vous dites quand on signale que des Blancs, appelons-les par leur nom, quittent la Guadeloupe parce qu'ils ont peur ?
C'est regrettable, si ce sont des gens qui sont venus ici, avec sincérité, qui ont fait leur vie ici, créé leur entreprise, ont un emploi, se sentent bien en Guadeloupe. Ont épousé nos traditions, notre manière de vivre et de voir les choses. Je ne parle pas des gens qui vivent dans des enclaves. Ceux-là, c'est autre chose. Sinon, c'est regrettable d'en arriver à faire que des gens se sentent mal, voire en danger chez nous. Ce n'est pas notre Guadeloupe, avec ses traditions de tolérance, d'accueil des autres. Il y aura, je pense, de graves séquelles de ce conflit social, dans l'esprit des gens, dans leur façon de se regarder les uns les autres. C'est détestable.
Propos recueillis par André-Jean VIDAL
Victorin Lurel, président du conseil régional
« La grève est belle, tant qu'on n'a pas mort d'homme »
Brocardé, parfois pris à partie avec vigueur, Victorin Lurel suit son cap et remet quelques pendules à l'heure.
Ségolène Royal est venue en Guadeloupe. Etiez-vous prévenu ?
Il paraît que, quand elle est arrivée, elle m'a fait savoir qu'elle était là. Je n'ai rien su. Elle était, semble-t-il, l'invitée de Jacques Bangou. Tout ce que je sais, c'est que le parti socialiste a mandaté des personnes bien précises pour venir en Guadeloupe apporter la soutien de ce courant politique à une population en lutte. Christian Paul est venu comprendre, proposer des solutions. Elle est venue ici sans informer ni le parti, ni la fédération.
Les entrepreneurs disent que leurs entreprises se relèveront difficilement de cette crise. Et puis il y a Eric Jalton, votre ami, qui dit qu'il faudra indemniser les commerçants victimes de pillages.
Je ne sais pas. C'est à voir. Il doit sans doute y avoir une procédure. Je sais, cependant, que cette crise va laisser des traces. Il faut un plan d'accompagnement pour les entreprises, surtout les très petites entreprises. Il faudra discuter de leurs désendettement, échelonner leurs dettes bancaires. Nous ne pourrons le faire qu'avec le Département, l'Etat, la Région, les communes.
« J'ai obtenu le déblocage de 19 postes d'enseignants »
On vous reproche d'être allé à Paris, avec les autres parlementaires et de ne vous être préoccupé que d'obtenir la possibilité d'un changement de statut.
Et les 19 postes d'enseignants que les syndicats réclamaient en vain !J'ai vu le Premier ministre, ses services, notamment le recteur Charpentier, qui m'a assuré que l'on recruterait ces 19 enseignants, avec titularisation l'année prochaine. C'est une exception ! C'est parce qu'en Guadeloupe, il y a des spécificités fortes. J'ai informé René Beauchamp dès que j'ai eu la nouvelle. On n'en a pas beaucoup parlé... Pour ce qui est du changement de statut, quand je n'en voulais pas, en 2003, on m'a traité de fou. Maintenant, je reviens avec une possibilité d'interroger les populations, on me le reproche. Qu'a demandé le LKP dans ses revendications ? Des outils innovants administratifs et réglementaires. C'est bien de cela qu'on parle. Jacques Gillot a demandé la tenue d'un Congrès sur le sujet ! Qui est pressé ? Je n'ai pas changé sur mon calendrier. J'avais dit entre 2010 et 2016, le temps d'informer les populations. Là, on bouscule tout, le Gouvernement, je dirai plutôt le président de la République, veut juillet 2010, juste avant les régionales ! Je suis un politique, il faut bien que je réagisse !
La population est-elle favorable à ce changement ?
Je n'ai eu, jusqu'à présent, que des retours négatifs. La population n'y est pas favorable. Tout le monde est recentré sur le pouvoir d'achat. La Guadeloupe n'a rien demandé d'autre. mais, je vous le répète, le président de la République a son calendrier... Il veut faire un référendum sur le changement de statut avant juillet.
Vous avez été agressé, au sortir de la cérémonie d'enterrement de Jacques Bino, le syndicaliste assassiné, dimanche. On vous accuse, parce que vous êtes un politique, d'être à l'origine de sa mort.
Oui, une dame m'a traité de salaud. On m'accuse un peu de partout, et ce n'est pas à l'honneur de votre profession de m'agresser ainsi, d'envisager que mon action politique, ce que j'ai fait au cours de ce conflit fasse que je puisse être pour quelque chose dans la mort de cet homme. De ce syndicaliste, que je respecte. Moi, je vais dire à ceux qui ont lancé ce mouvement de mobilisation que la grève est belle, tant qu'on ne bloque pas, qu'on n'empêche pas les enfants d'aller à l'école. Tant qu'on n'a pas mort d'homme. Comment va-t-on faire pour ramener les jeunes qui sont sur les barrages, qui sont dans les rues la nuit, qui pillent, incendient, des voitures, des magasins, quand on leur dit tout le temps, qu'on clame que s'il sont dans les difficultés c'est parce que le président du conseil régional a fermé l'AFPA ! Il y a eu un mort, nous sommes responsables, vous, moi, nous tous. Maintenant, il faut arrêter ces attaques indignes !
« C'est regrettable d'en arriver à faire que des gens se sentent en danger chez nous »
Qu'est-ce que vous dites quand on signale que des Blancs, appelons-les par leur nom, quittent la Guadeloupe parce qu'ils ont peur ?
C'est regrettable, si ce sont des gens qui sont venus ici, avec sincérité, qui ont fait leur vie ici, créé leur entreprise, ont un emploi, se sentent bien en Guadeloupe. Ont épousé nos traditions, notre manière de vivre et de voir les choses. Je ne parle pas des gens qui vivent dans des enclaves. Ceux-là, c'est autre chose. Sinon, c'est regrettable d'en arriver à faire que des gens se sentent mal, voire en danger chez nous. Ce n'est pas notre Guadeloupe, avec ses traditions de tolérance, d'accueil des autres. Il y aura, je pense, de graves séquelles de ce conflit social, dans l'esprit des gens, dans leur façon de se regarder les uns les autres. C'est détestable.
Propos recueillis par André-Jean VIDAL