TONY DELSHAM INVITE PAR LE CHEF DE
L’ÉTAT
Mercredi 18 mars,
au Palais de
l'Élysée, une huitaine d’Antillais, vivant aux Antilles ou en France, acteurs du monde sportif,
littéraire, ou cinématographique ont été reçus par le Président Nicolas Sarkozy. Il s’agissait pour celui-ci de compléter sa connaissance des Antilles hors des canaux
habituels politiques, syndicaux et administratifs. C’est la raison donnée aux invités. Protocole strict, pas de photographe, pas d’enregistrement.
Tony Delsham
faisait partie des invités. Lu sur le site martinique-editions.com.
Vous avez donc été
invité à un déjeuner par le Président, comment s’est enclenchée cette invitation ?
Tony
DELSHAM : J’ai été le premier surpris,
puis je me suis rendu compte que parmi les conseillers pour l’Outre-mer du président, j’ai des lecteurs qui connaissent et apprécient mes écrits. C’était au départ un déjeuner sans tapage qui
aurait dû passer inaperçu. Au matin de mon retour pour la Martinique, mon contact m’apprit qu’un communiqué serait remis à la presse. Alors j’ai décidé d’en parler, chez moi à la
Martinique.
Qu’avez-vous dit au
président ?
Tony
DELSHAM : Si vous me demandez si je suis
satisfait de cette rencontre avec le président de la République, ma réponse est non. En fait, je n’eus que le temps d’amorcer mon discours, quant à ma vision d’une Martinique
acceptant le Devenu et enfin débarrassée des pesanteurs d’un passé qui, en 2009, se vit au présent.
Certes, je lui ai
dit, qu’à mon avis, Février 2009 est le troisième moment important de l’histoire de la Martinique, par le simple fait que le contact, qui pour l’heure se traduit par un
affrontement entre descendants d’esclaves et descendants d’esclavagistes, stoppé dès 1946, semble rétabli.
Certes, je lui
ai affirmé que le premier moment de notre histoire est le 22 Mai 1848 date où l’esclave libéré choisit le concept de la Révolution Française, Liberté, Egalité, Fraternité.
Certes, je lui ai
remis en mémoire le dernier message d’Aimé Césaire qui, au cours de l’un de ses déplacements à la Martinique, l’avait ainsi interpellé : « La Liberté…oui. Mais l’Egalité
…j’attends encore ! Quant à la Fraternité … »
Mais, à
l’évidence, le Président Nicolas Sarkozy est parfaitement informé des problèmes de la Martinique, des bobos de la Martinique. Son invitation était donc, me semble-t-il,
recherche du petit plus qu’il n’a peut-être trouvé, ni dans le discours politique, ni dans le discours syndical, ni dans les rapports des services de l’Etat.
Ce petit plus
l’a-t-il trouvé ?
Tony
DELSHAM : Je n’en sais rien, il a beaucoup
écouté, donnant parfois son point de vue, confiant ce qu’il ambitionne de faire, ce qu’il fera. Parmi les suggestions, l’un des invités a souhaité une vaste opération dans les médias où, de
façon pédagogique, on expliquerait à la France l’importance des D.O.M. Finalement, c’est à lui qu’il faudrait poser cette question. Avait-il d’autres intentions comme l’affirment
certains médias aujourd’hui ? Je n’en sais rien et, finalement, ce n’est pas mon problème !
Et, qu’auriez-vous
dit de plus si vous en aviez eu le temps ?
Tony
DELSHAM : J’ai conclu mon intervention en
soulignant, qu’à mon avis, rien ne sera possible en Martinique, quelles que soient les mesures prises, si l’égalité des chances n’est pas au rendez-vous et, surtout, si les différentes
composantes de l’identité martiniquaise continuent à n’être que des voisins en querelle de voisinage. On ne construit pas d’immeuble sur des fondations pourries, je pense qu’il faut
d’abord régler le lourd contentieux historique divisant les Martiniquais qui, au 21° siècle, n’ont pas fait le deuil de la douleur. Alors, j’aurais aimé avoir
dit au Président la nécessité d’un acte fondateur. Un acte fondateur reconnu par tous, notamment par la République. Je pense que la célébration de cet acte fondateur doit être
le 22 Mai, point de départ de ce que nous sommes aujourd’hui. Le 22 Mai, véritable charte, cesserait d’être mur de lamentations et résumerait : nos souffrances
et notre triomphe sur une époque barbare, l’adhésion des nouvelles générations de békés au dépassement de cette tragédie de notre parcours, mais, également et surtout, la
reconnaissance par la capitale française de notre identité, de notre martinicanité. Cette proposition a été faite en 2005 dans mon essai « Cénesthésie
et l’urgence d’être » Dès le 22 Mai suivant en 2006, et jusqu’à aujourd’hui, le maire de Fort-de-France reçoit une délégation de Békés à la Place Abbé Grégoire.
Hélas, sans éclat particulier, sans signification particulière. Le 22 Mai est encore mur de lamentations et non réussite de la formation d’un peuple né d’une traçabilité historique des plus
limpides, soudé par une convergence d’intérêts, regardant enfin dans la même direction et affrontant sereinement les problèmes de classes, et non plus de races.
Propos recueillis
par Mike Irasque, pour le journal « ANTILLA »
Voir le site :
martinique-editions.com