Etats-Généraux : l'awa du LKP
Alors, iront-ils ou n'iront-ils pas ? Depuis que les Etats-Généraux de l'Outre-mer ont été décidés par Nicolas Sarkozy, c'est la question que se posaient les
observateurs à propos du LKP et d'Elie Domota.
Hier, le LKP a répondu : c'est... Awa*. Entre les lignes.
Bon maten la... Hier matin, par mail, Liyannak kont pwòfitasyon (LKP) a fait connaître très officiellement son point de vue sur les Etats-Généraux lancés par Nicolas Sarkozy pour répondre aux 44
jours de mobilisation/grève initiés par le LKP.
« Ki diab "états généraux" ésa ! » C'est le titre du document qui se veut clairement un manifeste contre les Etats-Généraux.
Lecture et commentaires.
Pas question de laisser quelque paternité que ce soit au chef de l'Etat dans l'initiative de répondre de manière positive aux Guadeloupéens avec des Etats-Généraux. Tout vient du peuple.
Démonstration : « C’est la grève générale et le mouvement populaire historique des journées de décembre, janvier, février et mars 2009 kont pwòfitasyon qui a conduit l’Etat Français à organiser
leurs dits "états généraux" en Guadeloupe, avec l’arrière-pensée de briser la dynamique LKP. »
Voilà la notion de diable (voir plus haut) qui revient... Ce diablotin parisien coupable de « briser la dynamique LKP... »
Un coup de menton viril : « LKP déclare : Pon "états généraux" ne peut être dicté au Peuple Guadeloupéen. »
Les "états généraux" du Peuple
Et de dénoncer que tout se soit décidé depuis Paris et par Nicolas Sarkozy. Le lancement, l'idée donc, le coordinateur central, les personnalités référentes, le mode de fonctionnement en ateliers,
etc.
« C'est à Paris que se fera la synthèse de ces discussions de salon ! », fustige le rédacteur du document qui conclue : « LKP refuse d’être la caution sociale, économique, politique et
culturelle de Monsieur Sarkozy et de ses relais en Guadeloupe. Yo ja désidé biten a yo. »
L'alternative à ces Etats-Généraux, c'est, poursuit-il, « les "états généraux" du Peuple Guadeloupéen (qui) ont débuté depuis le 5 décembre 2008, la plate-forme de revendications en 146
points et dix thèmes (qui) constituent le début du vaste chantier sur l’état des lieux, le diagnostic de notre société en mal-développement, caractérisée par des inégalités basées sur une
pwòfitasyon qui perdure depuis plus de quatre cent ans. »
Que veut le LKP ?
C'est la suite de la déclaration qui nous apprend ce que veut le LKP.
« LKP entend concevoir avec le Peuple en mouvement de nouveaux rapports économiques et sociaux, pour passer d’une économie de plantation d’import-distribution à une économie de production tournée
prioritairement vers la satisfaction des besoins du Peuple Guadeloupéen. Une Guadeloupe avec des femmes et des hommes capables d’inventer une nouvelle société. »
Comment parvenir à ce résultat ? « Nous devons avancer vers l’autosuffisance alimentaire, œuvrer pour le plein emploi, assurer la justice fiscale, protéger notre environnement, promouvoir un
système d’éducation et de formation répondant aux besoins de la jeunesse, de son épanouissement et continuer à affirmer notre identité culturelle.
Nous devons favoriser une réelle expression démocratique de tous les Guadeloupéens, respectant le droit du Peuple Guadeloupéen à se donner la forme et le calendrier d’émancipation qu’il désire.
»
Au moins le texte permet d'éliminer quelques équivoques.
Les Etats-Généraux rejetés aux oubliettes de l'Histoire, « seule, affirme le rédacteur du LKP, la poursuite des luttes de masse, conduite par la classe des travailleurs conscients et organisés,
fondée sur un programme né de ses propres besoins, aspirations et revendications pourra répondre aux espérances du Peuple. »
Ça bouge au pays !
Et de conclure : « Ce combat ne peut être mené victorieusement sans la participation de l’ensemble de la jeunesse et du Peuple. LKP se situe résolument dans cette logique. »
Paroles ? Paroles, sûrement, mais aussi des actes. La campagne de signatures des modalités de l'accord Jacques-Bino se poursuit dans les entreprises, avec un succès non négligeable puisqu'on estime
à environ 48 000 les salariés concernés des entreprises signataires (sur 80 000 actifs). Des grèves se poursuivent dans des entreprises qui refusent de signer l'accord. Le LKP tient des meetings
d'information sur l'état des signatures. Le LKP, par la voix d'Elie Domota, menace de grèves nombreuses en cas de non validation de l'accord Jacques-Bino par le ministère du Travail. Ça bouge au
pays !
* Awa : non en créole.
Ils n'iront pas
Durant le week-end, plusieurs organisations syndicales d'envergure ont décidé qu'elles ne se rendraient pas aux Etats-Généraux de l'Outre-mer. Le Centrale des travailleurs unis (CTU) d'Alex Lollia
et d'Alain Plaisir, piliers du LKP, la première, la Confédération Générale des Travailleurs de la Guadeloupe (CGTG), de Jean-Marie-Nomertin, qui est apparu comme le « numéro 2 » du LKP aux côtés
d'Elie Domota, qui s'est souvent présenté comme le porte-parole du mouvement mais est bien défini, dans l'esprit des Guadeloupéens, comme le « numéro 1 » du LKP. L'Union générale des travailleurs
de la Guadeloupe (UGTG) a de même fait savoir qu'elle n'irait pas.
Ces trois syndicats représentent l'essentiel du mouvement syndical local. N'oublions pas qu'il y a 48 organisations et syndicats affiliés à Liyannaj kont pwòfitasyon (LKP) qu'on voit mal passer
outre l'unité affichée depuis le 5 décembre... et pas dénoncée depuis.
Certains l'ont fait savoir officiellement, hier : la CFTC, la CFDT, FO, la FSU, lUNSA, le SGEG, etc.
Le calendrier des Etats-Généraux
Ouverture : vendredi 27 mars, par le préfet Nicolas Desforges
Huit ateliers locaux — formation des prix, les circuits de distribution et le pouvoir d’achat; productions locales et conditions d'un développement endogène; grands projets structurants et
conditions du développement durable ; rénovation du dialogue social et formation professionnelle; gouvernance (évolutions institutionnelles locales et adaptation des administrations
centrales); insertion des départements d'Outre-mer dans leur environnement régional; égalité des chances, promotion de la diversité et insertion des jeunes; identité, culture et mémoire —
travaillent en ce moment, constitués de personnalités locales des mondes économique, politique, culturel, associatif, syndical, etc.
Ces ateliers travailleront à des synthèses et des propositions jusqu'au 15 mai.
Un site : depuis le 30 mars, il permet l'information la plus complète et une expression libre de tout internaute, selon les règles habituelles de la Net étiquette. Un forum est mis en service sur
etatsgeneraux-guadeloupe@guadeloupe.pref.gouv.fr
De même, avec l’aide des services de l’Etat, les présidents d’ateliers pourront organiser des séances publiques d’échanges.
Restitutions : lundi 8 juin, localement, par les rapporteurs des ateliers. La date a été choisie pour laisser passer le dimanche 7 juin, jour des élections européennes.
Premières propositions : lundi 15 juin, les premières propositions pour la Guadeloupe partiront vers Paris afin d’en permettre la synthèse et la préparation des premières réponses.
L'administration centrale recueillera de même les propositions des autres départements d'Outre-mer (Martinique, Guyane et Réunion).
Premier Conseil interministériel de l’outre-mer : début juillet, il se réunira, sous la présidence du Président de la République, pour arrêter une première série de décisions engageant un vaste
plan de modernisation de l’Outre-Mer et de sa relation avec la métropole.
Le Gouvernement a fait part de sa volonté d’annoncer une première série de mesures avant l’été.
Atermoiements à l'Elysée
Alors, viendra, viendra pas, le chef de l'Etat ? Il devait ouvrir les Etats-Généraux, puis Nicolas Sarkozy devait venir pendant les travaux. Maintenant, il semblerait qu'il souhaite aux alentours
du 20 avril... Mais rien n'est officiel. Et comme l'affaire semble tourner court...
IL A DIT
« Une vaste farce ! »
Frédéric Régent, secrétaire général de la FSU et historien
Nous refusons la logique qui nous est imposée avec ces Etats-Généraux. Nous nous sommes réunis, nous du LKP, ce week-end et la conclusion de nos travaux, c'est ce que vous publiez aujourd'hui. Nous
sommes scandalisés par le fait qu'il n'y a même pas un volet Education prévu ! Tout est soigneusement balisé depuis Paris. Les réponses sont prêtes. Les Etats-Généraux, sans les syndicats, sans les
associations, ne sont plus qu'une vaste farce. Sarko voulait venir en Guadeloupe avec quelques cadeaux, comme le Père Noël ! Il faut arrêter de se moquer de nous ! »