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La question est posée par l’inconscient collectif guadeloupéen. Et la réponse est refoulée par le conscient collectif de nos élus actuels…
Domota incarne cette figure quasi messianique qui fait basculer le souhaitable dans le possible et le possible dans le réel. Il est l’homme évènementiel qui épouse, malgré lui, le
providentiel dans une époque trouble, où l’homme ordinaire cherche un homme extraordinaire, qui malgré tout, lui ressemble.
Cet homme tant recherché, doit être courageux, intelligent et sincère. Il doit plaire sans le faire exprès, être convaincant parce qu’il parle franchement et doit ressembler à son peuple
(et plutôt par ses bons cotés). Il doit maitriser le « dé mo kat pawol », posséder un humour bien local et pouvoir tenir tête en toute dignité et avec respect à tous ceux qui peuvent
impressionner l’homme ordinaire.
Pour tenter de finir de brosser le tableau idéal, il nous faut rajouter une aptitude essentielle : cet homme doit porter la vérité et la révéler aux assoiffés de révélations, aux résignés
de la dure réalité, et aux insatisfaits de nos douces illusions. Tous ces gens-là sont surnommés « pèp là ». Et un lien étrangement complice doit s’établir entre cet homme et le peuple,
un lien qui prend racine dans une confiance mutuelle. Tel est le secret de cet homme idéal, il évolue sur un terrain propice où se mêlent l’espoir et la peur, mais à l’intérieur duquel il
peut être à la fois juge et arbitre…jusqu’ à un certain temps, politique cette fois.
Effectivement, Domota ressemble à cet homme-là. Son ascension n’a pas été difficile pour lui : il a toujours été sous-estimé.
Du coup, personne ne l’a vu venir, mais tout le monde l’a vu s’imposer…et cette nuance fait toute la différence.
Il est l’homme de la situation parce que sans les atouts de sa personnalité, et les qualités de son personnage, le LKP ne serait pas un LKP aussi populaire.
Mais sur la question politique, l’homme demeure énigmatique et donc dérangeant. Pourtant, le LKP porte aussi une mission politique de par les réformes qu’il entend défendre avec
détermination.
Le LKP est une symbiose savamment orchestrée par des règles internes strictes, dont la plus extériorisée est la loyauté.
Quelques gardiens du temple LKP ont été remarqués. Ce sont les différentes facettes du collectif, en voici quelques incarnations : le genre radical (Jean-Marie Nomertin), le genre
spécialiste qu’on ne peut pas couillonner (Alain Plaisir), le genre sage expérimenté (Rosan Mounien), le genre inspirateur charismatique (Raymond Gama), le genre sacrifié jusqu’au
boutiste (Alex Lollia), le genre protecteur des clés politiques du combat ouvrier (Félix Flemin), le genre idéaliste-pragmatique (René Beauchamps), le genre artiste (Cok et autres chantè
et tanbouyé talentueux d’Akiyo), et enfin le genre porte-parole très doué (Elie Domota).
Ils représentent tous à leurs manières une expression particulière de l’esprit LKP. Mais le nécessaire Domota, lui, est à la fois récepteur et émetteur. Il passe aussi pour celui qui
semble le mieux cumuler ou réunir ces différentes expressions. Cette impression le rend tout simplement plus crédible.
Le LKP fonctionne à la fois comme un groupe de pressions et comme un réseau dont la particularité est d’avoir aussi les caractéristiques d’un parti politique unique. Mais, il a surtout le
soutien « spontané » de très nombreux hommes, femmes, jeunes, et ainés qui sont issus d’une vaste partie de la population guadeloupéenne.
Par ailleurs, il utilise toutes les failles du système pour faire ses démonstrations de force et pour discréditer les institutionnels. Il a un réseau d’informateurs et des dossiers
solides qui feraient pâlir d’envie les services de renseignements généraux de la Guadeloupe.
Enfin, son véritable trésor de guerre est le formidable phénomène de société qu’il représente. Il est en effet, parvenu à capitaliser une popularité incroyablement puissante, tellement
puissante que Domota est incontestablement l’homme qui, aujourd’hui, a le plus d’influence sur l’opinion publique guadeloupéenne.
Tous les soirs avant de s’endormir les élus de la Guadeloupe fantasment sur le même film, son titre : « Dans la peau de Domota ». Ce film se termine pour eux, à chaque fois, de la même
manière, par une élection régionale historique ou celui qui est dans la peau de Domota remporte plus de 75% des suffrages. Le programme est simple : une assemblée unique et son programme
unique pour un peuple unique.
Ainsi, notre thriller des régionales prend encore une nouvelle tournure, et Victorin Lurel dit « Victorin Julius César » est un roi, de plus en plus nu et de plus en plus moribond. Mais
il n’est pas encore mort. Sa force réside dans la foi qu’il porte en lui-même, dans le fait que son adversaire le plus redoutable et redouté (Domota !) ne veut absolument pas s’investir
dans des élections politiques, et dans un parcours politique qui lui a déjà livré le secret du phœnix qui sait renaitre de ses cendres.
Il y a bien quelques personnalités politiques qui pourraient s’impliquer dans le terrible combat régional. Certains pensent à Carabin, la patronne fougueuse du Moule, une passionnée
sincère qui maitrise encore les rouages de l’UMP local, mais qui a quitté la table des négociations en même temps que le Préfet. Marie Luce Penchard, intellectuelle, ambitieuse et fille
de Lucette Michaux-chevry, mais dont il manque une sacrée dimension locale. Toribio, électron libre et protecteur du Lamentin, souvent visionnaire et toujours pertinent, mais trop
exigeant, et aujourd’hui trop discret. Losbar, chef de la tribu petit-bourgeoise, c’est la nouvelle génération du GUSR, pragmatique, bon orateur, il sait écouter et se faire apprécier,
mais il manque encore un peu d’épaisseur politique. Bernier, le premier de la classe à Saint François, il est accessible, sympathique, intelligent et combatif, mais pas assez fédérateur,
et paraît trop jeune.
Eux tous possèdent un potentiel intéressant, mais ils ne peuvent pas en l’état, faire trembler sérieusement Victorin Julius César.
Cependant, à l’exception de Domota, il reste quatre hommes qui peuvent détrôner notre César prochainement poignardé, à condition que l’un d’entre eux parvienne à fédérer autour de sa
candidature. Il s’agit de trois hommes politiques aguerris qui sont conscients de leurs valeurs et de leur légitimité. Ce sont trois hommes qui peuvent plus ou moins symboliser l’état
d’esprit actuel des guadeloupéens : Flémin, Jalton, et Malo.
Certes, ces trois prétendants éventuels au trône n’ont pas la dialectique implacable de Victorin Julius César, ni le verbe populaire d’un Domota, mais ils présentent tous la qualité de
bien connaitre le peuple guadeloupéen.
Comme toute ascension, une ascension politique se prépare bien en amont et méticuleusement. Chacun d’entre eux doit connaître ses forces et reconnaître ses faiblesses, pour mettre en
place la stratégie la plus rentable.
Pourquoi Flémin ?
Parce qu’il est un pilier historique du LKP. Maitrisé et travailleur, il connaît parfaitement les problèmes majeurs du pays, son histoire et son évolution. Il s’exprime comme un véritable
tribun et ses convictions profondes sont non-négociables.
Son regard traduit une fermeté qui confirme son endurance à toutes sortes d’épreuves. Il croit en la Politique, son combat est donc sincère. Il est possédé par le désir de pouvoir servir
la cause du peuple.
C’est un esprit vif, talentueux, qui n’est pas suffisamment soutenu. Sa présidence régionale serait un aboutissement mérité et au mieux, une période plus avantageuse pour les travailleurs
guadeloupéens.
Mais Flémin doit changer absolument et rapidement de logiciel de communication. Le communisme guadeloupéen doit être redéfini au sein d’un projet dépouillé de la sémantique marxiste. Son
anti-colonialisme ne fait plus recette, puisqu’il est unanimement partagé telle une évidence évidente. En politique, croire qu’on a raison n’est pas toujours suffisant.
Il faut sensibiliser, se faire apprécier, inspirer confiance pour se faire entendre. Avant de chercher à convaincre il doit changer son image. Il semble s’adresser encore aux vieux
nostalgiques d’un PCG mythique. En Besancenot local il aurait beaucoup plus d’audience.
Pourquoi Jalton ?
Avant tout, c’est un formidable tacticien. Il a le sens de la mesure et des étapes à franchir. Son flair et sa sensibilité feraient de lui un bon psychologue. Il distingue rapidement
l’essentiel de l’accessoire et sait toucher juste. Il connaît bien les défauts et les qualités du peuple, et manie les opportunités avec virtuosité et gourmandise.
C’est un animal politique né, séducteur et tempéré. Il donne souvent cette précieuse impression : avec lui, tout se passera bien. Jalton c’est la force tranquille à la guadeloupéenne.
C’est un pragmatique pur et dur qui ne laisse pas grand chose au hasard. Il a su se faire remarquer judicieusement au WTC et compte bien rentabiliser ses coups d’éclat. C’est l’élu qui a
su rester proche du peuple en étant l’un de ses plus fervents avocats.
Sa présidence régionale serait pour lui, un aboutissement politique et au mieux un conservatisme apaisé pour le peuple.
Mais Jalton n’a pas le charisme de l’homme politique qui s’exprime avec ferveur et sa versatilité politique le rend moins consistant. Il devrait faire le coup du « j’ai changé » à la
Sarkozy, afin de s’offrir une nouvelle et ultime virginité. Il doit sortir rapidement de l’état de l’homme politicien, pour passer à la stature de l’homme politique.
Pourquoi Malo ?
Coïncidences ou signes des temps, ses combats personnels correspondent aux épreuves personnelles du pays.
Il a le tempérament d’un conquérant de justice et de liberté. Il concilie à merveille authenticité, intelligence, simplicité et fermeté.
Il est véritablement amoureux de la Guadeloupe et son patriotisme naturel, et non dogmatique, le rend plus sage et plus compréhensif que les autres. C’est un passionné intransigeant qui
cultive le franc parlé, le bon sens et la maïeutique.
Forgé dans la combativité, le sens des responsabilités, son lien viscéral avec la « Guadeloupe d’en bas » lui confère une légitimité morale importante. Il décide de ne plus être Président
des Maires, c’est à la fois bon signe et un signal fort.
Le trio Lurel, Gillot, Malo devient simple duo. Malo est plus fidèle à lui-même quand il est avec le peuple uniquement.
Sa présidence régionale serait non pas un aboutissement, mais une continuité dans sa mission et au mieux une nouvelle ère de réconciliation pour la Guadeloupe.
Mais, il manque encore à Malo l’envergure de l’homme politique dont émane l’autorité qui inspire le respect. Son image est à mi-parcours entre le penseur-intellectuel qu’il est, et le
populiste doué qu’il pourrait être. Il doit choisir son personnage politique sans ambiguïté, pour devenir largement plus populaire.
Pourquoi Gillot ?
Gillot est le Maitre du consensus. Il a cette faculté incroyable de ne pas cliver, de ne pas déchainer les passions contre lui et de paraître, cerise sur le gâteau, comme l’homme
politique qui fait ce qu’il peut avec de la bonne volonté. Il est rassurant et semble même magnanime ! Il ne dit jamais ce qu’il faut dire mais toujours ce qu’il faut entendre. Il prend
toujours le moins de risques possibles, il ne se mouille pas trop sauf quand il sent que tout le monde pense qu’il devrait se mouiller. Dans ce cas là, il fait juste trempette …on ne sait
jamais on pourrait l’accuser d’avoir nagé en eaux troubles. Il est observateur et astucieux : il surveille ou teste les réactions des uns et des autres avant de mettre tout le monde dans
sa poche. En fait c’est l’homme politique dont on se méfie le moins d’autant plus que ses défauts et ses fautes sont méconnus, il sait cultiver la discrétion. Il a un atout considérable :
on ne sait pas ce qu’il pense ! Politiquement, il est doté d’une relative virginité, il est donc nouveau tout en étant expérimenté. Gillot c’est ce mec qui ressemble au bon père de
famille qui a l’air sincère.
Sa présidence régionale s’inscrirait dans une continuité presque normale pour lui et une ère de douce transition pour le pays.
Mais Gillot a un défaut qui fait pèse lourd : il s’appelle César Lurel. Il doit justifier d’en faire un adversaire politique sans pour autant, lui, le sympathique Gillot, passer pour le
méchant Brutus…
Victorin Julius César sait qu’il a une longueur d’avance sur eux tous et qu’il possède encore un peu de temps pour retourner l’opinion publique en sa faveur. Pour lui
tout est à refaire et à reconquérir, toutes ses campagnes de communications n’ont servi finalement à rien. Le mot « LKP » est plus agréable que le mot « Lurel » et LKP est anti-Lurel dans
le conscient collectif. Qu’un opposant charismatique incarne le changement et le « oui, nous devons » domotamien, et Victorin Julius César est politiquement mort…
Alors Lucette Michaux Chevry l’appellera pour lui chanter « la Région sé tan nou, la Région sé pa ta vou… ».
Enfin, pour le moment le cauchemar de César Lurel c’est Domota, alors revenons à notre chouchou préféré, ambiance Domotamania.
Oui, le peuple a enfin trouvé un leader en qui il a confiance…pour le moment. En effet, les responsabilités syndicales n’ont pas les mêmes implications que des responsabilités politiques,
et celles-ci ne sont pas assumées de la même manière, n’est-ce-pas Monsieur Domota.
Domota président ? Ce point d’interrogation peut devenir un point d’exclamation si le peuple guadeloupéen ne se retrouve pas dans les futurs débats et les prochaines
candidatures proposés.
Domota prétend s’engager pour le bien-être du peuple, alors si les conjonctures politiques et psycho-sociales ne permettent pas la consécration d’un Flémin, d’un Jalton, d’un Malo ou d’un
joker, le peuple risque de le réclamer lui et pas un autre.
Mais Elie ne veut surtout pas s’impliquer dans les voies étroites et tortueuses de la politique, même s’il nous a donné l’impression qu’avec lui comme capitaine, notre bateau passera les
bons caps sur les bons flots.
Et puis Elie, devra freiner un peu beaucoup sur ses éventuels pulsions indépendantistes pour ne pas brusquer le peuple en tronquant son langage pour un discours plus digestes…afin de
rassurer les ventres.
La Martinique a son Alfred Marie-Jeanne un peu ambigu, alors la Guadeloupe aurait son Elie Domota un peu roots.
Et la Pologne a eu Lech Walesa, le fameux syndicaliste qui est devenu le président de son pays. Walesa peut-il inspirer Domota ?
Domota, si le peuple te plébiscite ouvertement et fortement l’année prochaine, afin d’œuvrer pour le pays sauras-tu répondre encore présent au nom de l’intérêt général ?
Domota président ?
Si la question devient effectivement une exclamation, un désir populaire, une confiance offerte, des espoirs à combler, un recours qui rime avec secours, un service à rendre, alors tu
devras t’appliquer à toi-même ce que tu aimes dire aux autres : « Prenez vos responsabilités ! »
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