Monsieur le président du Conseil général,
Monsieur le président du Conseil économique et social régional,
Monsieur le président du Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement,
Mesdames et messieurs les conseillers régionaux, chers collègues,
Monsieur le payeur régional,
Mesdames et messieurs les invités,
Mesdames et messieurs,
Le 26 octobre 2004, il y a presque 6 ans jour pour jour, j’ai prononcé ici même, dans cet hémicycle, un discours de politique approfondie dont l’ambition était de fixer un cap, de tracer un
chemin et de donner un sens au mandat que les Guadeloupéens nous avaient confié à une très forte majorité quelques mois auparavant.
Cela peut sembler loin de nous aujourd’hui, mais dans ce discours figuraient notamment l’annonce de la création de l’Ecole de la deuxième chance, la promesse de construire un câble sous-marin à
haut débit, l’engagement de connecter l’ensemble des lycées au haut débit ou encore la volonté de doter chaque lycéen entrant en seconde d’un ordinateur portable. J’y annonçais également le
développement du pôle basse-terrien de l’Université au Camp Jacob, la construction d’un lycée à Port-Louis, le lancement de plusieurs chantiers en matière de formation professionnelle qui ont
ensuite regroupés au sein du projet « Cité de la connaissance », mais aussi la création d’un dispositif d’emplois-tremplins pour inciter les entreprises à embaucher des jeunes en
CDI.
Enfin, je m’engageais devant la Guadeloupe à redresser les finances régionales lourdementr handicapées par un déficit et un endettement colossaux, je m’engageais à restaurer un fonctionnement
démocratique de notre institution et je m’engageais à faire de l’éducation et de la formation une priorité absolue.
Je me permets ces rappels, car six ans après, tous ces engagements et ces projets figurent à notre bilan.
De promesses, ils sont devenus des réalisations, ce qui démontre qu’un tel discours n’est pas un simple exercice oratoire. C’est un pacte conclu avec les citoyens. C’est un contrat entre le
peuple et ses représentants.
Et, si je reviens devant vous aujourd’hui pour prononcer un nouveau discours de politique approfondi, c’est parce qu’en mars dernier, les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens ont très massivement
choisi de nous renouveler leur confiance, et ce dès le premier tour.
En 2010, nous sommes assurément dans la continuité des valeurs qui nous ont animés depuis 2004 – l’humanisme, la justice, l’égalité, la solidarité, la laïcité, le volontarisme, la rigueur et
l’exemplarité.
Pour autant, les enjeux de ce deuxième mandat nous commandent de prendre un nouvel élan et d’adapter notre cap au contexte particulier dans lequel nous évoluons aujourd’hui.
La victoire de mars, pour laquelle nous n’aurons probablement jamais assez remercié les électeurs, a en effet été l’expression d’immenses espoirs. Des espoirs qui, par-delà toute autre
considération, nous obligent.
L’espoir, notamment, que la Guadeloupe n’est pas condamnée à des fatalités absurdes qui brident ses talents, ses élans et ses réussites. Fatalité du chômage de masse ; fatalité de la
violence faite aux personnes, aux femmes en particulier, et aux biens ; fatalité de l’exclusion, notamment pour une partie de notre jeunesse ; fatalité de l’accroissement des
inégalités ; fatalité des antagonismes entre les différentes composantes de notre société si riche et si diverse ; fatalité, pour tout dire, de l’échec.
Durant les longues semaines de la campagne électorale, j’ai parcouru la Guadeloupe. J’ai rencontré et écouté des femmes et des hommes de tous horizons, de toutes confessions et de toutes origines
qui, tous, voulaient précisément croire qu’il n’y avait de fatalité ni dans la situation de notre Guadeloupe, ni dans leur situation personnelle.
Si je me suis engagé en politique, il y a plus de 22 ans, à gauche, dans la grande famille socialiste et sociale-démocrate, c’est précisément parce que je crois qu’il n’existe en réalité qu’une
seule catégorie de fatalités : celles auxquelles on se résout sans les combattre. Il faut répéter et se souvenir de cette phrase de Satrtre : « L’important, ce n’est pas ce qu’on a
fait de nous. L’important, c’est ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous ».
Le message que nous avons exprimé avec notre liste « Tous pour la Guadeloupe », c’était donc cela : nous disposons en nous-mêmes des talents, des forces et des énergies dont nous
avons besoin pour progresser, pour nous développer et pour offrir un avenir meilleur à nos enfants. Ce qu’il nous manque, c’est de savoir unir ces talents, ces forces et ces énergies. Ce qu’il
nous manque, ce sont des ferments d’unité. Trop de méfiances, trop de querelles hélas entretenues, trop d’égoïsmes et de réflexes imbéciles et, j’ose le dire, trop de temps passé à rejeter la
responsabilité de nos difficultés sur d’autres, nous ont précisément fait perdre un temps précieux en nous empêchant de faire avancer la Guadeloupe dans le même sens, dans le bons sens.
L’homme politique que je suis, conscient de sa responsabilité devant l’histoire, ne s’est jamais résolu à perpétuer cela. Notre rôle à nous, pouvoirs publics, est de créer les conditions
optimales pour permettre à chacun de se réaliser et d’aller au bout de ses projets. Mais, nous avons le devoir de faire davantage dans une Guadeloupe si diverse qu’elle en oublie parfois d’être
unie. Nous avons le devoir d’être des ferments d’unité. Nous avons le devoir de répéter inlassablement que nous n’arriverons jamais à rien de durable et de juste si nous ne travaillons pas
ensemble : l’ouvrier et le patron, « blanc pays », « nèg », « zindien » syrien et libanais, le professeur et l’élève, l’élu et l’électeur, l’Etat et les
collectivités, la majorité et la minorité.
Ce pays, nos parents l’ont construit ensemble et ils nous l’ont légué pour le faire prospérer avec ceux qui, en chemin, viennent à nous, en nous apportant leur richesse et leurs talents. Ce pays,
ils ne nous l’ont pas légué pour nous perdre en querelles stériles de propriété ou en procès en responsabilités.
« Mettre la société en mouvement », avons-nous donc dit durant la campagne. « Faire émerger une société de projets ». C’est bien la philosophie de l’action volontariste et
progressiste qui nous animera tout au long des quatre prochaines années, en ayant une conscience aiguë des turbulences politiques, économiques, sociales, sociétales, culturelles,
anthropologiques, voire ontologiques, dans lesquelles se meuvent notre archipel et les grands ensembles auxquels il appartient : la Caraïbe, la France, l’Union européenne et au-delà le
monde.
En effet, la crise est là. A la fois mondiale, nationale et locale. Cette triple crise était d’ailleurs manifeste bien avant les secousses du début de l’année 2009. Et nous devons avoir à
l’esprit combien, par-delà l’expression légitime d’une colère sociale, la paralysie de notre pays et de notre économie 44 jours durant a contribué à aggraver la situation de crise que le
mouvement social prétendait pourtant vouloir résoudre.
Bien sûr, il y a eu des avancées en matière de pouvoir d’achat et les collectivités locales ont d’ailleurs pesé pour les soutenir financièrement et politiquement. Mais, tout bilan a sa part
d’ombre, y compris celui de ce mouvement-là.
Plus de 11.000 emplois perdus en un an, même s’il s’en est créé depuis lors, des millions d’euros de pertes fiscales enregistrées par les collectivités locales – communes, région, département –
et surtout ce chiffre tout simplement terrifiant, celui de la contraction en volume de notre PIB: - 6,3% en 2009, selon la lettre de l’IEDOM du mois de juillet. Et si après cette annus horibilis,
l’IEDOM se risque à entrevoir une légère amélioration en 2010, celle-ci est jugée timide, fragile et sans effet significatif dans la lutte contre le chômage.
A cette crise locale, s’ajoutent hélas les conséquences désastreuses de la politique actuellement menée par le gouvernement, aussi bien au niveau national qu’en direction des
outre-mers :
une politique qui asphyxie financièrement les collectivités territoriales en les privant délibérément de tout pouvoir fiscal, en transférant des compétences sans compensations suffisantes, en
gelant les dotations et en les contraignant à la rigueur et à la diète alors que 75% des investissements publics sont réalisés par les collectivités locales qui investissent aujourd’hui 6
fois plus que l’Etat ;
une politique qui s’attaque à un acquis social fondamental : la retraite à 60 ans, qui est – disons-le ! – le patrimoine de ceux qui n’en ont pas et qui vaut – oui ! – de se
mobiliser ce mardi pour la défendre ;
une politique qui s’est attaquée et qui va s’attaquer encore, dans les toutes prochaines semaines, aux niches fiscales qui, pour celles concernant nos territoires, sont avant tout des incitations
à l’investissement qui sont importantes dans l’attractivité de notre territoire, comme par exemple l’exonération de charges patronales sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC dont on évoque une
possible suppression ;
une politique qui, à l’inverse, maintient la plus scandaleuse et la plus injuste des niches : ce bouclier fiscal qui consiste essentiellement à donner plus à ceux qui ont déjà le
plus ;
une politique qui laisse sans moyens les services publics les plus essentiels tels que l’hôpital, mais aussi – nous en mesurons les conséquences dans le contexte actuel d’épidémie de dengue – la
lutte anti-vectorielle qui sont pourtant compétences d’Etat ;
une politique qui conduit donc l’Etat désargenté à faire les poches de nos collectivités pour financer nombre de projets qui, pourtant, relèvent de ses compétences, comme c’est le cas pour
l’Université ;
une politique qui devait se traduire par la mise en œuvre de mesures spécifiques pour les outre-mers à travers la LODEOM, puis à travers le « paquet » CIOM, dont on attend en définitive
depuis des mois bon nombre de décrets d’application, sans même évoquer des mesures comme le Fonds d’investissement de proximité, FIP-DOM passées tout simplement aux oubliettes ;
une politique, enfin, qui prétend poursuivre une relance dans la rigueur, une « ri-lance » censée préserver les dépenses d’avenir et de croissance, et qui est aujourd’hui jugée
dangereusement récessive par plusieurs économistes internationaux.
Ce gouvernement faible devant les plus forts et fort avec les plus faibles, doux avec riches, dur avec les pauvres, a, de plus, fait le choix de verser dans une surenchère sécuritaire qui ne peut
que heurter mon identité profonde de républicain, d’humaniste et d’ultramarin. De la proposition de renforcer les cas de déchéance de la nationalité, créant ainsi deux catégories de citoyens et
des apatrides, à la stigmatisation inadmissible des Roms, il y a là des errements qui ne peuvent nous laisser indifférents, nous si sensibles aux discriminations. Même Benoît XVI s’en est
ému !
Tout cela crée un climat qui nous éloigne de la République multiculturelle et métissée que la France peut et doit incarner dans le monde, grâce notamment aux apports des outre-mers. Je pense
évidemment qu’il faut lutter contre l’insécurité, aussi bien par une prévention efficace que par une juste répression. Le droit à la sécurité est un droit de l’homme. Mais, je crois que le
gouvernement serait mieux inspiré pour cela, par exemple, de stopper la diminution des effectifs de police, notamment en Guadeloupe, de donner les moyens matériels que réclament les forces de
l’ordre afin de remplir correctement leurs missions et, pourquoi pas, accepter de relancer dans les quartiers une police urbaine de proximité.
Enfin, il me reste à évoquer un dernier choix politique de ce gouvernement, qui pèsera fortement sur notre action, car il nous oblige à véritablement réfléchir, et sans attendre, à une
évolution de nos institutions : c’est la réforme en cours des collectivités territoriales.
Cette réforme initiée en 2008 par le chef de l’Etat doit trouver sa traduction législative définitive dans l’Hexagone d’ici à la fin de l’année. Après de longs débats qui sont très loin d’avoir
permis de dégager un consensus, il semble cependant acquis que les élus départementaux et régionaux seront remplacés par des conseillers territoriaux.
La volonté du gouvernement est aujourd’hui claire : il s’agit de mettre en œuvre partout où cela possible cette réforme qui vise à réduire le nombre d’élus locaux et qui, plus
officieusement, affaiblit les régions sans doute coupables d’être, dans leur quasi-totalité, administrées par la gauche.
J’ai eu à le dire plusieurs fois : je ne crois pas que la mise en œuvre d’une telle réforme constitue une urgence. Ni dans l’Hexagone, et encore moins chez nous car, chacun le mesure, nos
urgences sont aujourd’hui davantage économiques et sociales.
Pour autant, la question n’est plus de savoir s’il y doit y avoir une évolution de nos institutions. Le gouvernement a décidé qu’elle aurait lieu. Ce choix du gouvernement s’impose à nous. Dès
lors, la question est donc plutôt de savoir quelle évolution doit résulter de la mise en œuvre chez nous de la réforme des collectivités territoriales.
Appliquer mécaniquement la réforme qui entrera en vigueur dans les régions pluridépartementales dans l’Hexagone reviendrait à créer chez nous une assemblée délibérante unique dont les élus
devenus conseillers territoriaux représenteraient à la fois la Région et le Département. Les deux collectivités seraient donc maintenues et auraient à leur tête deux présidents distincts.
Dans l’Hexagone, cela peut se justifier, car les régions sont toutes composées d’au moins deux départements. Le président de région est donc l’élu de l’ensemble des conseillers territoriaux des
départements composant la région. Mais, en Guadeloupe, région monodépartementale, cela revient à faire cohabiter deux présidents élus par une seule et même assemblée, par les mêmes élus, sur le
même territoire. J’ai appelé cela une loufoquerie administrative, car une telle architecture est absurde en termes d’efficacité et de rationalité.
Pour autant, si le principe d’une évolution institutionnelle s’impose à nous, en revanche, nous avons la possibilité, comme la Constitution nous le permet, de proposer l’évolution la mieux
adaptée à nos réalités et à nos besoins.
C’est précisément le sens du moratoire de 18 mois que nous avons proposé, Jacques Gillot et moi-même, en juin 2009 lors du VIIIème Congrès des élus départementaux et régionaux. Nous disions
alors, et nous n’avons cessé de répéter depuis : « ni Paris, ni Fort-de-France, ni Cayenne, et j’ajouterais ni Saint-Denis ne doivent pouvoir décider pour nous ». Aujourd’hui, je
dirai que nous avons l’impérieux devoir d’éviter à la Guadeloupe l’application d’une réforme territoriale sinon mauvaise, mais à tout le moins inadaptée.
Ce moratoire accepté par le chef de l’Etat expire le 26 janvier prochain. A cette date, nous devrons être en mesure de formuler une position majoritaire, voire consensuelle si cela est possible.
Mais, avant cela, il nous faudra avoir pris le temps d’informer la population, de réunir les partis politiques, les élus, les experts et les forces vives pour échanger et débattre.
Le processus d’élaboration du projet guadeloupéen a été initié avec succès par mon ami Jacques Gillot. Il se poursuit et c’est en liaison avec les comités communaux du projet que j’ai, pour ma
part, initié une série de 32 réunions publiques dans chaque commune, depuis la mi-août. Nous en étions samedi soir à la 7ème réunion à Baie-Mahault.
A chacune de ces réunions, en distribuant un document assez complet présentant les différentes options institutionnelles possibles dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, nous
expliquons les enjeux et les perspectives des adaptations possibles de la réforme territoriale à la Guadeloupe. Nous abordons là des questions complexes et sensibles qu’il nous faut cependant
prendre à bras le corps en tenant un langage de vérité.
Assemblée unique ou collectivité unique ? Combien d’élus ? Quel mode de scrutin ? Quel équilibre des pouvoirs ? Quels contre-pouvoirs ? Quelles compétences ? Quelles
ressources ?
Voici des questions auxquelles nous avons déjà tous réfléchi. 2003, ce n’est pas si loin et je vous prie de croire que je n’ai pas oublié les exigences démocratiques non négociables que j’avais
formulées à l’époque. Ces exigences, je ne les ai pas perdues en chemin et je crois pouvoir dire que je leur serai encore fidèle à la place où je suis aujourd’hui et au regard des responsabilités
que j’exerce.
Mes positions sur la question du statut, c’est-à-dire du régime législative, sont connues. Je les ai consignées dans un programme électoral qui engage toute la majorité que j’ai l’honneur de
conduire et qui a recueilli plus de 56% dans une élection. La Guadeloupe doit, pour nous, demeurer dans le droit commun de l’article 73 de la Constitution. Nos compatriotes ont constamment
réaffirmé leur attachement à défendre notre identité et nos spécificités dans ce cadre.
L’évolution que nous proposerons ne sera clairement pas, et je l’affirme haut et fort, un changement de statut. Il s’agira simplement d’une évolution de nos institutions puisque le gouvernement
nous oblige à faire un choix. Dans ce cadre donc, et dans ce seul cadre, Jacques Gillot et moi, sommes favorables à une assemblée unique avec maintien de la région et du département dirigés par
un seul exécutif, avec un mode de scrutin mixte (mêlant à la fois proportionnelle pour permettre l’expression du pluralisme et scrutin majoritaire pour garantir une certaine stabilité).
Une telle évolution constitue donc une simple rationalisation administrative dans le cadre de la réforme territoriale décidée au niveau national. C’est elle que je suggère de soumettre, le moment
venu, aux électeurs guadeloupéens.
D’ici là, et malgré l’urgence imposée du chantier institutionnel, nous avons à mettre en œuvre le programme et les actions pour lesquels nos compatriotes ont souhaité nous reconduire à la région.
Pour cela, avec la perspective d’une possible assemblée unique et face à l’acuité des différentes problématiques auxquelles nous sommes confrontés, il est clair que nous devons renforcer la
synergie entre la région et le département.
Cette synergie instaurée dès 2004 a produit des résultats remarquables en six ans. Aujourd’hui, je fais la proposition de l’approfondir dans le cadre d’une contractualisation pluriannuelle de
façon à constituer un véritable « contrat de plan Région-Département » couvrant l’ensemble de nos projets communs pour la Guadeloupe.
Le contrat de plan Etat-Région qu’il aurait pu utilement compléter est, quant à lui, à mes yeux en panne. Comme mes collègues présidents de région, je demanderai donc sa révision à mi-parcours de
façon à inverser la tendance actuelle de l’Etat à nous faire systématiquement cofinancer des projets qui relèvent de ses compétences, alors qu’il limite très drastiquement l’accompagnement
financier de nos projets.
Le carcan des compétences, il faut parvenir à en faire abstraction lorsqu’il s’agit de sujets brûlants. Et il en est un que nous avons placé au premier rang de nos préoccupations : celui de
la jeunesse et, en particulier, celui de la jeunesse en déshérence, « la jénès an la ri la ».
Car, si l’on considère notre jeunesse formée, intégrée et scolarisée, celle-ci tire aujourd’hui indéniablement son épingle du jeu. Quand le taux de chômage des 20-24 ans culmine à 53% et celui
des 25-29 ans à 38,7%, il est autour de 10% pour les jeunes diplômés.
Avec notamment le soutien fort de la Région, cette jeunesse formée a bénéficié de la gratuité des livres au lycée, elle a étudié dans des établissements qui disposent des meilleurs équipements,
elle a bénéficié de bourses d’études pour poursuivre des cursus supérieurs, ici, dans l’Hexagone ou bien à l’étranger, elle a pu intégrer des grandes écoles comme Sciences Po Paris ou le lycée
Henri IV, ou encore se loger dans les chambres réservées dans les cités universitaires. Et pour cette jeunesse avide d’excellence nous avons encore de beaux projets :
comme la création, dans les deux ans, d’une école d’ingénieurs en partenariat avec l’UAG ;
comme la signature d’un nouveau plan quadriennal qui passera de 2 millions à 2,5 millions d’euros avec l’Université que nous voulons voir doter d’un cycle complet d’études de médecine ;
comme la rénovation de la cité scolaire de Baimbridge ;
comme la construction d’un lycée à Gosier qui devrait être opérationnel dès la rentrée 2013;
comme le soutien à des projets de jumelage de nos lycées avec des établissements étrangers pour favoriser à travers des échanges l’apprentissage des langues qu’il faut absolument stimuler par
tous les moyens.
Mais, chacun le perçoit, en marge de cette jeunesse presque dorée et dont nous avons tout lieu d’être fiers, s’est développée une autre jeunesse, livrée à elle-même, démunie, sans perspective, la
plupart du temps sans formation ou sans maîtrise des savoirs de base, basculant parfois dans la violence et les addictions. Les causes de ce phénomène sont multiples et s’il n’est plus temps de
se rejeter les responsabilités, il est en revanche plus qu’urgent de se mobiliser.
Dans notre archipel, de nos jours, 36% de nos familles sont monoparentales. Et dans la moitié de ces familles, c’est une femme sans emploi qui doit faire face, seule. La Mission locale m’a confié
qu’en 2009, elle a constaté une augmentation de 27% du nombre de jeunes en premier accueil et en mars 2010, on comptait pas moins de 15.655 jeunes inscrits au Pôle Emploi ou à la Mission locale.
Et, c’est sans compter ceux qui ne sont inscrits nulle part et qui pourraient être eux-mêmes plusieurs centaines, voire plusieurs milliers. Les acteurs sur le terrain sont unanimes : nous
sommes en présence d’une poudrière sociale. « Certains jeunes sont des grenades dégoupillées », me confiait, il y a quelques jours, un éducateur social. Nous devons agir vite avec
l’ensemble des pouvoirs publics et les acteurs associatifs en coordonnant au maximum nos actions.
Aujourd’hui, je suis en mesure d’annoncer que la Région est prête à consacrer jusqu’à 5 millions d’euros de crédits nouveaux à un plan d’urgence pour la jeunesse en déshérence.
Les Ecoles de la deuxième chance sont une première réponse que nous avons apportée et sur laquelle nous continuerons de nous appuyer en ouvrant deux nouveaux établissements à Saint-Claude et au
Moule. Les travaux y commenceront très prochainement avec une mise en service attendue à la fin 2011. Mais, c’est là une action à moyen et long terme qui, même efficacement, ne traite qu’une
partie du problème.
C’est un programme tous azimuts qui s’impose aujourd’hui et pour lequel nous sommes prêts à engager des moyens importants, avec les autres acteurs à nos côtés que sont les Missions locales,
l’ADI, le Pôle Emploi, le rectorat, le Conseil général. Il s’agit à la fois de parvenir à réinsérer ceux qui sont déjà exclus, marginalisés et sans perspective d’emploi, tout en prévenant les
décrochages qui conduisent immanquablement au chômage de longue durée, à la marginalisation et à l’exclusion.
La mission que j’ai confiée au conseiller régional Cédric CORNET consiste précisément à alimenter la réflexion et les propositions de notre collectivité sur ces problématiques. Notre collègue
semble pour l’heure davantage motivé par son initiative strictement personnelle présentée il y a quelques jours, mais je ne désespère pas de le voir achever son travail à la fin novembre,
d’autant qu’il dispose de tous les moyens nécessaires pour cela.
Mais, d’ici là, il faut déjà esquisser ce plan d’urgence.
Nous devons lutter contre l’illettrisme.
C’est l’un des principaux freins à la réinsertion et à l’employabilité. C’est aussi, assurément, une source immense de frustration qui peut se traduire par des accès de violence pour ceux qui se
sentent dépourvus des savoirs de base. Pour lutter contre l’illettrisme, compétence d’Etat, nous accompagnerons donc le plan local de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme représentée
en Guadeloupe par sa chargée de mission Claudy MOVREL, dont l’objectif est de réduire de 50% entre 2010 et 2015 le pourcentage de personnes en situation d’illettrisme. Je propose en outre
d’ouvrir les lycées en dehors de heures de cours afin d’y accueillir et y organiser des cours du soir à destination de ces publics.
Nous devons lutter contre le décrochage scolaire.
C’est la mission de l’Education nationale qui doit assurément faire mieux qu’aujourd’hui en ce domaine. Mais, nous pouvons l’y aider à travers deux dispositifs :
le projet PRECEED, qui propose une sorte de tutorat entre les étudiants volontaires de l’UAG et les élèves de lycée ou de collège en difficulté scolaire ;
le Réseau scolarité insertion qui est une méthode d’accompagnement social appliquée à la prévention de la déscolarisation précoce.
Et nous appuierons une expérimentation d’installation d’un SPOT, un service public d’orientation.
Nous devons augmenter les capacités et les lieux d’accueil des jeunes en situation d’exclusion et d’addictions, voire de délinquance.
C’est pourquoi je propose que nous étudions avec l’Etat, le Conseil général et les acteurs associatifs les conditions de création dans les délais les plus courts possibles de deux Centres
d’hébergement de réinsertion sociale (CHRS) supplémentaires, l’un en Grande-Terre et l’autre en Basse-Terre, qui chacun comporterait des espaces dédiés aux jeunes.
Je souhaite en outre qu’avec l’Etat et le Conseil général, nous puissions rapidement étudier les conditions de mise en place d’un SAMU Social Guadeloupe dont la mission, à l’instar du SAMU Social
qui existe à Paris, serait de porter assistance aux ceux qui, sans domicile fixe, vivent à même le sol, dans un dénuement total, dans les rues de nos communes.
Pour ce qui est des jeunes qui, hélas, ont versé dans la délinquance, que la prison transforme trop souvent dans le mauvais sens en les rendant plus durs à la sortie, je n’hésite pas – au risque
de créer un débat vif, y compris avec mes propres amis – à reprendre une proposition de ma collègue présidente de la Région Poitou-Charentes, Ségolène Royal. Comme elle, je suis candidat à
expérimenter un encadrement de type militaire pour les jeunes. Un environnement militaire ou, à tout le moins, professionnel serait de nature à remettre le pied à l’étrier de jeunes qui ont perdu
le sens des valeurs et celui des notions du bien et du mal. L’Etat et la Région pourraient en outre soutenir mieux et davantage les centres éducatifs renforcés et fermés.
Le SMA, même s’il s’adresse à d’autres publics, est unanimement reconnu pour ses résultats et pour sa capacité à proposer une colonne vertébrale aux jeunes qui y sont en formation. C’est un
encadrement de type militaire, mais cela participe surtout à la construction de la « nouvelle civilité » que nous voulons s’installer chez nous.
Nous devons également nous adresser à ces jeunes qui, dans la rue, ont néanmoins des projets et qui veulent les mener à bien.
C’est pour répondre à leurs demandes que nous annoncerons prochainement une bonification des aides régionales à la création d’entreprise pour les jeunes an la ri la qui sont porteurs de
projet.
Plus largement, la Région mettra en place un guichet dédié à ces publics en mettant en œuvre des dispositifs spécifiques en matière d’aides à la formation, d’aides à la création d’entreprises ou
encore d’aide à l’expression artistique qui feront l’objet d’une identification visuelle et d’une campagne de communication correspondant au plan d’urgence pour la jeunesse.
Nous devons aussi occuper ces jeunes en favorisant leur accès à la culture et à des loisirs de qualité.
Pour cela, nous allons concrétiser notre projet de « pass culturel » pour la jeunesse, qui concernerait bien sûr tous les jeunes de notre archipel. Ce pass serait synonyme de gratuité
ou de belles réductions pour l’accès à des spectacles, des concerts, au cinéma ou dans les musées. Ce « pass » pourrait en outre – si d’autres partenaires nous suivent – être
étendu aux transports urbains, à d’autres loisirs, mais aussi – pourquoi pas – au permis de conduire en proposant des réductions intéressantes.
Nous devons par ailleurs multiplier les initiatives permettant de créer des activités et des emplois pour les jeunes avec peu ou pas de qualification.
L’opération « Gwadloup’ an nou bèl » que nous avons accompagnée à partir de 2006 a été un incontestable succès compte tenu du nombre d’associations qui, désormais, interviennent sur le
terrain tout au long de l’année pour le nettoyage, l’embellissement et le fleurissement des routes.
Nous avons identifié d’autres gisements d’emplois que nous sommes prêts à financer avec d’autres partenaires et contribueront à l’embellissement de notre environnement et au renforcement de
l’attrait touristique de notre archipel :
le nettoyage et l’entretien systématiques de nos plages, à engager avec les maires, peut ainsi constituer une action d’intérêt général. Elle améliorerait, de plus, notre attrait
touristique, d’autant que nous nous sommes fixés l’objectif en matière d’aménagement du territoire, d’équiper toutes les plages publiques de notre archipel de toilettes, de douches et de
carbets qui auront à être entretenus.
le « resurfaçage » des maisons de chaque rue principale des centre-bourgs est également une opération que nous allons engager et qui permettra tout à la fois d’employer des jeunes
faiblement qualifiés mais que l’on peut former, tout en donnant à nos visiteurs voir une Guadeloupe plus belle et plus propre ;
le secteur agricole constitue également un important gisement d’emplois que nous explorerons notamment en initiant des fermes d’insertion.
Ce sont potentiellement plusieurs centaines d’emplois que nous pourrions ainsi créer rapidement.
Le service civique, même s’il est à l’évidence assez peu attractif en termes de rémunération, peut être, lui aussi, une façon pour un jeune de renouer avec la vie active au travers de missions
d’intérêt général. Nous avons engagé des discussions avec l’Agence du service civique dirigée par Martin Hirsch et Marc-Philippe Daubresse pour étudier les conditions d’un envoi de volontaires du
service civique pour de la coopération humanitaire dans la Caraïbe, par exemple avec Haïti.
Enfin, pour stimuler les créations d’emplois, il apparaît essentiel de mettre en œuvre dans les marchés publics des clauses sociales qui visent spécifiquement cette jeunesse en quête de
réinsertion. Au moins trois articles du Code des marchés permettent d’insérer de telles clauses que nous recommandons à nos services de mettre en œuvre. Il convient cependant de les populariser
dans toutes les collectivités, en particulier pour les marchés passés dans le cadre des rénovations urbaines de Pointe-à-Pitre et des Abymes, qui doivent absolument bénéficier aux jeunes des
quartiers concernés par ces deux chantiers.
Si toutes ces mesures sont mises en œuvre rapidement, ce serait un grand pas vers une meilleure appréhension des enjeux de la déshérence et il sera ensuite envisageable d’établir des passerelles
entre ces publics et les centres de formation qui opèrent en Guadeloupe pour un public beaucoup plus large. Ainsi, le service civique pourrait déboucher sur des cursus dans les centres de
formation d’apprentis ou, à terme, vers la future Université des métiers de Saint-Claude.
Dans le même temps, l’offre de formation continuera de s’étendre sous notre impulsion, en particulier avec la naissance de l’EPA, établissement public administratif de la formation
professionnelle que nous avons pu créer grâce à une habilitation accordée par le Parlement.
L’EPA, ce sera trois branches que nous nous attacherons à faire connaître dans le cadre d’un grand plan de communication valorisant toutes les filières qui y seront proposées :
d’abord le Centre régional de formation professionnelle ;
ensuite une division transversale qui apportera des services aux centres privés et publics de formation notamment en formant les formateurs ;
et, enfin, le Pôle régional des arts du spectacle qui, une fois achevé devrait donc rejoindre l’EPA pour dispenser des formations qualifiantes dans les domaines du son, de la musique ,de la
danse, de l’art dramatique, ainsi que de l’audiovisuel.
Je souhaite enfin proposer aux élus d’approfondir notre partenariat avec le RSMA auquel nous allons proposer une contractualisation annuelle afin de l’accompagner dans ses investissements.
Pour autant, il faut bien avoir conscience que toutes ces mesures n’auront un impact significatif que si elles bénéficient parallèlement du dynamisme d’une économie en croissance qui crée des
entreprises, de l’activité et des emplois dans le secteur marchand.
La croissance ne se décrète pas. Elle est souvent une affaire de confiance. Il faut que chacun, patronat comme syndicat, mesure combien notre conflictualité sociale bien trop forte est
aujourd’hui un handicap. Dans un monde en compétition permanente, tout compte et en particulier notre image. Nos dispositifs de défiscalisation ne sont plus aussi attractifs qu’auparavant et
cette attractivité moindre est aggravée par notre niveau de conflictualité. Chacun doit le comprendre. J’invite d’ailleurs les chefs d’entreprises et les syndicats à réfléchir à l’élaboration
d’une charte du dialogue social que l’ensemble des partenaires sociaux pourraient signer et qui en prônant les valeurs du dialogue et du respect, pourrait être un outil de pacification des
relations sociales. Ce serait faire un pas les uns vers l’autres, car sans une certaine stabilité sociale, je le redis, nous sommes condamnés à des performances économiques fragiles. Nous sommes
prêts à envisager la création d’une équipe de médiateurs régionaux pour participer à cette pacification des relations sociales.
Or, nous avons plus que jamais besoin de croissance, qui peut être aussi stimulée par l’action publique. C’est ce que nous avons fait ces six dernières années et c’est ce que nous allons
continuer de faire à travers des leviers traditionnels, mais aussi en utilisant de nouveaux outils.
La commande publique demeure un puissant levier pour l’activité et pour la création d’emplois. Encore faut-il que les chantiers démarrent véritablement. J’ai en effet la conviction que si tous
les projets annoncés par l’Etat démarraient effectivement, nous arriverions vite à une situation de surchauffe. Mais, trop de projets tardent, alors même qu’ils sont en théorie financés :
les deux rénovations urbaines de Pointe-à-Pitre et Abymes, le nouveau CHU, les constructions prévues de plus de 3.000 logements que la Région a garantis, ou encore d’établissements pour personnes
âgées dépendantes et enfin les travaux à engager rapidement dans le cadre du plan séisme.
Je demande donc solennellement au gouvernement, aux services de l’Etat et aux opérateurs sociaux de communiquer rapidement leurs intentions et leurs calendriers pour participer plus activement au
plan de relance que nous avons initié au début de l’année 2009 en injectant plus de 100 millions d’euros supplémentaires dans notre économie.
Car la Région, elle, va continuer ses grands chantiers.
Sur les routes d’abord, avec notamment :
la déviation du bourg de Sainte-Anne qui sera bientôt mise en service ;
le boulevard maritime de Port-Louis, ainsi que la liaison entre le port et Beauport qui commenceront en 2011 ;
le passage à 2x3 voies entre la Jaille et la Gabarre dont le démarrage est prévu en 2011 ;
la modernisation, à Saint-Claude, des ponts sur la Rivière noire en 2011, puis sur la Rivière rouge en 2012 ;
l’achèvement de la voie littorale du front de mer de Basse-Terre entre Rivière des Pères et Calebassier, dont le dossier de concession d’endigage est en cours.
Sans oublier les grands projets dont les études seront lancées en 2011 :
comme la mise à 2x2 voies d’une nouvelle portion de la RN1 à Capesterre entre Pérou et Cambrefort (projet de 40 millions d’euros) ;
comme la déviation de la Boucan à Sainte-Rose (projet de 42 millions d’euros) ;
comme l’aménagement des routes nationales qui convergent vers l’agglomération pointoise et qui devront être adaptées au plan de déplacement urbain et, en particulier, aux nouveaux transports en
commun en site propre (projet estimé à 80 millions d’euros).
Mais, c’est surtout au cœur de nos compétences en matière d’éducation et de formation que se situent nos plus grands chantiers à venir :
la Cité de la connaissance à Saint-Claude, où nous construirons, outre l’Ecole de la 2ème chance, le campus sanitaire et social pour une mise en service au premier trimestre 2012 (projet de 7
millions d’euros), où l’Université des métiers, dont les travaux sont en cours, sera achevée à la fin 2011 (projet de 20 millions d’euros) et où le Pôle régional des arts du spectacle sera mis en
service au premier semestre 2013 (projet de 17 millions d’euros) ;
La restructuration de Baimbridge en partenariat public/privé, dont les travaux démarreront à la fin 2011 et dont la livraison, échelonnée, commencera à partir de la fin 2012 jusqu’à la rentrée
2013 ;
Le lycée du Gosier que nous espérons mettre en service à la rentrée 2013 ;
L’Université du Camp Jacob dont les premiers bâtiments ont été livrés pour cette rentrée et qui devrait être achevée à la fin 2011 (projet de 37 millions d’euros) ;
Le CRFP, dont les travaux de restructuration commenceront en novembre et dont les premiers bâtiments neufs seront opérationnels à compter de septembre 2011 pour un achèvement global à la
mi-2013 ;
Le Centre technique du football, pour lequel nous attendons les projets d’architecte en novembre et dont les travaux doivent démarrer au deuxième trimestre 2011 pour un achèvement attendu à la mi
2012.
J’en oublierais presque le Memorial ACTe, dont les premiers travaux sur le Morne de la mémoire commenceront début 2011 pour une inauguration espérée en 2013 (projet de 43 millions d’euros).
Au-delà de ce volume de commande publique régionale tout à fait considérable pour les quatre ans qui viennent, nous continuerons d’accompagner les entreprises dans leurs projets et dans leurs
investissements, en particulier grâce au fonds de la subvention globale qui nous est accordée sur le Feder.
L’Agence régionale de développement économique « Guadeloupe Expansion » devra mieux jouer son rôle de lien avec le monde de l’entreprise, car il y va de l’efficacité des moyens
importants que nous consacrons à l’accompagnement des entreprises et des porteurs de projet.
Nous soutiendrons également les investissements à travers des outils d’ingénierie financière tels que le Fonds d’investissement de la Région Guadeloupe, la SAGIPAR qui le gère, mais aussi par le
biais de la SEM « Patrimoine » que nous avons créée en juillet.
Le fonds d’investissement a vocation à prendre des participations dans des entreprises en quête de fonds propres pour investir ou conquérir de nouveaux marchés, ou pour sauvegarder l’emploi et
l’activité dans des secteurs clés.
C’est, par exemple, pour sauvegarder une chaîne de télévision privée menacée de disparition, dans le secteur stratégique qu’est l’audiovisuel, que le fonds d’investissement a participé au tour de
table constitué autour d’actionnaires majoritairement privés pour relancer l’A1 Guadeloupe.
Nous l’avons fait pour d’autres entreprises, dans d’autres secteurs, sans pour autant jamais nous impliquer dans le management de ces entreprises. Ce ne sera pas différent avec cette chaîne de
télévision dont le management bénéficiera de toutes les garanties pour proposer une ligne éditoriale indépendante de tous les pouvoirs (politiques, économiques, religieux ou syndicaux). Un comité
de déontologie indépendant y veillera d’ailleurs.
La SEM Patrimoine a, quant à elle, pour objectif, en allégeant leurs charges d’investissement, de favoriser l’émergence d’entreprises guadeloupéennes compétitives dans des domaines stratégiques
comme la distribution et, peut-être dans le futur, l’hôtellerie.
Le secteur de la distribution, au cœur des problématiques de pouvoir d’achat et de « profitation », souffre d’un manque de concurrence et d’une conception rarement éthique des rapports
entre distributeurs, importateurs et fournisseurs. C’est donc pour peser dans la recomposition actuelle de la grande distribution, voire pour permettre le regroupement de dizaines de petits
commerces de proximité de nos bourgs et de nos campagnes que la Région a choisi de s’appuyer sur une société d’économie mixte avec des capitaux privés guadeloupéens.
Là encore, c’est un volontarisme politique qui nous anime. Il y a des capitaux guadeloupéens, il y a des producteurs guadeloupéens et il y a des distributeurs guadeloupéens. J’ai plus que jamais
la conviction que nous sommes totalement dans notre rôle lorsque nous nous impliquons pour faire travailler ensemble nos forces vives en les incitant à mieux se respecter et à conclure des
partenariats gagnant-gagnant sur le long-terme. En bout de chaîne, c’est le consommateur qui peut en bénéficier.
Le consommateur guadeloupéen et son pouvoir d’achat demeureront d’ailleurs une préoccupation majeure pour nous. Un seul exemple : le haut débit. En 2004, j’annonçais la construction d’un
câble sous-marin qui devait nous permettre de faire baisser le prix de l’Internet en Guadeloupe. Pour mémoire, un abonnement de 512 kb/s coûtait à l’époque 75 euros par mois et il n’existait pas
d’offre triple play (Internet, téléphone et télévision). La mise en service du câble a permis l’apparition de nouveaux acteurs qui ont à la fois diversifié les offres et, surtout, fait baisser
les prix qui, aujourd’hui ont été divisés pratiquement par trois.
Pour certains, on devait pouvoir faire encore mieux. Cette frustration, je peux dire aujourd’hui que je la partageais et c’est la raison pour laquelle nous avons engagé des discussions serrées et
complexes avec le délégataire qui exploite le câble. L’audit indépendant que nous avons commandé avait précisément pour objectif de nous permettre de trouver un terrain d’entente au bénéfice du
consommateur.
Aujourd’hui, je suis heureux d’annoncer qu’après un accord avec le délégataire, une nouvelle grille tarifaire a été adoptée pour les clients opérateurs qui pourront proposer de nouvelles offres,
améliorer leur qualité de service, mais surtout de baisser leurs prix publics. Ce dont nous nous assurerons, bien évidemment, en étudiant les conséquences effectives pour le consommateur
final.
Là encore, c’est une autre illustration d’un volontarisme en action qui cherche à placer l’Homme au centre même de l’économie.
Vous le mesurez donc : la feuille de route est très dense et je pourrais être extrêmement long en vous exposant de façon exhaustive nos projets dans chacun de nos domaines d’intervention. Je
tiens cependant à aborder deux derniers points avant de conclure.
En premier lieu, le lien entre aménagement du territoire et développement durable, qui sera plus que jamais au cœur de notre action. Sur notre archipel à la superficie limitée, vulnérable aux
catastrophes naturelles et écologiques – comme celle du chlordécone pour lequel nous continuerons de demander justice – nous avons le devoir de mesurer l’impact de nos décisions en les planifiant
au maximum.
Document clé de cette planification, le Schéma d’aménagement régional révisé, sera définitivement adopté au premier semestre 2011, en cohérence avec les schémas et documents prospectifs que nous
avons élaborés lors du premier mandat comme le SDAT ou le SRDE.
Outil de rééquilibrage territorial qui vise notamment à développer d’autres pôles d’activité, en particulier en côte sous le vent, dans le sud Basse-Terre, dans le nord Grande-Terre et dans les
Iles du sud, il a été aussi conçu pour penser l’équipement de notre territoire en matière de grandes infrastructures. Celles-ci figurent aussi dans nos grands chantiers pour les quatre ans qui
viennent.
En matière de traitement des déchets, même si nous ne sommes pas maître d’œuvre, les retards constatés nécessitent que nous nous impliquions pour permettre au projet de la Gabarre de voir le jour
car le temps nous est compté. Les difficultés de l’entreprise URBASER/VALORGABAR doivent être surmontées au plus vite.
En matière de transports urbains, au-delà de la réorganisation du système mené par Jacques Gillot, il faudra très rapidement faire notre choix technologique pour doter l’agglomération pointoise
d’un réseau en site propre en approfondissant, notamment, l’étude d’un tram/train.
En matière de port en eaux profondes, nous appuierons fortement le projet porté par le Port Autonome qui doit nous placer parmi les grands ports de la Caraïbe. Il y va de notre rayonnement et
j’invite l’Etat à s’engager avec la Guadeloupe sur ce projet.
En matière d’énergies renouvelables, nous amplifierons l’action jusqu’ici engagée. Notre collègue Harry Durimel s’est remarquablement investi dans la mise en œuvre de l’habilitation
« énergies » que nous à accordée le Parlement et qui nous permet de définir le cadre réglementaire en matière d’énergies renouvelables et, ainsi, de créer un « écosystème »
favorable à leur développement. Après un premier texte adopté en juillet qui met en place les quotas entre éolien, photovoltaïque en toiture et photovoltaïque au sol, d’autres textes suivront
pour préciser la réglementation thermique pour les constructions, pour encadrer le développement de la climatisation, favoriser le développement du chauffe-eau solaire et mettre en place les
critères de sélection pour les projets photovoltaïques au sol. Il y a tant faire et deux années d’habilitation, c’est trop court. C’est pourquoi j’ai proposé au Parlement que la durée des
habilitations soit portée à la durée de nos mandats.
Une Guadeloupe où il ferait bon vivre et s’épanouir, voilà donc ce à quoi tous nous aspirons.
Et cet épanouissement, il passe par le sport, la culture et l’ouverture sur le monde. C’est le dernier point que je voudrais aborder devant vous.
En matière de sports, nous avons en six ans posé les jalons d’une politique ambitieuse qui a cherché à mieux structurer le sport guadeloupéen et à le doter des moyens matériels et financiers de
son développement. Nous poursuivrons, avec les ligues et les comités, cette action qui a amélioré la qualité de nos résultats ainsi que notre image de terre de sports et de champions.
Le sport est une voie d’excellence pour notre jeunesse. Il n’est qu’à voir les talents que nos jeunes démontrent sur les pistes, sur les routes et sur les stades, ici et dans le monde entier.
Nous sommes l’une des premières pépinières de champions de la planète. Il faut perpétuer cela et, même, faire mieux encore.
Il faut donc améliorer encore nos structures de formation et nous le ferons de façon significative pour deux de nos sports les plus populaires :
le football, pour lequel nous allons construire un Centre technique à Petit-Bourg qui sera opérationnel à la mi-2012. Lieu de formation pour nos jeunes et de perfectionnement pour les joueurs
confirmés, il sera ouvert sur la Caraïbe et nous permettra de conserver plus longtemps chez nous les jeunes pousses prometteuses ;
et le cyclisme, pour lequel je souhaite étudier avec le Comité régional les conditions d’une évolution du Club Région Guadeloupe vers un statut professionnel ou semi-professionnel. Nous disposons
d’un immense réservoir d’espoirs que nous devons mieux encadrer, mieux former et propulser vers le haut niveau.
Je souhaite également engager une réflexion avec l’ensemble des acteurs du sport guadeloupéen et des fédérations françaises afin que soit mieux reconnue et valorisée la contribution des clubs
formateurs de notre archipel à l’éclosion des grands champions nationaux, par exemple dans le football ou dans le basketball. Quand Rodrigue Beaubois ou Mickaël Piétrus brillent en NBA, il ne
faut plus que les clubs d’origine soient ignorés dans le partage des indemnités de transferts.
En matière culturelle, là encore des jalons importants ont été posés ces six dernières années pour faire de la Région le partenaire de toutes les expressions de la culture guadeloupéenne.
Valoriser et diffuser nos talents et notre patrimoine, tout en favorisant une éducation à la culture qui vertèbre l’humain et forme des hommes debout, voilà ce que nous nous sommes attachés à
faire depuis 2004.
Poursuivre et amplifier cette politique qui a permis d’initier le Festival des musiques caribéennes, le Congrès des écrivains, le Festival des arts culinaires, le Fonds de soutien au cinéma avec
le CNC ou encore la création de l’Office du carnaval et l’Anthologie de la peinture en Guadeloupe, cela nécessite de nouveaux grands projets.
Le Mémorial ACTe sera ainsi un formidable lieu de culture pour forger une mémoire partagée de l’histoire complexe qui est la nôtre.
Le Pôle régional des arts du spectacle, à Saint-Claude, intégré l’Etablissement public de formation professionnelle formera les professionnels et les enseignants dans les métiers de la danse, du
théâtre, de la musique et de la technique audiovisuelle.
Nous lancerons les études pour la réalisation d’un conservatoire des arts plastiques.
Nous réaliserons le Mémorial historial Delgrès à Matouba.
Nous publierons notre deuxième anthologie, consacrée aux sports et aux sportifs guadeloupéens, avant celle qui sera consacrée à la musique.
Nous appuierons le projet de salle de grand spectacle qui nous apparaît aujourd’hui le plus crédible et qui se dessine à Baie-Mahault.
Enfin, pour l’année 2011 que le gouvernement a décidé d’intituler « Année des outre-mers », j’ai retenu la proposition formulée par mon ami Laurent Faruggia de créer dans un lieu
prestigieux tel que le Château de Versailles, une grande fresque culturelle pluridisciplinaire mettant en scène tous les talents de la Guadeloupe dans toutes les expressions artistiques : la
danse, le carnaval, les arts plastiques, le théâtre, la musique, la littérature et la poésie. Cette belle idée me paraît digne d’être étudiée dans sa faisabilité, car elle serait une occasion
unique de montrer au monde le génie artistique guadeloupéen.
S’épanouir en s’ouvrant au monde, c’est la force des peuples qui savent où ils vont. Et je veux croire que nous savons être, comme le disait Césaire, « poreux au souffle du monde ». La
Caraïbe à nos portes est un espace qu’il nous faut explorer davantage. Le monde est un terrain que beaucoup de jeunes guadeloupéens parcourent aujourd’hui à sans peur et sans obstacle, en nous
montrant le chemin que peut emprunter une Guadeloupe conquérante.
Nous allons donc mettre en œuvre un véritable plan Marshall pour le multilinguisme, car la maîtrise des langues est aujourd’hui l’une de nos faiblesses, alors qu’elle est un sésame dans le monde
du XXIème siècle.
C’est pourquoi, tout en favorisant l’apprentissage des langues dans les écoles, nous allons aussi construire le Centre de Guadeloupe pour l’Apprentissage des Langues, le CIGAREL.
Nous allons par ailleurs travailler à obtenir l’adhésion de la région Guadeloupe aux organisations régionales de coopération (CARICOM, CARIFORUM et OECS), et à l’implantation d’une délégation de
l’Union européenne en Guadeloupe, et d’une délégation des régions de Guadeloupe, Guyane et Martinique à Bruxelles.
Nous poursuivrons notre coopération avec nos partenaires traditionnels que sont Haïti, que nous devons accompagner davantage encore après le séisme qui l’a dévasté, et la Dominique avec laquelle
nous avons une convention de coopération et de grands projets en cours en matière de géothermie.
Mais nous devons étendre notre rayonnement au-delà de la seul zone Caraïbe. C’est pourquoi nous intensifierons nos échanges avec le Québec et les Etats-Unis, et nous étudierons les conditions
d’un partenariat avec l’Inde, à la fois éloignée géographiquement, mais si proche grâce à l’importante communauté indienne qui a fait souche sur notre sol.
S’ouvrir sur le monde, c’est une audace et c’est bien à être audacieux, vous le voyez, que nous vous inviterons tout au long de ce nouveau mandat.
Audacieux, comme nous l’avons été lorsque nous avons constitué Serge Letchimy, Rodolphe Alexandre et moi-même l’URAG, l’Union régionale Antilles-Guyane. Nous les connaissons pourtant bien ces
voisins-là, mais il a fallu une volonté politique commune forte pour bousculer les habitudes, les mentalités et les arrières-pensées et s’engager sur la voie d’une collaboration étroite et
bénéfique entre nos trois régions.
Par cet exemple, je veux voir la preuve que la volonté est le premier carburant d’une bonne politique. Chacun des points évoqués dans ce discours de politique approfondi requiert une volonté
farouche de faire et de réussir. Soyez persuadés que nous l’avons. Mais rien ne sera possible si cette volonté n’est pas partagée par l’ensemble des élus et par le peuple guadeloupéen.
Plus que jamais, à la base de notre projet de société, nous voulons rejeter tout dogmatisme, tout extrémisme et tout intégrisme. Nous avons la volonté de travailler à l’amélioration de la
condition humaine, aux progrès des libertés individuelles et collectives. Nous voulons défendre la liberté absolue de conscience, de pensée et de communication. Nous voulons, en somme, travailler
à transformer l’homme et en même temps que nous transformons la société.
Durant la campagne électorale, il s’est noué une relation particulière avec les citoyens. A l’image du rassemblement que nous avons constitué avec Gabrielle Louis-Carabin, Jacques Gillot,
Harry Durimel, Nicolas DELDO, et tous les autres, il s’est créé un élan qui a rassemblé toutes les forces du pays, toutes les couleurs du pays, toutes les espérances du pays. C’est cela que nous
ne voulons pas perdre et que nous entretiendrons par des initiatives de démocratie participative et citoyenne.
C’est cette unité qui est le meilleur atout de la Guadeloupe de demain.
« Tous pour la Guadeloupe », plus que jamais !
Je vous remercie.