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Liberté des prix ou liberté de pwofitasyon ?
Dans son communiqué du 3 juin 2011, l’Etat, par l’intermédiaire du cabinet du Préfet de
Guadeloupe, affirme qu’au regard de l’article L410.2 du Code du commerce « les prix des
produits, des biens et des services, sauf quand la loi en dispose autrement, sont librement
déterminés par le jeu de la concurrence ».
Ce que l’Etat omet de mentionner, c’est que ce même article L410-2 du Code du commerce
– doublé par l’article 1 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des
outre-mer (LODEOM) – prévoit que « dans les secteurs ou les zones où la concurrence
par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés
durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un
décret en Conseil d'Etat peut réglementer les prix après consultation de l'Autorité de
la concurrence ».
Or, en Guadeloupe, la concurrence est justement limitée, quand elle n’est pas, dans certains
secteurs, quasiment inexistante. C’est d’ailleurs ce qu’en avait conclu l’Autorité de la
concurrence dans son fameux avis du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes
d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements
d’outre-mer :
« le secteur de la distribution alimentaire présente des niveaux
de concentration relativement élevés. […] certains groupes de
distribution détiennent ainsi des parts de marché, en surfaces
commerciales, supérieures à 40% »
Par ailleurs, dans le secteur automobile, une famille détient un quasi-monopole sur les
concessions automobiles.
Qui dit vrai ? L’Autorité de la concurrence ou l’autorité préfectorale ?
Des outils législatifs existent. La situation du secteur de la distribution en Guadeloupe justifie
qu’ils soient utilisés. Tout est réuni pour que le gouvernement prenne des décrets
réglementant le prix des produits de première nécessité en Guadeloupe.
Le seul obstacle est le refus gouvernemental de mener une politique favorable aux classes
populaires et de s’attaquer aux intérêts des grands groupes privés en limitant leurs profits.
Le communiqué de la Préfecture appelle plusieurs autres remarques :
1. Il y est avancé que le pôle C de la DIECCTE effectuerait, depuis janvier 2010, des
relevés mensuels de prix de 60 produits de première nécessité (60 de marques nationales,
60 “premier prix” et 60 de marques de distributeurs).
Le Bureau d’Etudes Ouvrières (BEO) rappelle que les relevés bi-mensuels de prix de
50 produits d’un chariot-type, prévus par l’article 19 du protocole d’accord du 4 mars
2009, ont totalement disparu du site de la préfecture de Guadeloupe après le mois de
décembre 2009. Depuis le mois de janvier 2010, les consommateurs guadeloupéens n’ont
donc absolument plus aucune information sur l’évolution des prix des produits de première
nécessité de ce chariot-type.
C’est une infraction aux accords signés entre la préfecture et le LKP ainsi qu’aux
décisions du Comité interministériel de l’outre-mer (CIOM) du 6 novembre 2009.
2. Le cabinet du préfet prétend que de janvier à avril 2011, les relevés de prix issus de ce
chariot-type auraient permis de constater une baisse moyenne de – 2,37 % sur les 60
produits de première nécessité.
Outre le fait que la liste de ce panel de 60 produits de première nécessité n’a jamais été
communiquée à qui que ce soit en Guadeloupe, aucune publication de relevé mensuel de
prix n’a été opérée depuis l’année 2009.
La préfecture de Guadeloupe nous annonce donc, après 18 mois de silence absolu,
l’incroyable nouvelle d’une baisse des prix sur des produits que nul ne connaît et
pour lesquels personne n’a reçu la moindre information durant toute l’année 2010 !
3. Concernant les pièces détachées automobiles (qui étaient dans le collimateur du LKP), la
Préfecture affirme qu’« aucune pratique anticoncurrentielle n’a pu être mis en évidence ».
Nous voulons bien croire ces honorables fonctionnaires de la DIECCTE. Encore faudrait-il
qu’ils nous expliquent pourquoi les prix pratiqués dans ce secteur sont 30 à 100 %
plus chers qu’en France.
4. Il appartenait aussi à l’Etat de faire respecter par la grande distribution ses engagements
à répercuter les baisses d’octroi de mer accordées par la Région à la demande du LKP et
applicables à partir d’octobre 2009.
Le BEO souhaite porter à la connaissance de la population qu’après les négociations de
mars et avril 2009 portant sur les marges de la grande distribution, de nouvelles baisses
devaient s’ajouter aux premières à partir du mois d’octobre 2009, le LKP ayant obtenu de
la Région une réduction des taux d’octroi de mer sur plusieurs centaines de produits.
A titre d’exemple, le taux d’octroi de mer était passé de 15 à 7 % sur les conserves de
viande et de poisson, de 15 à 5 % sur les pâtes, de 7 à 0 % sur le sel et de 5 à 0 % sur les
couches pour bébés.
Ces baisses n’ont jamais été répercutées par la grande distribution et n’ont jamais
bénéficiées au consommateur final. L’absence de contrôle par les services de l’Etat, cosignataires
des engagements de baisse de prix, sur ce point précis constitue donc un
cadeau à la grande distribution et représente un double vol de la part de cette dernière :
• vol vis-à-vis des communes qui ont ainsi été privées d’environ 8 millions
d‘euros de recettes fiscales ;
• vol vis-à-vis des consommateurs guadeloupéens, particulièrement les plus
modestes pour qui l’alimentation constitue la principale dépense, qui n’ont pas
profité de cette baisse d’octroi de mer offerte au secteur de la distribution.
5. Enfin, l’Etat passe également sous silence le non-respect de son engagement à verser
une subvention de 100 000 euros pour aider à la mise en place du Bureau d’Etudes
Ouvrières créé par le Lyannaj Kont Pwofitasyon.
Quoiqu’en disent les communiqués dilatoires de la préfecture, les premiers relevés des prix
effectués au mois de mai 2011 par les brigades du BEO montrent une forte augmentation
des prix sur les produits de première nécessité négociés en 2009.
La publication, dans le courant fin juin, des résultats de cette première campagne
d’enquêtes du BEO illustrera la poursuite de la pwofitasyon dans la grande
distribution grâce à la bienveillance et l’inaction de l’Etat.
Nul doute qu’à cette occasion le cabinet du préfet offrira au peuple guadeloupéen un
nouveau communiqué pour justifier la pwofitasyon dont il est victime.
Alain PLAISIR
Président du Bureau d’Etudes Ouvrières