La réforme territoriale
en Guadeloupe
Enjeux et perspectives
par Victorin LUREL,
président du Conseil régional, président du Congrès des élus départementaux et régionaux
Préface
Les électeurs guadeloupéens ont choisi, le 14 mars dernier, pour conduire la politique de la région,
une équipe certes renouvelée mais qui conserve à sa tête un exécutif, élu en 2004 en grande partie
sur son refus d’un choix institutionnel que le Gouvernement et l’équipe régionale, alors au pouvoir,
voulaient imposer.
Il est clair qu’un des déterminants fondamentaux de la réélection de cet exécutif, dès le premier tour,
est son choix sans ambiguïté en faveur du maintien de la Guadeloupe dans le cadre de l’article 73 de
la Constitution.
A deux reprises, en 2003, puis en 2010, les Guadeloupéens ont donc exprimé clairement leur refus
de toute aventure institutionnelle ou statutaire.
Pour autant, la réforme des collectivités territoriales que le Gouvernement a commencé à mettre en
œuvre, à la suite de la remise du rapport Balladur, imposera probablement aux Guadeloupéens de se
déterminer sur le choix de leurs institutions. Une deuxième lecture du texte par le Parlement est pré-
vue à l’automne. Même si, en l’état, le projet de texte renvoie à une ordonnance le traitement du cas
de la Guadeloupe et même si beaucoup de points restent flous, comme le mode de scrutin, son ap-
plication sans adaptation à la Guadeloupe nécessiterait très certainement l’organisation d’une consul-
tation des électeurs.
Le statu quo reste théoriquement possible, mais il convient de mesurer la pertinence de ce choix dans
une France dont l’architecture des institutions locales va probablement évoluer.
Le présent rapport a donc principalement pour objet de présenter les options possibles en se limitant
aux plus classiques et en décrivant leurs avantages et leurs inconvénients.
Après avoir situé le contexte dans lequel la question institutionnelle se pose à la Guadeloupe actuel-
lement, les options seront présentées, puis seront abordés les points particuliers des compétences et
du mode de scrutin.
Ce document a d’abord une ambition pédagogique qui vise à présenter les enjeux et les perspectives
d’une question que je souhaite personnellement porter dans le débat public. A compter de la fin du
mois d’août, je me rendrai dans toutes les communes afin de tenir, en liaison avec les Comités locaux
du projet guadeloupéen, des réunions publiques avec les citoyens afin de présenter les différentes
options possibles et de répondre à toutes les interrogations que suscite cette question institutionnelle.
C’est de la discussion que jaillit la lumière et c’est d’un débat apaisé et approfondi que pourra naître
une majorité, voire un consensus, autour d’un projet que nous soumettrons, Jacques GILLOT et moi-
même, au Congrès des élus départementaux et régionaux, à la fin de l’année 2010 ou au tout début
de l’année 2011. Ce projet sera ensuite soumis au président de la République qui aura à organiser
une consultation des électeurs guadeloupéens pour recueillir leur approbation, très probablement
dans le courant de l’année 2011.
Je vous souhaite une bonne lecture et j’espère vous voir nombreux dans les réunions publiques qui
seront organisées sur tout le territoire.
Victorin LUREL
Président du Conseil régional
Président du Congrès
Table des matières
I. Le contexte! 1
1. Le choix statutaire est fait! 1
2. Le vote des Martiniquais et des Guyanais conforte ce choix! 1
3. La donne a peu évolué, depuis la consultation de 2003! 2
4. Les Guadeloupéens se sont donné 18 mois pour faire des propositions! 3
5. Tout changement des institutions s’inscrirait dans un cadre juridique précis! 3
6. La procédure est balisée! 4
7. Le calendrier doit être soigneusement choisi! 5
II. Les choix possibles! 6
1. Le statu quo reste une option théoriquement possible! 6
La transformation du congrès en établissement de coopération inter-collectivités serait une variante du
statu quo! 7
3. La bidépartementalisation! 9
Le modèle corse pourrait être une variante de la bidépartementalisation! 11
4. La collectivité unique nous rapprocherait de la Martinique et de la Guyane! 12
6. L’application de la réforme «"Balladur"» nécessite très probablement en Guadeloupe une procédure
particulière! 14
6. L’assemblée unique pourrait être une alternative guadeloupéenne à la réforme «"Balladur"»! 16
III. La question des compétences! 19
1. Le contexte politique pèse sur les choix! 19
! i
2. Les transferts ou échanges de compétences possibles doivent être appréhendés au regard des pos-
sibilités et des limites de l’article 73 alinéa 1 et des résultats des consultations de Guyane et de Martini-
que! 19
3. Des scénarii peuvent être imaginés qui sont à analyser au regard des limites constitutionnelles et en
fonction des hypothèses d’évolution institutionnelles décrites ci-dessus! 20
a. On peut imaginer un simple réaménagement des compétences entre région et département!:" 20
b. Des transferts de l’Etat vers les collectivités peuvent aussi être imaginés!:" 22
Ces différents réaménagements ou transferts de compétences doivent être appréciés au regard du type
d’institutions choisies!:" 22
IV. La question du mode de scrutin"et du nombre d’élus! 23
1. Le choix d’un mode de scrutin obéit à plusieurs critères! 23
Les différents modes de scrutin envisageables doivent aussi être appréhendés en fonction des choix
institutionnels! 24
3. La question du nombre d’élus doit être appréhendée à la lumière de la situation spécifique des DOM!
26
IV. La question de l’équilibre des pouvoirs! 27
1. L’équilibre des pouvoirs"au sein de la collectivité peut être recherché en distinguant le président de
l’assemblée et l’exécutif de la collectivité! 27
2. Des mécanismes externes d’équilibre des pouvoirs peuvent aussi être imaginés! 28
! ii
I. Le contexte
1. Le choix statutaire est fait
Les électeurs guadeloupéens ont été consultés, en décembre 2003, sur un projet d’évolution institution-
nelle consistant à créer une collectivité unique se substituant à la région et au département dans le cadre
de l’article 73 de la Constitution. Cette proposition portée par une large partie des élus de Guadeloupe a
été très nettement rejetée par les électeurs!: si l’on exclut les électeurs de Saint-Martin et de Saint-Bar-
thélemy, collectivités qui ne font plus partie de la Guadeloupe, c’est à 75% que les électeurs ont repous-
sé la collectivité unique. On peut donc supposer que, si les Guadeloupéens ont refusé une évolution uni-
quement institutionnelle de leur archipel, a fortiori, ils auraient rejeté au moins aussi clairement une évolu-
tion statutaire aux conséquences beaucoup plus lourdes (d’autant qu’aucun tenant du «!Non!» ne refu-
sait le projet présenté au motif qu’il n’allait pas assez loin).
A la suite de la consultation de 2003, lors des élections régionales de mars 2004, les électeurs ont porté
à la tête de la région une liste conduite par le principal promoteur du «!Non!» à la consultation de dé-
cembre 2003. Leur choix en faveur de la stabilité institutionnelle a donc été confirmé.
Lors des élections régionales de mars 2010, le choix des électeurs s’est encore porté très clairement sur
la liste conduite par l’homme politique qui a exprimé le plus nettement son choix pour un maintien de la
Guadeloupe dans le cadre de l’article 73 de la Constitution. 56, 51 % des électeurs ont voté pour cette
liste face à huit autres listes. A noter que les listes conduites par des défenseurs de l’article 74 n’ont to-
talisé guère plus de 7 % des voix (listes Marc, Nomertin et Plaisir).
2. Le vote des Martiniquais et des Guyanais conforte ce choix
Les exécutifs régionaux en place en Guyane et en Martinique pendant plusieurs mandatures et jusqu’aux
dernières élections régionales avaient tous fait de l’évolution statutaire et institutionnelle de leurs collecti-
vités une priorité. Antoine KARAM et Alfred MARIE-JEANNE n’avaient jamais caché leur choix autono-
miste pour le premier et indépendantiste pour le second.
Les exécutifs départementaux de ces deux territoires, quant à eux, ont pu évoluer sur ce point mais à la
veille des élections régionales, tant Alain TIEN LIONG que Claude LISE avaient clairement pris partie en
faveur d’un statut d’autonomie de l’article 74 de la Constitution.
Ces exécutifs, à la différence des exécutifs guadeloupéens, ont concentré l’essentiel de leur action pen-
dant plusieurs années à la question de l’évolution statutaire et institutionnelle, ceci au détriment peut-être
de l’action dans d’autres domaines. Certains observateurs n’hésitent d’ailleurs pas à affirmer que si la
Guadeloupe a en partie rattrapé son retard sur la Martinique en termes de PIB par habitant, c’est parce
que les collectivités guadeloupéennes sur les 6 dernières années ont axé leurs efforts sur le développe-
ment et ce, malgré un climat social qui reste plus difficile.
Or, bien que la majorité des élus de Guyane et de Martinique aient milité fortement, pendant des années,
en faveur d’un changement de statut, le passage de ces territoires à un statut d’autonomie de l’article 74
de la Constitution proposé par un Gouvernement qui avait peut-être dans l’idée de faire des économies
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 1
budgétaires dans les DFA, a été rejeté très massivement par les électeurs lors de la consultation du 10
janvier 2010. 70% des Guyanais et 79% des Martiniquais ont repoussé ces projets.
En revanche et malgré un taux de participation faible, ces mêmes électeurs guyanais et martiniquais ont
approuvé fortement, le 24 janvier 2010, la fusion de leur région et de leur département en une collectivité
unique regroupant les compétences de la région et du département. Cette option qui avait été rejetée en
Martinique en 2003 a donc finalement été approuvée, début 2010. La stratégie du Gouvernement qui
souhaitait mettre fin au statu quo et qui a astucieusement posé, d’abord une question repoussoir, puis
deux semaines après, la question institutionnelle qui seule l’intéressait réellement a certainement joué
psychologiquement sur les électeurs qui craignaient peut-être une certaine forme d’«!immobilisme!» en
répondant deux fois «!Non!» à quinze jours d’intervalle.
Ces choix des Guyanais et des Martiniquais, même s’ils ne peuvent évidemment pas s’imposer aux
Guadeloupéens qui souhaitent très majoritairement que leur avenir se décide chez eux et non à Paris, à
Cayenne, ou à Fort-de-France, constituent des indices supplémentaires que les populations des DOM
dans leur ensemble ne souhaitent pas s’orienter vers des statuts d’autonomie.
Ils montrent aussi que, dans les DFA tout au moins, la question institutionnelle n’est plus taboue et que
des formes de rationalisation de l’action administrative peuvent être souhaitées par les populations.
Ils prouvent en tout cas que ces populations distinguent assez bien désormais la question statutaire, es-
sentielle, de la question institutionnelle, importante certes, mais secondaire par rapport à la première.
3. La donne a peu évolué, depuis la consultation de 2003
La situation statutaire et institutionnelle de la Guadeloupe n’a pas fondamentalement changé depuis
2003. Sur un plan juridique, la situation aujourd’hui est la même qu’en 2003. Un conseil régional et un
conseil général sont compétents sur un même territoire, avec un congrès des élus départementaux et
régionaux qui s’est réuni régulièrement, depuis sa création par la loi du 13 décembre 2000 (LOOM).
L’évolution la plus importante qu’ont connue les DOM d’un point de vue institutionnel depuis 2003 est
l’adoption de la loi organique du 21 février 2007, relative en particulier à la capacité de dérogation et
d’adaptation des lois, texte sans aucune incidence sur la question du débat statutaire. La révision consti-
tutionnelle du 23 juillet 2008, si elle apporte quelques modifications au régime d’adaptation des lois et
règlements outre-mer, n’a pas d’implication sur le débat institutionnel.
La Guadeloupe reste donc une région monodépartementale et les exécutifs départemental et régional
coopèrent désormais étroitement au bénéfice de la population. Certes, l’acte II de la décentralisation a
fait évoluer les missions des collectivités et entamé leurs marges de manœuvre financières mais la région
et le département de Guadeloupe ont su imaginer des formes originales et adaptées d’exercice en
commun de leurs compétences. Ceci montre que la dualité de collectivités sur un même territoire peut
être gérée sans inconvénient.
Dès lors, on pourrait s’interroger sur la pertinence d’une relance, en Guadeloupe, aujourd’hui, du débat
sur la question institutionnelle. En effet, on sait, à l’expérience que ces débats peuvent mobiliser élus et
administrations pendant des mois au détriment de l’action opérationnelle, la seule véritablement attendue
par les citoyens.
Ce sont les perspectives d’évolution des institutions locales au niveau national, suite au rapport Balladur
et au vote des premiers textes de loi subséquents, et, dans une moindre mesure, les évolutions obser-
vées en Guyane et en Martinique qui peuvent inciter à engager une réflexion sur l’adaptation des institu-
tions de la Guadeloupe à ce nouveau contexte national et régional.
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 2
Encore une fois, cette réflexion ne doit cependant pas reposer sur le postulat que la Guadeloupe serait
contrainte de se caler sur les choix de ses voisins guyanais et martiniquais. Au contraire, peut-être choi-
sira-t’elle des institutions locales les plus proches possibles de celles qui seront mises en place au plan
national.
4. Les Guadeloupéens se sont donné 18 mois pour faire des propositions
A l’heure où les élus guyanais et martiniquais s’affairaient à préparer le changement de statut de leurs
territoires, les élus guadeloupéens, marqués par un mouvement social initié par des personnalités auto-
nomistes et indépendantistes et qui avait paralysé l’archipel pendant 6 semaines avec de terribles con-
séquences sur l’emploi local, se sont réunis en Congrès le 24 juin 2009.
A cette occasion, ils ont exprimé leur préférence pour une réflexion portant d’abord sur le choix du type
de société dont veulent les Guadeloupéens, les questions statutaire et institutionnelle ne devant être, se-
lon eux, que la résultante de ce choix de société.
Aussi ont-ils demandé dans une résolution adressée aux plus hautes instances de l’Etat, que celui-ci
s’abstienne d’engager tout processus d’évolution statutaire ou institutionnel en Guadeloupe, dans un
délai de 18 mois.
Le Président de la République, dans son discours de Petit-Bourg, le 26 juin 2009, a accepté ce choix
des élus guadeloupéens!: «!Vous avez besoin d’en discuter entre vous pendant dix-huit mois. Il va de soi
que c’est mon devoir que d’accepter ce délai pour voir, je l’espère, émerger un consensus entre vous
tous!».
Aujourd’hui, après les élections régionales de mars 2010 qui ont donc vu la victoire très nette d’une liste
menée notamment par les exécutifs régional et départemental sur la base d’un programme élaboré en
commun, on pourrait légitimement s’interroger sur l’opportunité de lancer la Guadeloupe dans un nouvel
exercice de réflexion collective sur un choix de société.
En effet, les conclusions des états généraux de 2009 et le choix sans ambiguïté des électeurs en faveur
d’un programme très complet et abordant très concrètement tous les domaines de l’action publique
pourraient peut-être nous exonérer de cet exercice qui risque de se révéler fastidieux et «!chronophage!».
Les élus auraient pu trouver préférable de centrer, d’une part, leur action sur le redressement économi-
que après la crise de 2009 et, d’autre part, leur réflexion sur la question institutionnelle dans le cadre plus
large des évolutions qui se font jour au plan national dans ce domaine. Toutefois l’engagement pris vis-à-
vis des Guadeloupéens lors du congrès du 24 juin 2009, les a conduits, le 3 juin 2010, à confirmer l’en-
gagement de cette démarche relative au projet de société dont la question institutionnelle sera un des
éléments déterminants.
5. Tout changement des institutions s’inscrirait dans un cadre juridique précis
La situation des DOM et de la Guadeloupe en particulier s’inscrit dans un cadre constitutionnel précis en
ce qui concerne l’évolution de leurs institutions.
En effet, le dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution prévoit que, tant la création d’une collectivité
unique se substituant au département et à la région, que l’institution d’une assemblée délibérante unique
commune à ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli le consentement des élec-
teurs inscrits dans leur ressort.
Cela signifie que même l’application de la réforme envisagée actuellement par le Gouvernement au plan
national ne pourrait trouver application en Guadeloupe sans l’organisation préalable d’une consultation
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 3
des électeurs, dans la mesure où elle reviendrait de fait, à créer une assemblée unique, commune à la
région et au département.
Certains, dans les cabinets ministériels, laissent entendre que la consultation pourrait être évitée, l’as-
semblée ainsi créée n’étant pas unique dans la mesure où elle serait commune à deux collectivités et
qu’il y aurait deux exécutifs.
Cette interprétation résiste difficilement à l’analyse. Le dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution pré-
voit que!«…l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir
sans qu’ait été recueilli….le consentement des électeurs…!». La Constitution prévoit donc précisément
une consultation dans le cas de l’institution d’une assemblée unique pour deux collectivités régionale et
départementale. L’existence de deux collectivités différentes partageant la même assemblée ne peut
donc exonérer de l’organisation d’une consultation des électeurs.
L’argument selon lequel, l’application de la réforme Balladur conduirait à la coexistence de deux exécutifs
distincts n’est pas plus convaincant pour justifier la possibilité de s’affranchir de la consultation. A l’évi-
dence le principe de la séparation des pouvoirs au sein des collectivités trouverait là à s’appliquer. L’exé-
cutif est un attribut de la collectivité et non de l’assemblée. En conséquence, l’existence de deux exécu-
tifs distincts ne peut constituer un argument pour nier le caractère unique d’une assemblée constituée
des mêmes membres, même si elle est appelée à siéger tantôt en formation départementale et tantôt en
formation régionale.
De la même façon, l’argument selon lequel l’assemblée aurait des compétences distinctes selon qu’elle
siège en formation départementale ou en formation régionale n’est pas suffisant pour conclure qu’il
s’agira de deux assemblées distinctes. Les compétences sont davantage attachées à la collectivité per-
sonne morale qu’à son organe délibérant qui n’est que l’instrument de l’exercice des compétences.
Enfin, le fait que la réforme «!Balladur!» soit une réforme nationale et non une réforme spécifique à l’ou-
tre-mer ne permet pas de conclure que la consultation peut être évitée parce qu’elle serait réservée aux
cas où serait envisagée une sortie du droit commun. Le texte constitutionnel est clair.
Or par quoi se caractérise une assemblée délibérante!? Avant tout par sa composition et subsidiairement
par son mode de scrutin. Il est clair que la composition de l’assemblée de Guadeloupe telle qu’elle résul-
terait de l’application de la réforme Balladur conduirait à une composition unique pour le conseil général
et le conseil régional. Il s’agirait donc bien d’une assemblée unique, élue de surcroît selon un seul mode
de scrutin.
6. La procédure est balisée
La Constitution et la loi organique (CGCT) précisent la procédure à suivre pour la mise en œuvre des
évolutions institutionnelles dans les DOM.
L’initiative peut venir soit!:
" - du Président de la République qui, sur proposition du Gouvernement ou des deux assemblées,
conformément aux dispositions de l’article 72-4 de la Constitution, peut décider de consulter les élec-
teurs d’une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses
compétences ou à son régime législatif. A noter que cette consultation est obligatoire (cf. 6), dans le cas
où la question porte sur la création d’une collectivité unique ou l’institution d’une assemblée unique
commune!;
" - du congrès des élus départementaux et régionaux, institution créée, dans les Départements
Français d’Amérique (DFA), par la loi du 15 décembre 2000 dite LOOM (articles L 5915-1 et suivants du
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 4
CGCT), qui peut délibérer «!de toute proposition d’évolution institutionnelle, de toutes proposition relative
à de nouveaux transferts de compétences de l’Etat vers le département et la région concernés, ainsi que
toute modification de la répartition des compétences entre ces collectivités locales!». Les propositions du
congrès, une fois validées par le conseil général et le conseil régional, sont transmises au Premier minis-
tre. Certes du point de vue juridique, l’article 5916-1 qui disposait que le Gouvernement pouvait, au vu
des propositions du congrès, déposer un projet de loi organisant une consultation de la population a été
abrogé, mais sur le plan politique, le Gouvernement peut se sentir tenu d’organiser une telle consultation
si elle résulte d’un choix sans ambiguïté de l’ensemble des élus d’une région et d’un département.
Ensuite, si l’assentiment des électeurs est recueilli sur une question institutionnelle, il appartient au légis-
lateur de mettre en œuvre la réforme. Dans l’hypothèse dans laquelle nous nous situons d’une Guade-
loupe qui reste dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, c’est une loi simple qui fixe les règles.
7. Le calendrier doit être soigneusement choisi
La question du calendrier est essentielle.
Le calendrier d’une éventuelle réforme est triplement contraint!:
" - contraint par le calendrier de la réforme nationale même si l’on pourrait imaginer que la Guade-
loupe et la Réunion restent dans le régime actuel après que les régions et départements de l’hexagone
aient évolué!;
" - contraint par le calendrier électoral!: pour que les choix s’expriment sereinement et traduisent
sans contestation possible l’état de l’opinion, les consultations populaires éventuelles devront être le plus
possible déconnectées du calendrier électoral et les choix proposés devront l’être par des assemblées
locales à la légitimité la plus récente possible. Pour cela, il paraît sage que le congrès entérine ses pro-
positions après le renouvellement partiel du conseil général en mars 2011. Ainsi les deux assemblées
disposeraient à cette date d’une légitimité encore «!fraîche!» ;
" - contraint par le délai de 18 mois demandé par le congrès et que le Président de la République
s’est engagé à respecter mais dont il pourrait se considérer exonéré après l’échéance, soit en janvier
2011.
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 5
II. Les choix possibles
1. Le statu quo reste une option théoriquement possible
Le Président de la République a, à la fois déclaré dans son discours de Petit-Bourg le 26 juin 2009!:!«!S’il
doit y avoir évolution institutionnelle - ce qui sera avant tout votre choix -!…» et affirmé à la CCI Fort-
de-France, lors de la table ronde sur les états généraux de l’outre-mer, le 25 juin 2009, qu’il ne croyait
pas «!que le statu quo soit possible...!».
Il s’agit d’un point de vue que les Guadeloupéens peuvent ne pas partager et sans leur assentiment, au-
cune évolution institutionnelle majeure (collectivité ou assemblée unique) ne peut être engagée.
Certes le Président de la République peut imposer une consultation organisée selon les mêmes modali-
tés que celles organisées récemment en Guyane et en Martinique. Si les Guadeloupéens votent
«!Non!»! à la (ou aux) proposition(s) qui leur seraient faites, le Gouvernement et le Parlement ne pour-
raient, à Constitution constante, modifier les institutions locales.
En effet, si à l’issue de l’approbation d’un projet de réforme institutionnelle par les électeurs, le Gouver-
nement et le Parlement ne sont pas tenus juridiquement de le mettre en œuvre, ils ne peuvent, en re-
vanche, mettre en œuvre un projet de réforme qui n’aurait préalablement pas reçu l’assentiment des
électeurs.
Le Président de la République peut aussi considérer que tant que les élus guadeloupéens n’auront pas
demandé une évolution de leurs institutions, celles-ci peuvent rester dans le statu quo actuel qui, pour
l’instant, ne présente pas d’inconvénient majeur.
En somme, bien que relevant d’un régime d’identité législative de l’article 73 de la Constitution, les DOM
peuvent tout à fait refuser que leur soit appliquée une réforme nationale des institutions. Il s’agit là
d’une sorte de paradoxe qui résulte de la volonté du constituant qui, compte tenu de l’importance du
sujet, a entendu donner le dernier mot au peuple directement.
LES INCONVENIENTS DU STATU QUO
•La coexistence de deux collectivités sur un même territoire a souvent été présentée comme source de
confusion et d’enchevêtrement de compétences entre le département et la région!;
•Elle est également présentée comme difficilement lisible pour le citoyen!;
•Le risque de voir l’exécutif régional en opposition avec l’exécutif départemental peut conduire au blo-
cage de certains dossiers qui nécessitent la mise en œuvre de compétences de deux collectivités!;
•Cette coexistence de deux collectivités sur un même territoire serait à l’origine de gaspillages de fonds
publics!;
•Avec l’évolution qui se profile au plan national, il peut paraître anachronique de camper sur un statut
devenant différent de celui de l’hexagone.
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 6
LES AVANTAGES DU STATU QUO
•La répartition des compétences entre la région et le département étant plutôt claire, le risque de che-
vauchement des politiques est en réalité limité. Il ne subsiste que dans le cas des compétences exer-
cées dans le cadre de la clause générale de compétences (culture, sports…) et peut se régler par une
bonne coordination politique et administrative ce qui est le cas actuellement en Guadeloupe!;
•Le risque de blocage de certains dossiers n’est certes pas nul mais peut également se régler par des
efforts de coordination!;
•Les potentialités d’économies budgétaires issues d’une fusion des deux collectivités sont limitées car,
la répartition des compétences entre la région et le département étant claire, il y a peu de doublons
entre les services et donc peu de postes susceptibles d’être supprimés. Quant à la réduction du nom-
bre d’élus, outre que les demandes de la Guyane et de la Martinique ne se caractérisent pas par une
baisse sensible, il ne faut pas en attendre des économies significatives, le «!coût!» des élus ne repré-
sentant guère plus de 0,5 à 1% dans le budget de la région Guadeloupe par exemple!;
•Le maintien du département et de la région reste malgré tout une garantie pour la Guadeloupe de con-
server un statut de droit commun dans la mesure où, même après l’application de la réforme Balladur,
les départements et les régions continueront à exister au plan national!;
•Psychologiquement, le statu quo est rassurant pour les Guadeloupéens!: cela reste une position claire,
compréhensible, connue, la départementalisation, bien que critiquée par certains, étant, dans l’esprit
de la majorité, associée à l’alignement du droit des DOM sur celui de la métropole!;
•Le statu quo correspond également à une certaine forme d’équilibre des pouvoirs à laquelle les Gua-
deloupéens sont habitués et qui les rassure!;
Pour résumer, on peut considérer que si le statu quo reste une option théoriquement et juridi-
quement possible, il ne semble pas souhaitable dans un ensemble national qui va évoluer.
2. La transformation du congrès en établissement de coopération inter-
collectivités serait une variante du statu quo
Le congrès, institué par la loi du 13 décembre 2000, est une institution sui generis, de niveau législatif
(art. L. 5911-1 CGCT), qui n’a pas de personnalité juridique et qui ne peut être comparée à une collecti-
vité territoriale. Il s’agit d’un mécanisme de dialogue, de travail en commun, même si plusieurs disposi-
tions relatives au fonctionnement du congrès sont directement inspirées de celles applicables aux con-
seils généraux ou régionaux (publicité des séances, ordre du jour, police de la réunion…).
Les compétences actuelles («!rôle!», selon le titre du chapitre pertinent du code) du congrès sont limi-
tées!: seule est mentionnée (L. 5915-1 CGCT) son intervention sur les propositions relatives à «!toute
évolution institutionnelle, à de nouveaux transferts de compétences de l’Etat vers la région ou le dépar-
tement, ou relatives à la modification de la répartition des compétences des collectivités!». L’intervention
du congrès est articulée avec celle du conseil général et du conseil régional qui doivent ensuite en déli-
bérer avant de transmettre l’ensemble des délibérations au gouvernement.
Il paraît possible d’étendre par la loi le champ d’intervention du congrès, par exemple en mentionnant la
coordination de politiques publiques dans certains domaines partagés entre le département et la région
et de mettre ainsi en accord le texte et la pratique.
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 7
Il ne sera pas possible, à droit constant, de transférer des compétences au congrès ou d’imposer des
procédures de décision au conseil général et régional de nature à porter atteinte à leurs attributions ef-
fectives, élément essentiel du principe de libre administration (Cons. const.!8-8-1985 n°85-196!; 19-1-
1988 n°87-241). Ainsi, on ne peut imaginer qu’après délibération du congrès, le conseil général ou ré-
gional soit contraint d’adopter une délibération dans un sens donné, sa compétence étant liée.
En revanche, une piste pourrait être davantage creusée!: celle de la transformation du congrès en éta-
blissement public de coopération inter-collectivités, sur le modèle des Etablissements Publics de Coopé-
ration Intercommunale (EPCI). Dès lors qu’une piste administrative et non politique serait privilégiée, ex-
cluant la désignation au suffrage universel direct, cette perspective pourrait être envisagée sans que le
septième alinéa de l’article 73 soit mis en œuvre (création d’une nouvelle collectivité)!: il ne s’agirait ni
d’une collectivité territoriale se substituant à la région ou au département, ni d’une assemblée commune
à deux collectivités, puisque les deux assemblées délibérantes (conseils régional et général) subsiste-
raient.
Des mécanismes de ce genre existent, y compris depuis 2003 pour faciliter l’exercice en commun de
certaines compétences!: en vue de certains transferts, la possibilité est offerte aux collectivités de s’as-
socier dans un établissement public avant de recevoir ces nouvelles compétences. Mais cette méthode
n’a été employée que pour certains secteurs précis (propriété et gestion des aérodromes civils, des ports
non autonomes, des cours d’eau et canaux et ports intérieurs, immeubles classés ou inscrits cf. loi
n°2004-809 du 13 août 2004). De même, les EPCI à fiscalité propre peuvent recevoir des délégations de
compétences de la part de la région ou du département (L. 5210-4 du CGCT), mais ceci n’est pas direc-
tement utile au débat guadeloupéen. On peut aussi citer l’exemple guadeloupéen «!Routes de Guade-
loupe!» qui donne satisfaction.
Ainsi, si l’on veut approfondir l’utilisation du congrès, une réforme de niveau législatif est nécessaire.
LES INCONVENIENTS DE CETTE OPTION
•Naturellement, cette proposition pourrait être critiquée, le résultat étant directement contraire à une des
prémisses de bases du débat!: la rationalisation et la simplification. Il faudrait en particulier bâtir une
administration pour le congrès-établissement public!;
•Cette proposition reviendrait à ajouter une couche au mille-feuilles administratifs!;
•Elle rendrait plus difficile la lisibilité des institutions par le citoyen!;
•Elle supposerait, pour bien fonctionner, une entente entre les deux majorités du conseil régional et du
conseil général!;
LES AVANTAGES DE CETTE OPTION
•Cette formule constituerait un outil de coordination utile!;
•Elle pourrait permettre une rationalisation de l’exercice des compétences partagées!;
•Elle permettrait la fusion de services pour les compétences qui seraient transférées à l’établissement!;
•Elle maintient un certain équilibre des pouvoirs entre les deux collectivités et leurs exécutifs!;
•Elle est relativement simple à mettre en œuvre.
En conclusion, la transformation du congrès en établissement public est une option qui aurait
pu être considérée à droit national constant. Dans un contexte national d’évolution des insti-
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 8
tutions locales et de recherche de rationalisation, cette option parait compliquée et lourde.
Elle ne recueillerait probablement pas l’assentiment de la population.
3. La bidépartementalisation
La bidépartementalisation consisterait à créer deux départements en Guadeloupe, la région Guadeloupe
devenant donc une région bidépartementale comme plusieurs régions françaises (Alsace, Basse-Nor-
mandie, Haute-Normandie…).
Une telle opération a déjà été conduite avec succès, à deux reprises en Corse!: en 1793 puis en 1976.
En effet, en 1790, la Corse formait un seul département. En 1793, elle a été divisée en deux départe-
ments, le Golo et le Liamone. Réunifiés en 1811, ces deux départements ont à nouveau été séparés en
1976 (loi du 15 mai 1975), à peu prés dans les mêmes limites territoriales mais avec des noms diffé-
rents!: Corse-du-Sud et Haute-Corse.
On peut aussi noter la bi-départementalisation, en 1793, du département de Rhône-et-Loire avec la
création des départements du Rhône et de la Loire qui existent encore aujourd’hui et, plus récemment
en 1968 (loi du 10 juillet 1964), la division des départements de la Seine en quatre départements (Paris,
Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) et de la Seine-et-Oise en trois départements (Yveli-
nes, Essonne, et Val-d’Oise).
La bidépartementalisation ne constitue pas non plus un objet institutionnel non identifié outre-mer. Au
moins deux tentatives de bidépartementalisation de régions d’outre-mer ont pu être observées ces
quinze dernières années.
C’est à la Réunion que le projet est allé le plus loin. Dès la fin des années 80, le député André TIEN A
KOON soutenait cette idée. Puis, en 2000, le projet de loi d’orientation pour l’outre-mer prévoyait la bi-
départementalisation de la Réunion avec deux préfectures, une préfecture de région maintenue à Saint-
Denis et une préfecture de département à Saint-Pierre dans le sud de l’île. Ce projet était soutenu par
une partie de la classe politique réunionnaise ainsi que de l’opinion. Elle avait trouvé dans Jean-Paul VI-
RAPOULLE son principal détracteur. Au cours du débat parlementaire à l’Assemblée nationale, cette op-
tion a finalement été repoussée pour des raisons tenant à l’opposition d’une partie de la population et à
des questions d’ordre juridique!; le premier ministre de l’époque Lionnel Jospin avait alors promis un
texte de loi spécifique avant fin 2001 et un préfet délégué dans le sud, promesses qu’il n’a pas eu le
temps de respecter!!
En Guyane, le député maire de Saint-Laurent-du-Maroni, Léon BERTRAND, dès le début des années 90,
a commencé à soutenir un projet équivalent qui consistait à partager la Guyane en deux départements
dans le sens Est/Ouest avec une préfecture de région maintenue à Cayenne et une préfecture de dépar-
tement créée à Saint-Laurent-du-Maroni. La proposition de loi déposée, en 1999 (proposition AN-1352),
par ce parlementaire et cosignée par le député guadeloupéen Philippe CHAULET, n’a jamais été inscrite
à l’ordre du jour du Parlement.
A la Réunion où la réalité physique du territoire crée de fait deux ensembles assez distincts, le Nord et le
Sud, la bidépartementalisation correspondait à des réalités géographiques et humaines. En Guyane,
l’immensité du territoire, les distances et les réalités historiques et sociologiques qui caractérisent l’Est et
l’Ouest pouvaient également justifier la bidépartementalisation.
En Guadeloupe, cette idée n’a, pour l’instant, été émise que par Alain LESUEUR lors de la campagne
des régionales de mars 2010.
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 9
LES INCONVENIENTS DE LA BI-DEPARTEMENTALISATION
•Il s’agit d’une idée nouvelle en Guadeloupe qui pourrait se révéler difficile à faire adopter par l’opinion
et les élus!;
•Elle symbolise la multiplication des institutions et va donc à rebours des mouvements engagés par le
Gouvernement!;
•La faiblesse de la population pourrait ne pas justifier la création de deux départements, les départe-
ments français ayant en moyenne 600.000 habitants!;
•Elle nécessiterait la création d’une administration départementale nouvelle en Grande-Terre!avec les
surcoûts et les efforts de réorganisation que cela pourrait représenter ;
•Elle nécessiterait le dédoublement de certains services de l’Etat!;
•Elle pourrait être interprétée comme un facteur de division entre Guadeloupéens!: à la Réunion, c’est
notamment cet aspect du sujet qui avait conduit les habitants à manifester autour du slogan «!Coup pa
nou!» (Ne nous séparez pas!!)!;
LES AVANTAGES DE LA BI-DEPARTEMENTALISATION
•La bidépartementalisation serait la solution institutionnelle qui garantirait la situation la plus proche du
droit commun!: la Guadeloupe ne serait plus une région monodépartementale atypique et deviendrait
une région aux institutions identiques aux régions de l’hexagone!;
•Il s’agit d’une solution qui ne nécessite pas de recueillir obligatoirement l’assentiment des électeurs,
même si le souci de démocratie commanderait probablement de le faire
•Elle maintiendrait doublement l’institution départementale!;
•Elle permettrait une meilleure prise en compte des particularités territoriales!et rapprocherait les ci-
toyens des administrations ;
•Par rapport à la collectivité unique ou à l’assemblée unique, elle éviterait probablement les rivalités poli-
tiques liées à la diminution du nombre de mandats car elle aboutirait à la création sur le territoire de
trois assemblées!: un conseil régional et deux conseils généraux, ceci même si l’application de la ré-
forme Balladur réduit le nombre de cantons!:
•Elle permettrait l’application de la réforme nationale sans adaptations!;
•Les réalités géographiques et économiques de la Guadeloupe se prêtent assez bien à sa bidéparte-
mentalisation!: un département pourrait être créé en Basse-Terre (avec les Saintes) qui conserverait la
préfecture de région et un autre département pourrait être créé en Grande-Terre (avec Marie-Galante et
la Désirade) qui verrait la création d’une préfecture de département à Pointe-à-Pitre et éventuellement
une sous-préfecture à Grand-Bourg!;
•La localisation de Baie-Mahault sur la Basse-Terre garantirait un équilibre des richesses entre les deux
départements!;
•La faiblesse de la population de chaque département (190.000 pour la Basse-terre et 211.000 pour la
Grande-Terre) pourrait ne pas constituer un obstacle. Lorsque le Parlement a procédé à la bidéparte-
mentalisation de la Corse en 1976, il a créé un département qui compte aujourd’hui 139.000 habitants
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 10
(la Corse-du-Sud) et un autre (la Haute-Corse) qui en compte 160.000. A noter que 13 départements
français comptent moins de 200.000 habitants!;
Pour conclure, même si la bidépartementalisation est probablement le système qui rapproche-
rait le plus la Guadeloupe du modèle métropolitain, elle parait une option lourde, qui multiplie
les structures plutôt que de les simplifier et de les rationaliser. C’est une option qui peut por-
ter en elle des germes de division inutiles et qui n’a jamais réussi à s’imposer outre-mer. Il
semble donc qu’il faille aussi l’écarter.
3. Le modèle corse pourrait être une variante de la bidépartementalisation
Le modèle corse offre une variante de bidépartementalisation dans le cadre de l’article 72 de la Constitu-
tion. La loi du 13 mai 1991 fait coexister en Corse deux départements et une collectivité territoriale sui
generis qui s’apparente à une région mais qui dispose de compétences et d’une organisation institution-
nelles spécifiques.
La collectivité de Corse se caractérise par l’existence de trois organes institutionnels, un conseil exécutif
de 9 membres élus par l’assemblée (avec possibilité de motion de censure), de l’assemblée de Corse et
du conseil économique et social de Corse. La collectivité exerce des compétences spécifiques principa-
lement en matière de planification dans de nombreux domaines!: économique, culturel, éducatif…
Dans la mesure où ce schéma a pu être retenu pour la Corse qui, davantage que les DOM, devrait se
situer constitutionnellement dans le droit commun puisqu’elle relève de l’article 72 de la Constitution et
non de l’article 73, on pourrait imaginer qu’il soit transposable à la Guadeloupe (avec ou sans bidépar-
tementalisation d’ailleurs).
A contrario, on pourrait aussi supposer que, dans la mesure où l’article 73 de la Constitution subor-
donne, pour les DOM, la création d’une collectivité ou d’une assemblée unique à l’assentiment des élec-
teurs, l’esprit de la Constitution serait, pour prévenir tout risque de décrochage des DOM vis à vis de
l’hexagone, de contraindre davantage les évolutions institutionnelles locales des DOM que celles de la
métropole!: la nécessité, dans les DOM, d’une consultation locale pour l’application de la réforme Balla-
dur, alors qu’elle n’existe pas en métropole, est l’illustration de cet apparent paradoxe.
LES INCONVENIENTS DU MODELE CORSE
•Avec bidépartementalisation, il présente les inconvénients mentionnés plus haut pour cette dernière!;
•Sans bidépartementalisation, il présente les inconvénients du statu quo en termes de coexistence de
deux collectivités sur le même territoire!;
•La création d’une collectivité sui generis avec la mise en œuvre de nouveaux transferts de compéten-
ces, même s’ils sont limités, contient le risque qu’ils soient mal compensés financièrement!;
•L’existence d’un conseil exécutif distinct de la présidence de l’assemblée est un facteur de complexité
institutionnelle dont il reste à expertiser si elle trouve sa compensation en termes d’équilibre des pou-
voirs dans la mesure notamment où les départements coexistent avec la collectivité et constituent
donc une forme de contrepouvoir!;!
•Cette distinction entre exécutif et assemblée et la responsabilité du conseil exécutif devant l’assemblée
peuvent aussi se révéler des facteurs d’instabilité politique du type de celle observée en Polynésie
française!;
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 11
LES AVANTAGES DU MODELE CORSE
•Avec bidépartementalisation, il présente les avantages mentionnés plus haut pour cette dernière!;
•Il existe un précédent qui fonctionne!;
•Sans bidépartementalisation, il permet d’obtenir des adaptations institutionnelles, voire des ajuste-
ments de compétences sans passer à la collectivité unique et en conservant le département!;
•L’existence d’un exécutif distinct de la présidence de l’assemblée est un facteur d’équilibre des pou-
voirs qui peut favoriser une culture démocratique fondée sur la recherche du consensus.
En résumé, le modèle corse présente les mêmes inconvénients que la bidépartementalisation
et, en cela, on peut aussi estimer qu’il n’est pas le plus opportun pour la Guadeloupe. En re-
vanche, le système d’équilibre des pouvoirs qui prévaut au sein de la collectivité de Corse mé-
rite d’être davantage étudié et pourrait, le cas échéant, constituer un modèle duquel s’inspirer
dans l’hypothèse de la création, en Guadeloupe, d’une collectivité ou d’une assemblée unique.
4. La collectivité unique nous rapprocherait de la Martinique et de la Guyane
Cette formule de la collectivité unique, jusqu’à présent envisagée par la Constitution uniquement pour les
DOM (dernier alinéa de l’article 73) pourrait, si le projet de loi actuellement examiné par le Parlement était
finalement adopté, devenir une possibilité étendue aux régions de l’hexagone et aux départements qui
les composent qui pourraient décider de fusionner en une unique collectivité à statut particulier.
La collectivité unique telle qu’elle a été présentée aux Guyanais et aux Martiniquais, lors de la consulta-
tion du 24 janvier 2010, ne serait, tout au moins en ce qui concerne ses compétences, que l’addition
d’une région et d’un département.
Il subsiste cependant une ambiguïté entre les différents partisans de la collectivité unique. Certains com-
prennent qu’elle n’est et qu’elle ne doit être que cette simple addition pour éviter de décrocher du droit
commun et d’avoir à supporter de nouveaux transferts de compétences mal compensés. Cela semble
être la position des élus du conseil régional de Guyane actuel.
D’autres, en revanche, qui auraient pu se laisser tenter par un passage à l’article 74 mais qui se sont ral-
liés au maintien dans l’article 73 par réalisme politique, voient dans la collectivité unique l’occasion
d’exercer de nouvelles compétences. C’est la position exprimée par le nouvel exécutif régional martini-
quais.
Cette dernière vision peut trouver des limites constitutionnelles!:
" - d’une part l’article 73 subordonne clairement les possibilités d’adaptation aux DOM des lois et
règlements à l’existence de caractéristiques et contraintes particulières!;
" - d’autre part la question posée le 24 janvier 2010 aux Guyanais et aux Martiniquais portait bien
sur l’approbation de la création d’une collectivité regroupant les compétences de la région et du dépar-
tement (Approuvez-vous la création, en Guyane/Martinique, d’une collectivité unique exerçant les com-
pétences dévolues au département et à la région tout en demeurant régie par l’article 73 de la Constitu-
tion!?). Il pourrait être jugé non conforme à la Constitution la création, après cette consultation, d’une
collectivité dont les compétences seraient sensiblement plus larges que la seule addition des compéten-
ces d’une région et d’un département.
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 12
LES INCONVENIENTS DE LA COLLECTIVITE UNIQUE
•Le principal inconvénient avancé par les détracteurs de la collectivité unique est qu’elle constitue un
décrochage par rapport au droit commun. La collectivité unique ne sera ni une région, ni un départe-
ment. Pour beaucoup attachés au département comme symbole de progrès économique et social et
comme garantie d’égalité des droits avec l’hexagone, la disparition du département présente un ris-
que. Même si la question posée aux électeurs de Guyane et de Martinique précisait bien que la collec-
tivité unique qu’il leur était demandé d’approuver exercerait les compétences de la région et du dépar-
tement, il serait abusif d’en déduire que le département continuera d’exister dans le sein de la collecti-
vité unique. Il est même permis de s’interroger sur l’interprétation du résultat de cette consultation que
pourraient faire, les élus de Guyane et de Martinique d’une part, le Gouvernement et le Parlement d’au-
tre part et le Conseil constitutionnel enfin, dans le traitement qu’ils réserveront au projet de loi simple
qu’ils vont devoir respectivement négocier, rédiger, voter puis éventuellement juger. Le risque politique
existe en effet que des élus tentent de confisquer le vote des électeurs et de faire passer, dans la loi
simple, les projets de plus grande autonomie repoussés par la population ceci avec la complaisance
d’un Gouvernement et d’un Parlement qui ne refuseront pas les occasions d’économies budgétaires
dans le contexte d’une possible absence de saisine du Conseil constitutionnel!;
•La création à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy d’une collectivité unique, certes dans le cadre de l’ar-
ticle 74 de la Constitution, a montré que l’Etat était toujours prêt à transférer des compétences aux
collectivités d’outre-mer sans juste compensation financière. La création d’une collectivité unique dans
le cadre de l’article 73 présente moins de risque à cet égard mais on peut faire confiance à Bercy pour
imaginer des suppressions de crédits ou des réductions de dotations!;
•Un autre inconvénient majeur de la collectivité unique est qu’elle rompt un équilibre des pouvoirs qui a
fait ses preuves pendant plusieurs décennies. La concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul
exécutif présente en effet, dans une petite collectivité, des risques de dérives. En effet, on a déjà ob-
servé outre-mer, des personnalités politiques, élues sur la base d’une plate-forme républicaine rassu-
rante soudain gagnées par le goût d’aventures institutionnelles pouvant servir leurs ambitions politiques
personnelles. En Guadeloupe, de telles tentations se sont exprimées, il n’y a pas si longtemps. La co-
existence de deux collectivités rend plus difficile l’occurrence d’un tel risque. On peut répondre à cette
réserve que, dans une collectivité unique, des mécanismes peuvent être prévus pour équilibrer les
pouvoirs (exécutifs et présidence de l’assemblée délibérante différents…). Certes, mais ces mécanis-
mes altèrent grandement les avantages de la collectivité unique en termes d’efficacité politique et ad-
ministrative!: en effet, si la coordination se passe mal entre l’exécutif et l’assemblée, les dysfonction-
nements touchent une grande partie de l’activité publique locale et leurs conséquences peuvent être
pires pour le territoire et sa population que lorsque deux collectivités aux compétences bien réparties
comme la région et le département aujourd’hui se coordonnent mal!;
•Enfin, la mise en place d’une collectivité unique prendrait au moins trois à quatre ans et que l’économie
guadeloupéenne n’a pas besoin, après la crise de 2009, d’administrations ralenties par leur propre
processus de réorganisation!: il convient en effet de comparer les avantages que pourraient tirer à
terme la population et les entreprises de la meilleure lisibilité de l’action administrative locale résultant
de la création d’une collectivité unique aux inconvénients immédiats d’une désorganisation provisoire
des services.
LES AVANTAGES DE LA COLLECTIVITE UNIQUE
•Le principal avantage de la collectivité unique est la plus grande lisibilité pour les citoyens et les entre-
prises de l’action publique. On peut en effet considérer que certains citoyens ont actuellement du mal
à savoir de quelle collectivité telle ou telle question relève!;
•La collectivité unique présente aussi l’avantage important d’une unicité de politique qui garantit une
meilleure cohérence de l’action publique!;
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 13
•Le projet de loi en cours d’examen par le Parlement et récemment adopté par le Sénat prévoit la pos-
sibilité, pour une région et les départements qui la composent de fusionner en une unique collectivité à
statut particulier. Si cette possibilité était finalement adoptée, elle rendrait la formule de la collectivité
unique moins dérogatoire au droit commun national et pourrait paraître moins risquée aux électeurs
guadeloupéens!;
•On peut également espérer de la création d’une collectivité unique une certaine rationalisation de l’ac-
tion publique locale. A priori, les choix devraient être plus clairs et les arbitrages plus faciles à rendre
dans une collectivité qui détient l’essentiel des compétences, que quand il faut que deux collectivités
négocient et se coordonnent!;
•Même si elles seront forcément limitées, on peut attendre de la collectivité unique quelques économies
administratives, notamment en ce qui concerne les postes de directeurs des fonctions supports de la
collectivité!: il n’y aura plus qu’un directeur financier, plus qu’un directeur des ressources humaines,
plus qu’un directeur informatique et non plus deux. Le nombre d’élus pourrait aussi être légèrement
réduit. Toutefois, toutes les analyses montrent que ces économies resteraient très marginales par rap-
port à l’addition des budgets des deux collectivités actuelles!;
•La création d’une collectivité unique en Guadeloupe pourrait présenter l’avantage d’aboutir à une si-
tuation institutionnelle identique en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique. Pour le Gouvernement,
cette situation serait plus simple à gérer et éviterait de multiplier les statuts. Cet avantage est toutefois
tempéré par l’observation des évolutions encore récentes de l’outre-mer français qui se caractérisent
par une diversité de plus en plus grande des situations statutaires. De plus, l’harmonisation complète
des institutions des collectivités françaises des Caraïbes a déjà été rendue impossible par l’option prise
par Saint-Martin et Saint-Barthélemy d’adopter un statut de l’article 74 de la Constitution.
En somme, la collectivité unique apparait comme un système intéressant du point de vue de
son efficacité à moyen terme. Il présente cependant l’inconvénient majeur de faire disparaitre
le département et la région, institutions qui symbolisent l’identité législative et l’égalité avec
l’hexagone. C’est une option à mettre en débat, même si, on le verra plus bas, celle de l’as-
semblée unique apparait plus équilibrée et mieux adaptée au contexte socioculturel guade-
loupéen.
6. L’application de la réforme «"Balladur"» nécessite très probablement en
Guadeloupe une procédure particulière
La réforme des institutions locales, actuellement menée au plan national avec la promulgation d’une
première loi (raccourcissement des mandats), l’examen en cours par le Parlement d’un second projet
(création du conseiller territorial, mode de scrutin et clarification des compétences) et le dépôt d’un troi-
sième projet relatif à la coopération inter-collectivités pourrait conduire, dans les régions pluri-départe-
mentales, à la création d’un conseil régional composé uniquement de conseillers territoriaux siégeant
dans les conseils généraux. Afin d’éviter de créer des conseils régionaux aux effectifs trop élevés, il est
prévu de réduire très sensiblement le nombre de membres des conseils généraux. Le scrutin initialement
envisagé était un scrutin mixte à un tour alliant des scrutins uninominaux dans un nombre fortement ré-
duit de cantons et des scrutins de liste à la proportionnelle. Finalement, c’est un scrutin uniquement uni-
nominal à deux tours qui a été récemment adopté par l’Assemblée Nationale.
Dans les DOM, l’application d’une telle réforme conduirait à l’institution d’une assemblée délibérante uni-
que, commune à la région et au département.
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 14
Dès lors, il paraît très probable (cf. ci-dessus) que le dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution trou-
verait là à s’appliquer et, qu’alors qu’en métropole la consultation des électeurs ne serait pas nécessaire
pour la mise en place de la réforme, dans les DOM, l’assentiment des électeurs devrait être recueilli.
C’est pour cette raison que le Gouvernement a répondu favorablement à la proposition du député-prési-
dent du conseil régional de Guadeloupe Victorin LUREL d’exclure du champ du texte les DOM!: la
Guyane et la Martinique parce qu’elles devraient faire l’objet d’une loi spécifique suite à l’approbation par
les électeurs du projet de collectivité unique, la Guadeloupe parce que ses élus ont demandé 18 mois
pour émettre des propositions et la Réunion qui pourrait aussi faire l’objet d’adaptations.
LES INCONVENIENTS DE LA REFORME BALLADUR
•L’inconvénient majeur de cette réforme réside dans le mode de scrutin envisagé. Tel qu’il a été adopté
par l’Assemblée Nationale, le scrutin prévu ne garantit pas la représentation de la pluralité des opinions
car il n’est assis que sur une base territoriale!et transforme la région en une collectivité «!cantonalisée!»
;
•Elle présente l’inconvénient inhérent à l’assemblée unique de rompre l’équilibre des pouvoirs actuelle-
ment en place!;
•Cette réforme, sauf à envisager une adaptation aux DOM qui supprimerait l’interdiction du cumul des
mandats de président de conseil régional et de président de conseil général conduirait à une situation
singulière où la même assemblée pourrait être présidée par deux présidents distincts selon qu’elle
siège en formation régionale ou en formation départementale et verrait ses délibérations appliquées par
deux exécutifs également distincts. Même si certains pourraient voir là une forme d’équilibre des pou-
voirs, il reste que les objectifs de lisibilité pour la population et de simplification des institutions ne se-
raient pas atteints!;
•Certains pourraient considérer que l’application de la réforme «!Balladur!» à la Guadeloupe constituerait
une différenciation inutile entre les statuts de la Guyane et de la Martinique d’une part et celui de la
Guadeloupe d’autre part. On pourrait rétorquer que, depuis quelques années, la Guadeloupe, dans
ses choix institutionnels et statutaires a eu tendance à se rapprocher davantage de la Réunion qui, de-
puis longtemps, privilégie l’action en faveur du développement et souhaite rester le plus possible dans
le droit commun national que de la Guyane et de la Martinique dont les élus sont, depuis de nombreu-
ses années, focalisés sur les questions statutaires et institutionnelles. Même si l’on ne peut préjuger
l’option que prendront finalement les Réunionnais, il n’est donc pas exclu de voir apparaître une nou-
velle dichotomie entre les DOM fondée non plus sur des critères géographiques (DFA d’une part et
Réunion d’autre part) mais sur des différences d’approches institutionnelles (Guadeloupe/Réunion
d’une part et Guyane/Martinique d’autre part) ce qui constituerait un phénomène inattendu pour l’ou-
tre-mer français. A noter d’ailleurs que des exemples de différenciation!entre les textes applicables aux
DOM existent!: c’est le cas notamment en matière de police des étrangers.
LES AVANTAGES DE LA REFORME BALLADUR
•Le principal avantage de l’application de la réforme «!Balladur!» serait le maintien clair de la Guade-
loupe dans le droit commun!;
•L’assemblée unique, comme la collectivité unique, présente aussi l’avantage important d’une unicité de
politique garantissant une meilleure cohérence de l’action publique!;
•Un autre avantage important serait le maintien du département qui symbolise pour les Guadeloupéens
un traitement juridique identique entre la Guadeloupe et la métropole!;
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 15
•L’application du droit commun permettrait d’éviter un projet de loi spécifique pouvant servir aussi à im-
poser à la Guadeloupe des transferts de compétences mal compensés ;
•Le maintien de la région et du département en tant que collectivités rendrait plus difficile la remise en
cause des concours financiers de l’Etat à ces deux collectivités que dans l’hypothèse de la création
d’une collectivité unique!;
•La réforme «!Balladur!» présenterait en outre l’avantage d’introduire de la cohérence dans l’action ad-
ministrative dans les DOM en évitant l’éventuelle opposition des assemblées régionale et départemen-
tale!;
•Certains pourraient voir aussi dans la coexistence de deux présidents de la même assemblée et de
deux exécutifs une forme d’équilibre des pouvoirs!;
Au total, la réforme «!Balladur!», si elle présente l’avantage de ne pas rompre l’identité institu-
tionnelle avec l’hexagone porte en elle plusieurs inconvénients majeur (mode de scrutin, dou-
ble exécutif et effectif de l’assemblée) qui conduisent à proposer de l’écarter pour la Guade-
loupe.
6. L’assemblée unique pourrait être une alternative guadeloupéenne à la
réforme «"Balladur"»
L’assemblée unique est une option institutionnelle prévue à l’article 73 de la Constitution. Elle peut être
proposée aux Guadeloupéens par le Président de la République ou bien en réponse à une sollicitation du
congrès indépendamment de la mise en oeuvre de la réforme Balladur. Elle nécessite le recueil préalable
de l’assentiment des électeurs guadeloupéens.
L’assemblée unique, commune à la région et au département, n’est pas, dans son principe, une innova-
tion institutionnelle. En effet, ce type d’institution existe déjà en droit français avec le conseil de Paris. A
Paris coexistent sur un même territoire la commune de Paris et le département de Paris (75)!:
•Le conseil de Paris est l’assemblée unique, commune à ces deux collectivités. Le conseil
de Paris, dans une même séance, siège tantôt en conseil municipal de la commune de
Paris et tantôt en conseil général du département de Paris!(une cloche retentit lorsque l’as-
semblée passe de l’une à l’autre de ses formations) ;
•Le conseil de Paris vote un budget communal et un budget départemental!;
•Il dispose d’une administration unique, commune à la commune et au département!;
•Les compétences du conseil de Paris et de son exécutif sont l’addition des compétences
d’une commune et d’un département avec toutefois quelques différences!: par exemples, il
n’y a pas véritablement de distinction en matière de réseau routier et la commune verse
une contribution au département pour l’aide sociale!;
•Le maire est également déchargé de ses pouvoirs de police au profit du préfet de police
nommé par l’Etat qui, d’une certaine manière est un second exécutif de la commune pour
les affaires de police.
#
Ce mécanisme institutionnel bien rodé fonctionne de manière satisfaisante depuis des décennies. On
pourrait donc sans risque excessif l’expérimenter en Guadeloupe.
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 16
Il se rapproche fortement de ce que pourrait donner, dans les DOM, la réforme Balladur. Les principales
différences pourraient porter sur le mode de scrutin, sur l’équilibre des pouvoirs entre les exécutifs régio-
nal et départemental et l’assemblée ainsi que sur sa procédure de mise en œuvre. En effet, dans le cas
de l’application de la réforme Balladur, il s’agirait d’adapter à la Guadeloupe une réforme nationale alors
que, dans le cas de l’assemblée unique, l’initiative pourrait venir des élus de Guadeloupe qui pourraient
proposer un type d’assemblée unique adaptée aux caractéristiques et contraintes particulières à la Gua-
deloupe. Les deux démarches qui peuvent aboutir à des résultats proches sont cependant distinctes
dans leur philosophie.
LES INCONVENIENTS DE L’ASSEMBLEE UNIQUE
L’assemblée unique pourrait être critiquée par certains en tant qu’elle constituerait une rupture!avec
l’équilibre des pouvoirs existants auquel les Guadeloupéens sont habitués. Pour lever cette critique, il
conviendrait de prévoir un mécanisme crédible de contrepouvoirs entre l’assemblée et le ou les exécutifs
régional et départemental!;
Si la réforme «!Balladur!» n’était finalement pas mise en œuvre au plan national (éventualité d’une remise
en cause par la gauche si elle arrivait au pouvoir en 2012), elle placerait la Guadeloupe dans une situa-
tion distincte du droit commun. Pour parer toute éventuelle critique à ce sujet, il est possible d’adapter le
calendrier et de rester dans le statu quo en attendant 2012!;
Elle pourrait être critiquée pour les mêmes raisons de différenciation qui pourrait être jugée inutile entre
les situations institutionnelles de la Guadeloupe d’une part, et de la Guyane et la Martinique d’autre part
(mêmes remarques que ci-dessus pour la réforme «!Balladur!»)!;
L’assemblée unique ne permet pas l’adoption d’un seul budget car les deux collectivités continuant à
exister, deux budgets doivent être votés, le budget étant un attribut non fongible de tout collectivité per-
sonne morale. Ceci est toutefois un inconvénient mineur voire un avantage en cas de volonté de revenir
au statu quo.
LES AVANTAGES DE L’ASSEMBLEE UNIQUE
L’assemblée unique a pour principal avantage de maintenir la Guadeloupe, réforme «!Balladur!» ou pas,
dans une situation proche du droit commun ce qui répond à une préoccupation régulièrement exprimée
par les Guadeloupéens dans leurs votes!;
L’assemblée unique présente aussi comme avantage important le maintien du département, institution
qui symbolise pour les Guadeloupéens l’égalité et un traitement juridique identique entre la Guadeloupe
et la métropole!;
En cas de remise en cause de la réforme «!Balladur!» en 2012, la Guadeloupe conserverait, avec l’as-
semblée unique, le département et la région ce qui ne serait pas le cas avec la collectivité unique!;
Par rapport à l’application adaptée de la réforme «!Balladur!», l’assemblée unique peut être d’initiative
locale!;
Ainsi un mode de scrutin spécifique et un effectif de l’assemblée, adaptés aux caractéristiques et con-
traintes particulières de la Guadeloupe peut être plus facilement négocié!;
De même, des mécanismes d’équilibre des pouvoirs originaux peuvent être proposés!;
L’assemblée unique n’est pas un saut dans l’inconnu. Il existe le précédent du conseil de Paris qui fonc-
tionne bien!;
La réforme territoriale en Guadeloupe - Enjeux et perspectives! 17
Le maintien de la région et du département en tant que collectivités et donc de leur budget rendrait plus
difficile la remise en cause des concours financiers de l’Etat à ces deux collectivités que dans l’hypo-
thèse de la création d’une collectivité unique!spécifique ;
Ce maintien permettrait aussi d’éviter plus facilement que dans l’hypothèse de la création d’une collecti-
vité unique spécifique, la tentation pour le Gouvernement d’opérer des transferts de compétences mal
compensés financièrement!;
L’assemblée unique ne suppose pas la fusion immédiate des services qu’impose la collectivité unique.
Cette fusion, si elle est souhaitée peut se faire au rythme choisi et ne paralyse pas la collectivité pendant
des années le temps qu’elle mette ses nouveaux services en ordre de marche!;
Au total, l’option de l’assemblée unique apparait comme la solution la plus prudente et la plus
équilibrée. Elle permet une rationalisation politique et administrative sans faire disparaitre le
département et la région en tant que collectivités. C’est une option proche de ce qui aurait
résulté de l’application de la réforme «!Balladur!» mais bien mieux adaptée au contexte guade-
loupéen.
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