Quand on parle de « Tourisme », de quoi parle-t-on ?
Le point de vue des Hôteliers Guadeloupéens présenté par Nicolas VION
Suite à la réunion tenue avec ATOUT France en Préfecture de la Guadeloupe, le 30 mars 2010, nous sommes conduits à apporter les précisions suivantes .
Quand on parle de « Tourisme, », de quoi parle-t’on ?
Trop de gens en font des discussions de salons s’appuyant sur des idées toutes faites, sans cependant n’avoir jamais fait la preuve de leur compétence reconnue dans ce domaine.
Pourtant chacun est libre de réunir des investisseurs autour de lui, de solliciter des financements pour créer ou racheter une entreprise et faire ainsi ses preuves d’entrepreneur.
La Guadeloupe est Française depuis 375 ans et les lois entrepreneuriales sont les mêmes pour tous.
Que n’avons-nous pas entendu :
1. Que le tourisme ne serait qu’une affaire d’hôteliers,
2. Qu’il ne profiterait qu’aux propriétaires d’hôtels,
3. Que ce serait une filière réservée aux seuls Blancs,
4. Que la population n’aurait aucun intérêt au tourisme,
5. Qu’elle serait irritée de voir passer devant elle des bus bourrés de « Blancs Métropolitains » (dixit Mr Georges Boucard, en Préfecture le 30 mars 2010, et Directeur au Cabinet du Maire des
Abymes)
6. Que les clients ne veulent plus d’hôtellerie
7. Que le seul tourisme authentique est chez l’habitant
8. Qu’il faut favoriser l’économie informelle (dixit Mr Georges Boucard, en Préfecture le 30 mars 2010, et Directeur au Cabinet du Maire des Abymes)
J’arrête là cette litanie absurde, outrancière, d’opposition au progrès, véhiculant des lieux communs et des fantasmes, qui loin de rassembler les acteurs est source de divisions et de
conflits.
Rétablissons rapidement la Vérité pour pouvoir avancer et parler sérieusement de l’industrie touristique, économie recherchée et cultivée dans le monde entier comme source reconnue de devises, de
revenus, créatrice de valeur ajoutée et d’emplois.
Il n’y a, nulle part au monde, de destination touristique sans une hôtellerie conséquente et structurée. Sans hôtellerie, point de desserte aérienne régulière, car l’aérien a besoin, pour remplir
ses avions de flux de passagers importants que ne peuvent fournir de petites structures.
Sur 4.755 chambres de Grande Hôtellerie existant en 2000, il en reste 2.649 aujourd’hui : 2.106 chambres sont fermées ou détruites. Si le tourisme leur avait profité, la situation ne serait pas
celle-là.
Le point 3 ne mérite pas d’y répondre, puisque chacun sait que, dans le passé, le SALAKO appartenait à un Français de Guadeloupe, aujourd’hui Désiradien. Qu’il n’ai pas réussi dans son entreprise
est regrettable, car la réussite des uns entraîne le succès de toute la filière, et l’on ne doit jamais se réjouir de l’échec d’un confrère.
À la vigne de la Vie, chacun a droit de cueillir les raisins ou de déclarer avec amertume :
« Ils sont trop verts et bon pour des goujats ! »
Club des Hôteliers de la Guadeloupe, La Maison Créole, Montauban, 97 190 GOSIER
Assocition Loi de 1901 déclarée sous le n° 2/02613
Le tourisme, d’après l’INSEE, c’était et ce serait :
7 % du PIB et 370 Millions d’€ de CA en 2004 avec 7.500 emplois directs
5% du PIB et 270 Millions d’€ de CA en 2008 avec 6.000 emplois
Avec des coûts de personnels élevés pointés par KPMG, et des Masses Salariales moyennes de plus de 50 %, les salaires perçus par les personnels représentent annuellement plus de 100 Millions
d’€.
Le tableau ci-après en témoigne d’autant plus que tous les salariés ne sont pas, fort heureusement pour eux, au SMIC.
Taux horaire du SMIC au 01/01/2010
8,86 €
Heures mensuelles payées
162,5
Heures payées / an
2112,5
Ancienneté moyenne à
12%
Revenu annuel pour un temps plein
20 962,76 €
Montant total pour 6.000 salariés
6 000
125 776 560,00€
Par ailleurs, outre la distribution de salaires, primes et accessoires aux salariés, le tourisme profite à beaucoup d’activités périphériques qui en tirent également des revenus dont :
L’Agriculture,
La Pèche,
Le Commerce,
Les transports Routiers (Bus, Taxis, Loueurs de voitures)
Les transports Maritimes
La Plaisance,
La Croisière
Le Transport Aérien,
Etc…
Ajoutons encore que bien souvent un salaire fait vivre un foyer de 4 personnes, et que l’ensemble des emplois touristiques fait vivre environ 50.000 personnes en Guadeloupe sur 400.000 soit 15 %
de la population : c’est pas mince !
Dire que le tourisme ne profite qu’à l’hôtellerie est vraiment un manque de vision globale.
Sans elle, le transport aérien serait fortement réduit et les dépenses des ménages amputées de plus de 100 Millions d’€ qui n’iraient pas s’investir dans le commerce, l’automobile, les
équipements ménagers ou de HI-FI, …
Concernant l’emploi, 6.000 salariés en CDI, c’est au moins le double d’emplois avec les emplois induits (pèche, agriculture, transports, réceptifs, …).
Sauf à y revenir en cas de persistance sur le sujet, nous considérerons ce chapitre clos.
5. Quant au point 5 concernant l’affirmation que la population serait irritée de voir passer devant elle des bus bourrés de « Blancs Métropolitains », ce n’est pas possible d’y croire, car il n’y
a malheureusement plus de bus en Guadeloupe plein de touristes. D’autre part, le tourisme affinitaire se développe dans les structures hôtelières qui sont les seules à pouvoir remplir les bus.
Nous nous en félicitons en tant que cohésion sociale. Ramener le rejet de certains, à propos du tourisme, à des questions monochromes relèverait plutôt de troubles oculaires et d’un trop grand
nombre de bâtonnets par rapport aux cônes, présents sur le fonds de l’œil.
6. Les « clients d’aujourd’hui » ne voudraient plus d’hôtellerie.
La réalité est heureusement toute autre. Nos calculs et nos résultats hôteliers démontrent que globalement, entre 35 % et 40 % des passagers aériens viennent dans les hôtels.
Il y a des clients qui désirent être au calme, d’autres qui attendent de l’animation nocturne, d’autres encore qui veulent de la pèche au gros ou des activités sportives quand d’autres veulent
s’adonner à la plage ou au farniente.
Ce qui fait la richesse d’une société, c’est sa diversité et non l’uniformité.
Il y a donc des visiteurs qui rechercheront l’habitat chez l’habitant, d’autres des gîtes, d’autre des meublés à louer ou d’autres encore qui préféreront l’hôtel.
Cette diversité, c’est la richesse d’une destination.
Au lieu de se battre égoïstement les uns les autres à arracher le client pour le faire monter presque de force dans son taxi, respectons le et demandons nous comment faire de son séjour un
souvenir inoubliable dont il revienne comblé ?
Ajoutons encore qu’on ne connaît aucune destination touristique au monde qui ne possède pas de parc hôtelier important, et qui ne cherche pas à le développer pour assurer son transport aérien.
Saint Martin (partie Hollandaise) ou Punta Cana en République Dominicaine ont de nombreux jets privés et des navires de Croisière que la Guadeloupe pourrait leur envier…
7. En traitant le point 6 nous avons répondu au point 7.
Décrier le voisin n’a jamais été une stratégie gagnante.
Quant à l’argumentation d’un responsable communal (qui se présente comme un banquier ???) et qui justifie l’économie informelle comme un modèle de société réussi en Italie (Peut-être faudrait-il
aussi mettre en place une mafia structurante ?), on reste abasourdi :
Au nom de l’égalité des citoyens, si on le suit, on ne doit alors plus payer d’impôts et taxes, ce qui conduit à ne plus faire d’investissements collectifs (plus d’écoles, de cantines, de routes,
d’hôpitaux…)
Je ne voudrais pas participer à la mise en place du budget de cette commune dans ces conditions !
Ces points psychanalytiques étant purgés, nous souhaiterions ne plus jamais avoir à y revenir.
Abordons donc le sujet essentiel : Le TOURISME.
D’abord, qu’en attends-t-on ?
Pour la F.APHT, le tourisme apporte d’abord un afflux extérieur de revenus, et crée des emplois, même si nous ne négligeons pas le tourisme affinitaire qui apporte des revenus mais n’importe pas
en Guadeloupe, majoritairement de capitaux extérieurs.
C’est une activité pourvoyeuse de richesses et qui favorise les investissements d’équipements structurants.
Il serait utile de renseigner tous les acteurs, décideurs, et responsables locaux en fournissant des chiffres basiques tels que
Croisiéristes :
Combien en avons-nous ?
Combien de compagnies maritimes, basées et non-basées ?
Dépenses par croisiériste : à bord et à terre ?
Recettes pour le Port et l’Aéroport : Taxes et Consommations (eau, vivres, transferts…)
Touristes :
Combien en avons-nous et évolution dans le temps ?
Provenances ?
Durée des Séjours ?
Répartition Hôtellerie, Gîtes, Meublés et chambres d’Hôtes ?
Mesure plus précise de l’économie informelle (30 % ?)
CA part touristique de l’aérien et nombre d’emplois concernés
Dépenses d’hébergement, de restauration (y compris locale, lolos…) et divers dont :
- Animation Touristique (Parcs et Jardins, Aquarium, Activités sportives, Nautiques, de Plaisance…)
– Transports inter-îles
- Emplois concernés CDI, CDD, Saisonniers et Extras, Hommes et Femmes
Activités induites par le tourisme :
- Pèche,
- Agriculture,
- Artisanat
- Investissements immobiliers en défiscalisation pour logements locatifs destinés à la population locale,
- Etc …
On le voit, ceux qui professent doctement, que le tourisme ne profite pas économiquement à la Guadeloupe se trompent.
C’est une activité économique de premier plan, et ce n’est pas pour rien que de grandes destinations touristiques comme :
- Cuba,
- La République Dominicaine,
- Le Maroc
Pour ne parler que de ses trois destinations :
- Investissent lourdement (plusieurs dizaines de Millions d’€ par an) pour attirer des touristes,
- Font tout ce qu’elles peuvent pour attirer les investisseurs et développer un parc hôtelier important.
Regardons autour de nous ceux qui réussissent et cessons d’entraver notre développement nécessaire par dogmatisme ou repli identitaire.
Emplois :
Concernant le Lycée Hôtelier du Gosier :
Combien de diplômés / an ? De quels niveaux ?
Combien de diplômés sont sortis depuis son ouverture ?
Que sont-ils devenus en comparaison de la diminution du nombre d’emplois dans les hôtels du GHTG d’une part, et pour l’ensemble du tourisme d’autre part ?
Dernier point, mais non des moindres :
Que faut-il faire pour réussir notre tourisme ?
Répétons le donc, une fois de plus, inlassablement :
Au plan de la Guadeloupe :
La population de Guadeloupe a fait en 2006 un triomphe à la Route du Rhum, montrant par là son intérêt, sans contestation possible, pour l’activité touristique.
Nous ne doutons pas que 2010 montrera à nouveau l’intérêt populaire pour cette manifestation.
Car notre pire ennemi à la réussite, ce sont les dissensions internes.
La population prend peu à peu conscience de l’enjeu, en termes de richesses et d’emploi, mais aussi de travail restant à accomplir.
En République Dominicaine ou à Cuba, on soigne l’environnement car on sait que le tourisme commence par le plaisir des yeux : alors à quand une Guadeloupe propre et belle avec une signalétique
touristique, une desserte de transports collectifs, et la disparition de tout ce qui gâche le paysage (panneaux immenses, encombrants, animaux morts, décharges sauvages,…)
À quand des bas-côtés tondus, du fleurissement et de l’embellissement ?
Ensuite, il faut que les communes aient une politique touristique lisible et rendue publique, si possible élaborée avec les professionnels concernés.
La réalité d’un ponton de Malendure détérioré et non réparé, après plusieurs années, malgré une subvention accordée par la Région à la commune qui voudrait rétablir les péages d’avant la
Révolution Française, ce triste constat, ne devrait pas pouvoir être fait.
Par ailleurs trop peu d’offices de tourisme municipaux sont opérationnels, et ils ne sont pas fédérés réellement dans la mise en application de la politique touristique globale conduite par le
CTIG.
Enfin, il faut combattre l’économie informelle qui tue l’autre : bateaux et moniteurs non habilités, non homologués, tables d’hôtes non déclarées, vendeurs ambulants
Restera à travailler l’image de la destination pour redonner confiance.
Si le Tourisme est décrété d’intérêt général prioritaire, et si nous concentrons tous nos efforts dans ce but, nous aurons mis en place l’engrais de la réussite.
Restera alors à traiter le volet technique et financier :
Ouverture de la desserte aérienne à de nouveaux pays émetteurs
Analyse des comptes d’exploitation des entreprises pour mettre en Lumière pourquoi elles ferment, et quelles solutions mettre en place,
Mise en place des mesures de management modernes relatives à l’organisation, au temps de travail, à la productivité pour se donner les moyens de nos ambitions.
Si nous en sommes capables, nous réussirons et ce sera un progrès pour tous,
Sinon la « Guadeloupe Industrie Touristique « est condamnée à un tourisme diffus qui n’apportera aucune contribution à la résorption du chômage, et qui verra inéluctablement la Guadeloupe
devenir une Région éloignée desservie de temps à autre par quelques avions.
Voici nos derniers propos d’espoirs, martelés depuis 10 ans dans un silence assourdissant.
Le temps presse.
Nicolas VION
Président de la F.APHT
Le 31 mars 2010
NDLR : F.APHT =Fédération Associations des professionnels de l’hôtellerie et du tourisme de la Guadeloupe